Pedro Sanchez, le dernier socialiste de l'UE
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Pedro Sanchez, le dernier socialiste de l'UE
Pedro Sánchez, le Premier ministre espagnol, pourrait devenir dans un an le dernier dirigeant socialiste de l'Union européenne. La Matinale Européenne a réalisé le week-end dernier une série d’entretiens, base de ce récit de politique fiction. Il pourrait devenir prémonitoire dans une UE qui dérive de plus en plus vers l'extrême droite si Sánchez se drape dans la bannière du progressisme et se fait le héraut des valeurs européennes pour nager à contre-courant, en dépit des difficultés internes.
Le récit commence le 1er décembre 2024. Ursula Von der Leyen entame son deuxième mandat après avoir tordu le bras aux socialistes, aux libéraux et à une bonne partie des écologistes pour obtenir l’investiture de ses commissaires au Parlement européen. Entourée par une garde prétorienne de 14 membres du Parti Populaire Européen, elle dirige un collège au sein duquel quatre socialistes dirigés par Teresa Ribera et une poignée de libéraux sans véritable leader vont peiner à s’opposer au coup de barre à droite donné au vaisseau Europe.
En décembre 2024, l’espagnol Pedro Sánchez, sur la corde raide à cause de crises internes, notamment la chute d’Inigo Errejon, fondateur de Podemos, accusé d'abus sexuels, parvient à respirer grâce à l’approbation du budget 2025. Sánchez s’assure ainsi deux ans de plus. La législature prend forme après un remaniement concernant plusieurs ministres, et Sumar, le petit parti de la coalition, né d’une scission de Podemos, commence à panser ses plaies internes et à réorganiser l’espace à la gauche du PSOE.
L’incompatibilité entre les droites nationalistes catalane et basque et l’extrême droite nationaliste espagnole de VOX empêche, une fois de plus, le Parti Populaire de former une majorité alternative, bien que les droites réunissent la majorité au Parlement espagnol. Les bons chiffres économiques (l’Espagne croît quatre fois plus vite que la moyenne de la zone euro, connaît un chômage au plus bas depuis 18 ans, et réduit depuis 2021 une lourde dette publique et un déficit fiscal en respectant le Pacte de stabilité) ne sont que des murmures dans le vacarme politique et médiatique espagnol. Un entrepreneur basque ayant passé près d’une décennie en France et récemment installé à Madrid, confiait samedi à “La Matinale Européenne” combien il était choqué par la politique nationale à son retour en Espagne.
Pedro Sanchez a pendant des années trouvé sur la scène européenne le souffle perdu à cause de l'atmosphère devenue pesante à Madrid. Sánchez est le président du gouvernement espagnol le plus à l’aise sur la scène internationale, le premier à parler plusieurs langues couramment et celui dont l’image internationale a été la meilleure comparée à son image nationale.
Mais un an plus tard, le 28 septembre 2025, tard dans la soirée, les résultats des législatives allemandes commencent à tomber. Le chancelier socialiste (SPD) Olaf Scholz, comme prévu, chute et démissionne. Le conservateur Friedrich Merz (CDU) va prendre les commandes du gouvernement. Il n’a pas la majorité absolue et il va devoir trouver des alliés pour former une coalition soit avec les sociaux-démocrates qui devront trouver un nouveau leader, soit avec les écologistes ou les libéraux.
La chute de Scholz, le virage à droite de la Commission et la faiblesse politique d’Emmanuel Macron en France isolent Pedro Sanchez. Fin 2025, l’Espagne de Sánchez devient le dernier bastion important du socialisme européen. Il ne lui reste comme soutiens que Malte, la Roumanie, le Danemark et la Lituanie. Insuffisant pour former des minorités de blocage. Sánchez est le plus grand des petits, mais il est tout petit dans une Union européenne devenue très conservatrice. Les extrêmes-droites et les droites souverainistes, sous leurs diverses formes, gouvernaient fin 2025 en Italie, en Tchéquie, en Slovaquie, en Belgique, en Slovénie et en Hongrie. Elles dominaient le gouvernement néerlandais, soutenaient les gouvernements finlandais et suédois et en France, Marine le Pen, à la tête du Rassemblement National devenu le premier parti politique de l'hexagone, brigue l'Elysée en 2027.
Le Parti Populaire Européen n’a plus aucun scrupules à s’allier aux groupes des partis d'extrême droite au Parlement européen et dans plusieurs gouvernements. La solitude de Sánchez lors des sommets européens s’aggrave lorsque les propositions de plus de 20 gouvernements confirment le virage à droite de l’Union Européenne sur la politique migratoire, les politiques sociales et les mesures économiques.
Fin 2025, Sánchez est confronté à un dilemme: l’Espagne doit-elle s'aligner sur le nouveau consensus conservateur ou résister ? Macron reste un allié, mais Le Pen menace de faire basculer la France. Sánchez commence à s’opposer de plus en plus à la Commission européenne, mais Teresa Ribera est écrasée par le rouleau conservateur au sein du Collège des commissaires. Que faire ? Céder et sauver les meubles, ou ériger un mur aux Pyrénées et résister dans l’espoir de trouver de nouveaux alliés dans les années à venir ? Déclarer ‘No pasarán’ ou rendre les armes ?
