2024, l’année des mauvais génies anti-européens
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2024, l’année des mauvais génies anti-européens
Année d’élections, 2024 va mettre l’Union européenne sous tension. Une poussée des formations d’extrême droite s’annonce dans la plupart des pays lors des Européennes du 9 juin, avec pour conséquence de nouvelles alliances droitières hostiles aux politiques communes. Et la possibilité du retour de Donald Trump à la Maison Blanche, s’il peut se présenter à la présidentielle en novembre, fait trembler les capitales, car les Européens ne sont pas préparés à une Amérique redevenue antagoniste .
“Comme on fait son lit, on se couche”, dit le dicton. L’extrême-droite n’a plus besoin de faire campagne. Ses adversaires la font à sa place sur ses propres thèmes. Le Premier ministre libéral néerlandais Mark Rutte est tombé sur l’immigration et les élections anticipées ont permis à l’extrême droite de rafler la mise. La victoire de Geert Wilders et de son Parti de la Liberté (PVV) a été saluée par tous ses amis politiques en Europe. La dirigeante du Rassemblement National en France, Marine le Pen, a salué la “performance spectaculaire” de son allié au sein du groupe Identité et Nation (ID) au Parlement Européen. “Une nouvelle Europe est possible“, a lancé l’Italien Matteo Salvini, le dirigeant de la Lega, l’autre grande formation du groupe ID, membre de la coalition gouvernementale dirigée par Giorgia Meloni avec le titre de vice-président du Conseil des ministres.
Les premières projections basées sur les intentions de vote aux Européennes donnent 87 élus (+17) au groupe ID qui deviendrait la 4e force derrière le PPE (175, élus), les Socialistes (142 et les libéraux de Renew (89), trois formations en perte de vitesse. Marine le Pen et ses amis n’ont jamais caché leur aversion pour l’Union européenne, une “création idéologique et punitive” et pour la Commission, “une nébuleuse technocratique qui décide pour vous, sans vous et contre vous”, a-t-elle lancé sous les applaudissements lors d’une réunion à Lisbonne avec les cadres du Partido Chega, la formation d'extrême droite portugaise dirigée par André Ventura. Cette aversion est partagée par le Premier ministre hongrois Viktor Orban, autre mauvais génie de l’Union européenne, dont les veto paralysent le soutien de l’UE à l’Ukraine .
Isolé depuis sa rupture avec le parti Populaire Européen, Orban cherche à rejoindre le groupe des Conservateurs et Réformistes Européens (ECR) ensemble de partis de droite nationaliste eurosceptiques co-dirigé par Fratelli d’Italia, la formation de Giorgia Meloni, et le Parti polonais Droit et Justice (PIS). Les deux groupes ID et ECR ne sont parvenus pour l’instant à s’entendre et ont été marginalisés au sein du Parlement européen. Un “cordon sanitaire” a été établi et a permis d’anesthésier l’extrême-droite. Mais il est en passe de céder en 2024. Le président du Parti Populaire Européen, l’Allemand Manfred Weber, a jeté des passerelles vers L’ECR et bénit les alliances avec l’extrême droite, si tel est le prix à payer pour permettre aux partis de sa famille politique de rester au pouvoir. Il défend la coalition constituée par Giorgia Meloni avec la Lega, car Forza Italia, membre du PPE, y est associé. Il a apporté son soutien pour la même raison à l’Alliance entre le Parti Populaire et Vox en Espagne et il vit très mal leur échec à rallier une majorité pour reprendre le pouvoir aux Socialistes.
Animé par un mauvais génie, il multiplie depuis les attaques contre le Premier ministre Pedro Sanchez et son agressivité rend difficile l’entente entre les grands partis pro-européens au Parlement. “Il faut se méfier de Manfred Weber. Il est sur une pente très glissante”, a averti Jean Asselborn, l’ancien ministre des Affaires étrangères du Luxembourg, dans un entretien accordé à la Matinale Européenne. “Vous donnez trop d’importance aux positions de Orban”: le reproche est constant dans les cercles du pouvoir à Bruxelles. Mais le chantage au veto exercé par le dirigeant hongrois exaspère et préoccupe. Le sommet extraordinaire convoqué le 1er février verra s’il lève son opposition à l'octroi d’une aide à l’Ukraine de 50 milliards d’euros sur 4 ans via le budget commun. La décision doit être prise à l’unanimité.
Opposé à l’adhésion de l’Ukraine, Viktor Orban peut la bloquer. Que risque-t-il ? Aucun mécanisme n’est prévu pour expulser un Etat membre. La privation de son droit de vote ? Une telle action n’est pas du tout envisagée, nous ont expliqué plusieurs responsables européens. Un sentiment d'impunité guide le dirigeant hongrois. Il freine ouvertement le soutien économique et militaire européen à l’Ukraine. “Il joue la montre et espère une victoire de Donald Trump qui ouvrirait la question du soutien à l’Ukraine”, nous a confié le représentant d’un pays membre de l’Otan. Son discours sur les coûts de l’adhésion et la nécessité de mettre un terme à la guerre déclenchée par la Russie fait le jeu de Vladimir Poutine. Le président russe attend lui aussi les élections américaines et espère une victoire de Donald Trump pour obtenir une paix négociée à son avantage.
“Nous refusons de nous prononcer sur des questions hypothétiques”. La formule sert d’échappatoire aux responsables des institutions européennes et à l’Otan lorsqu’ils sont interrogés sur les conséquences d’un retour au pouvoir de l’ancien président républicain. Mais hors micro, les réflexions sont alarmantes. “L’Union européenne n’a ni la vocation, ni l’intention ni la capacité de remplacer les Etats-Unis” s’ils se désengagent de l’Ukraine, explique un responsable de l’Alliance. Le chef de la diplomatie européenne s’en alarme. “L'Europe est en danger. Si nous laissons Poutine gagner en Ukraine, si nous laissons la tragédie en cours se poursuivre à Gaza, le projet européen pourrait être irrémédiablement endommagé”, a averti Josep Borrell lors d’une intervention durant “le sommet” organisé par la revue le Grand Continent.
La citation
“Dans les mois qui viennent, nous aurons des choix à faire. On sent certains pays européens qui commencent peut-être à douter, on sent que les américains commencent peut-être à douter. Nous devons nous tenir à côté de l'Ukraine, parce que ce joue notre capacité de vivre en paix la bas. Nous devons réussir à ce que la Russie ne l'emporte pas”.
Emmanuel Macron, Président de la République française.
Euro
Le Parlement italien rejette la ratification du traité sur le MES - La Chambre des députés du Parlement italien a rejeté hier le projet de loi autorisant la ratification du nouveau traité sur le Mécanisme européen de stabilité. La majorité soutenant le gouvernement de Giorgia Meloni s'est divisée. Fratelli d'Italia, le parti de Mme Meloni, et la Ligue, dirigée par Matteo Salvini, ont voté contre. Par le passé, ces deux partis avaient fait campagne pour la sortie de l'Italie de l'euro, avant d'adresser leurs critiques au MES. Forza Italia a décidé de s'abstenir. Le Mouvement 5 étoiles, parti d'opposition, a également voté contre, bien que son chef, Giuseppe Conte, ait été premier ministre lorsque la réforme du MES a été négociée et signée. Après que l'Italie a obtenu quelques concessions sur la réforme du pacte de stabilité et de croissance, plusieurs acteurs bruxellois s'attendaient à ce que le gouvernement Meloni s'engage à ratifier le traité révisé. "Le Président du Conseil a-t-il vraiment le contrôle de sa majorité ?”, se demande une source. “La majorité Meloni se fissure", a souligné une autre source.
Stupéfaction à Bruxelles, inquiétude à Luxembourg - L'Italie est le seul pays parmi les 20 membres de la zone euro à ne pas avoir ratifié le traité révisé, qui est censé permettre au MES d'agir comme un filet de sécurité pour le Fonds de résolution unique pour les banques en crise. Il s'agit de l'un des éléments nécessaires à l'achèvement de l'union bancaire. L'objectif était que le nouveau "backstop" entre en vigueur le 1er janvier 2024. C'est la première fois qu'un parlement d'un État membre de la zone euro rejette la ratification d'un traité considéré comme fondamental pour l'UE et la monnaie unique. "Je suis stupéfait", nous a confié un fonctionnaire européen à Bruxelles. “Nous sommes en train d'évaluer la situation", a expliqué une source au sein du MES au Luxembourg. Ces derniers mois, le président de l'Eurogroupe, Paschal Donohoe, et le directeur du MES, Pierre Gramegna, avaient tous deux souligné l'urgence d'une ratification par l'Italie. Compte tenu des faillites bancaires survenues cette année aux États-Unis et en Suisse, on craint qu'une crise financière n'affecte également les banques de la zone euro sans le filet de sécurité du Mes.