“La Matinale Européenne” a rencontré la semaine dernière à Madrid des hauts fonctionnaires du gouvernement, des responsables du parti Sumar et plusieurs journalistes des principaux médias espagnols. Tous s’accordent à souligner la faiblesse du gouvernement, prédisent un automne politiquement catastrophique, mais ils soulignent également l’incapacité du Parti Populaire à forger une majorité alternative, ce qui permet d’assurer la continuité de Sánchez avec le soutien de Sumar et des nationalistes régionaux. L’objectif est de gagner du temps, de consolider les bons chiffres économiques et d’avancer sur les questions qui préoccupent le plus les citoyens, comme le logement.
Nos interlocuteurs pensent que Sánchez ne cédera pas face à la droite européenne. L’Espagnol tentera de maintenir les meilleures relations possibles avec Von der Leyen et avec Merz, mais il s’opposera frontalement lorsque la Commission penchera à droite et affrontera l’Italie de Giorgia Meloni et une France devenue Lepeniste. Il peut être tenté de convoquer des élections anticipées pour asseoir son pouvoir, mais il peut tout perdre avec cette initiative jugée dangereuse par nombre de conseillers.
"L’Espagne n’a jamais été un pays de veto sur la scène européenne, mais un pays de recherche de consensus. Cependant, il n’y a jamais eu un scénario européen comme l’actuel. Si un consensus se construit sur un point qui accommode la droite et l’extrême droite, l’Espagne n’en sera pas", confie un haut fonctionnaire du gouvernement. La presse, y compris celle qui ne soutient pas le gouvernement, considère que Sánchez ne lâchera pas le drapeau de la gauche, même face à un éventuel retour de Donald Trump à la Maison Blanche. Presque personne à Madrid ne voit Sánchez "se ranger au consensus conservateur".
“Pour des raisons internes, il maintiendra ses positions, même si elles sont minoritaires” soutient le responsable d’un média progressiste . Plusieurs journalistes de médias critiques envers le gouvernement pensent que la carte idéologique, combinée aux données économiques, seront les seuls atouts de Sánchez pour maintenir les intentions de vote socialistes en Espagne. Un responsable d’un journal conservateur, critique envers le président, nous a confié que "Sánchez se construit un profil de leader de la gauche européenne (Gaza en est le meilleur exemple). Je tends à penser que Sánchez sera plus à l’aise en étant la voix discordante plutôt qu’en se pliant au consensus conservateur".
Un de ses confrères introduit à la Moncloa (le siège du gouvernement à Madrid ) considère que “Sanchez est actuellement le leader socialiste le plus en forme d’Europe, car il vient d’un des “grands” pays et parce que sa politique européenne et étrangère est différente : en Ukraine, il est dans le consensus européen, mais sur Gaza et en matière migratoire, il est plus proche des valeurs fondamentales du centre-gauche et de l’Europe, que d’autres leaders de pays plus importants".
Ce drapeau sera un atout sur le plan national. Il doit affronter les droites en Europe pour que son discours contre l’extrême droite reste crédible en Espagne. S’il parvient à achever la législature, les Espagnols ne voteront pas avant la seconde moitié de 2027.
Mai 2027: Marine Le Pen l’emporte et s’installe à l’Élysée. Les fondations de l’Union craquent. Poutine et Trump exultent. Les troupes russes avancent vers Kiev. Quelques semaines plus tard, le 1er juin 2027, après son habituel footing à l’aube, Sanchez prend son portable et compose un numéro. La mélodie de ‘Segundo Premio’ du groupe pop ‘Los Planetas’ retentit au 12e étage du Berlaymont. “Pedro” s’affiche sur l’écran de son interlocuteur, une femme. Elle décroche. “Bonjour, monsieur le président". De l’autre côté, une réponse qu’elle redoute, et peut-être espère depuis longtemps : "Teresa, il faut que tu reviennes”.
La citation
“Je viens de raccrocher le téléphone avec le président Donald Trump. Je lui ai souhaité bonne chance pour mardi prochain. Ce n'est que dans cinq jours. Je croise les doigts”.
Viktor Orban, Premier ministre de Hongrie.
Numérique
Procédure au titre de la loi sur les services numériques contre le Chinois Temu - La Commission a ouvert hier une procédure formelle au titre de la loi sur les services numériques contre la plateforme de vente chinoise Temu pour violation des règles relatives à la vente de produits illégaux et de contrefaçon, à la conception de services susceptibles de créer une dépendance, aux systèmes utilisés pour recommander des achats aux utilisateurs et à l'accès aux données pour les enquêteurs. La décision fait suite aux analyses préliminaires du rapport d'évaluation des risques fourni par Temu à la fin du mois de septembre 2024, aux réponses aux demandes formelles d'information, ainsi qu'aux informations communiquées par des tiers. La plateforme chinoise de commerce électronique est soupçonnée de ne pas avoir mis en place des systèmes adéquats pour limiter la vente de produits non conformes dans l'UE. En outre, la Commission conteste les programmes de récompense de type jeu qui créent une dépendance ayant des conséquences négatives sur le bien-être physique et mental d'une personne. La Commission va maintenant mener en priorité une enquête approfondie. La procédure engagée contre Temu pourrait signaler un changement de priorités dans la mise en œuvre de l'ASD à la suite de la démission de Thierry Breton. La Commission pourrait se concentrer davantage sur les plateformes chinoises que sur les géants américains. Selon nos sources, cette procédure s'est accélérée sous la pression du cabinet de la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, après que Temu a fait l'objet d'une controverse en Allemagne pour avoir vendu des produits illégaux.
Green Deal
Les émissions de l'UE baissent de 8,3 % en 2023 - Les émissions nettes de gaz à effet de serre de l'UE ont baissé de 8,3 % en 2023 par rapport à 2022, selon le rapport annuel publié hier par la Commission sur les progrès réalisés en matière d'action climatique. "Les émissions nettes de gaz à effet de serre sont désormais inférieures de 37 % aux niveaux de 1990, alors que le PIB a augmenté de 68 % au cours de la même période, ce qui démontre le découplage continu entre les émissions et la croissance économique." Les émissions des centrales électriques et des installations industrielles couvertes par le système d'échange de quotas d'émission (SCEQE) devraient connaître une baisse record de 16,5 % en 2023. Les émissions provenant de la production d'électricité et du chauffage ont diminué de 24 %, grâce à une augmentation significative des sources d'énergie renouvelables, en particulier l'énergie éolienne et solaire, et à l'abandon progressif du charbon. En revanche, les réductions dans le secteur agricole n'ont diminué que de 2 %, tandis que celles du transport aérien ont augmenté de 9,5 %. La Commission estime que l'UE est "en bonne voie" pour atteindre l'objectif de réduction des émissions d'au moins 55 % d'ici à 2030.
Energie
Les installations de stockage de gaz sont remplies à 95 % - Les installations de stockage de gaz de l'UE étaient remplies à 95 % au 1er novembre, dépassant l'objectif de 90 % fixé après l'agression de la Russie en Ukraine pour se protéger contre une crise énergétique provoquée par Moscou, a déclaré hier la Commission européenne. La sécurité devrait être garantie pour l'hiver. Il y a actuellement environ 100 milliards de mètres cubes de gaz stockés dans l'UE, ce qui représente environ un tiers de la consommation annuelle de gaz, selon les données fournies par Gas Infrastructure Europe. "Lorsque la Russie a envahi l'Ukraine et tenté de faire chanter l'Europe avec ses approvisionnements énergétiques, nous avons pris des mesures rapides pour nous protéger contre de futurs chocs d'approvisionnement. Ce travail porte ses fruits et nous abordons cet hiver avec un bon niveau de gaz stocké dans toute l'Europe, des approvisionnements énergétiques diversifiés, une part plus importante d'énergies renouvelables et un engagement renouvelé en faveur de l'efficacité énergétique et des économies d'énergie", a déclaré la commissaire Kadri Simson.
Antitrust
Vestager inflige une amende au géant pharmaceutique Teva - La Commission a infligé hier une amende de 462,6 millions d'euros à Teva pour abus de position dominante, après que le géant pharmaceutique a prolongé artificiellement la protection d'un brevet sur un médicament et diffusé systématiquement des informations trompeuses sur un produit concurrent afin d'empêcher son entrée sur le marché à un prix beaucoup plus bas. Le médicament en question est le Copaxone, utilisé pour le traitement de la sclérose en plaques et contenant l'ingrédient actif acétate de glatiramère, pour lequel Teva détenait un brevet de base jusqu'en 2015. L'enquête de la Commission a révélé que Teva avait abusé de sa position dominante sur les marchés de l'acétate de glatiramère en Belgique, en République tchèque, en Allemagne, en Italie, aux Pays-Bas, en Pologne et en Espagne. Ce comportement a duré de 4 à 9 ans (selon l'État membre) et a empêché la baisse des prix de liste, ce qui a eu un impact négatif sur les budgets nationaux de santé publique. Selon la Commission, une fois que le produit concurrent est entré sur le marché, les prix de liste ont chuté jusqu'à 80 %, ce qui a permis aux systèmes de santé de réaliser d'importantes économies. En outre, Teva a lancé une campagne visant à jeter le doute sur l'efficacité et la sécurité du seul autre médicament à base d'acétate de glatiramère autorisé dans l'UE, produit par Synthon, en diffusant des informations contredites par les autorités sanitaires, dans le but de créer une incertitude quant à la sécurité, l'efficacité et l'équivalence thérapeutique du produit concurrent. "Nous envoyons un message clair aux entreprises pharmaceutiques dominantes : nous ne tolérerons pas le recours à des campagnes de dénigrement pour bloquer des médicaments concurrents", a déclaré la commissaire Margrethe Vestager.
Cela se passe aujourd'hui
Les institutions européennes sont fermées pour la Toussaint.