Arrêts
La Cour de justice de l'UE abolit le monopole de l'UEFA - L'ère de l'arrêt Bosnam, qui avait révolutionné le football européen grâce aux règles du marché unique de l'UE, ne s'est pas achevée hier. Malgré d'énormes pressions politiques, la Cour de justice de l'UE a jugé que les règles de la FIFA et de l'UEFA relatives à l'autorisation préalable des compétitions de football entre clubs sont contraires au droit communautaire, car elles vont à l'encontre de la concurrence et de la libre prestation de services. Cet arrêt fait suite à la demande d'un tribunal de Madrid dans le cadre d'une plainte contre la FIFA déposée par le promoteur du projet Superleague. Les juges de Luxembourg ont été soumis à d'intenses pressions politiques. Devant la Cour, presque tous les États membres avaient pris la défense de l'UEFA, tout comme la Commission, arguant que le sport constituait une exception aux règles normales de l'UE. Les juges de Luxembourg ont réfuté ces arguments. "L’organisation des compétitions de football interclubs et l’exploitation des droits médias sont, à l’évidence, des activités économiques" et "elles doivent donc respecter les règles de concurrence, ainsi que les libertés de circulation", ont déclaré les juges de Luxembourg. Après l'arrêt d'hier, même si la Cour a souligné qu'elle ne s'était pas prononcée sur la Superleague, le football européen pourrait connaître une nouvelle révolution : A22 Sports, la société à l'origine du projet, a présenté un nouveau format de 64 équipes pour concurrencer les compétitions de l'UEFA.
La Cour met la pression sur la Commission sur le monopole de l'UEFA - Dans son arrêt d'hier, la Cour a également estimé que "la FIFA et l'UEFA se trouvent en situation d’abus de position dominante” et que “leurs règles d’autorisation, de contrôle et de sanction doivent être qualifiées, compte tenu de leur caractère arbitraire, de restriction injustifiée à la libre prestation de services". Selon les juges de Luxembourg, "les règles de la FIFA et de l'UEFA concernant l'exploitation des droits médiatiques sont de nature à porter préjudice aux clubs de football européens, à toutes les entreprises opérant sur le marché des médias et, en définitive, aux consommateurs et téléspectateurs, en les empêchant de profiter de nouvelles compétitions potentiellement innovantes ou intéressantes". La Cour a pris le relais de la Commission en tant que gardienne des règles de concurrence. Le vice-président de la Commission chargé du mode de vie européen, Margaritis Schinas, a toujours défendu l'UEFA, estimant que le projet de Superleague ne devait pas voir le jour. Margrethe Vestager va-t-elle reprendre les rênes sur le business du sport ?
Les conflits d'intérêts de la Commission avec l'UEFA - La défense de l'UEFA par la Commission soulève la question des conflits d'intérêts potentiels entre l'organisation sportive et l'exécutif européen. Les deux sont liées par un protocole d'accord qui prévoit des consultations et un travail commun. L'UEFA a offert des espaces publicitaires gratuits d'une valeur de plusieurs centaines de millions d'euros à la Commission pour promouvoir ses campagnes dans les stades et à la télévision. Le vice-président de la Commission, Margaritis Schinas, avait assisté au congrès de l'UEFA en mai 2022 et avait assuré que l'exécutif européen s'opposerait par tous les moyens à la création de la Superleague. Le commissaire a posté un tweet de soutien à l'UEFA, affirmant que " le principe fondamental de l'Europe est la solidarité". "Notre soutien constant à un modèle sportif européen basé sur des valeurs n'est pas négociable. Le football européen restera toujours un vecteur d'inclusion et de cohésion. Pour la majorité. Pas seulement pour les élites", a-t-il écrit.
Souverainistes
Orban négocie l'entrée du Fidesz dans l'ECR - Le Premier ministre hongrois Viktor Orban a confirmé hier qu'il négociait avec l'ECR l'entrée de son parti, Fidesz, dans le groupe souverainiste du Parlement européen. "Le Fidesz négocie actuellement avec le Groupe des conservateurs européens, mais il ne rejoindra aucun groupe politique avant les élections européennes", a déclaré M. Orban lors de sa conférence de presse de fin d'année. M. Orban a profité de l'occasion pour lancer ses habituelles diatribes contre l'UE. "J'en suis venu à croire que les bureaucrates de Bruxelles vivent dans une bulle et que Bruxelles ne voit pas les vrais problèmes : le but des élections de 2024 est de faire en sorte que Bruxelles ouvre les yeux et puisse corriger les erreurs commises cette année ", a averti le dirigeant hongrois.
Ce qui se passe aujourd'hui
Début de la pause pour les vacances de fin d'année
Eurostat : part annuelle des énergies renouvelables en 2022 ; données sur les importations de produits énergétiques au 3e trimestre ; données sur les infractions en matière d'immigration au 3e trimestre