Erratum : Meloni exclut que Trump veuille annexer par la force.
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Dans le passage sur les menaces de Donald Trump, la Première ministre italienne, Giorgia Meloni, a déclaré: «J'exclus que les États-Unis veuillent annexer par la force des territoires qui les intéressent ».
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La partition de Meloni avec Trump pour conquérir de l'influence dans l'UE
Giorgia Meloni a tenu hier une longue conférence de presse à Rome, la première depuis plus de six mois, répondant à plus de 40 questions des journalistes pendant environ deux heures et demie. Renforcée sur le plan intérieur par sa popularité et plusieurs succès internationaux, dont la libération de la journaliste Cecilia Sala après trois semaines de détention en Iran, forte de ses excellentes relations avec Elon Musk et Donald Trump, qui l’a reçue dans sa résidence de Mar-a-Lago en Floride le week-end dernier, la présidente du Conseil italien est apparue très confiante.
La lune de miel avec l'Europe se poursuit. Une autre s'ouvre maintenant avec le président élu des États-Unis, qui, dans dix jours, s’installera officiellement à la Maison Blanche. Loin de céder à la panique face aux déclarations et aux menaces de Trump, Meloni entend capitaliser en se positionnant comme le "pont" des nouvelles relations transatlantiques. La faiblesse des dirigeants des institutions européennes, craintifs à l’idée d'entrer en conflit avec le prochain président des États-Unis, lui donne carte blanche.
Sur le sujet qui préoccupe le plus ses alliés européens, celui des menaces de Donald Trump contre le Danemark pour acquérir le Groenland, contre le Canada et le canal de Panama, Meloni s'est montrée rassurante. "Je pense que les déclarations de Trump sont plus un message à d'autres grands acteurs mondiaux qu'une revendication hostile à l'égard de ces pays", a déclaré la dirigeante italienne. "J’exclus que les États-Unis tentent d'annexer de force des territoires qui les intéressent dans les prochaines années", a ajouté la présidente du Conseil italien. Même sur l'Ukraine, Meloni a voulu rassurer. "Trump peut être une personne qui peut avancer vers une solution. Mais je ne prévois pas que cela signifie abandonner l'Ukraine", a-t-elle déclaré.
La visite à Mar-a-Lago a été fructueuse. Après la victoire du 4 novembre, Meloni avait déjà rencontré Trump en marge de la cérémonie d'inauguration de la cathédrale de Notre-Dame à Paris. Avec Emmanuel Macron et Viktor Orban, elle a été l'un des rares dirigeants européens à avoir rencontré le président élu avant son entrée en fonction. Elle a également été invitée à la prestation de serment le 20 janvier, où elle retrouvera le Premier ministre hongrois, qui a ouvertement fait campagne pour l’élection de Trump. "Je confirme que cela me fait plaisir d'y être. Je vois en fonction de la compatibilité de mon agenda et des nombreuses choses que nous devons faire", a-t-elle précisé. "Avec Giorgia Meloni, l'Italie sera le partenaire européen le plus naturel et précieux pour Donald Trump et un pont entre l'UE et les États-Unis", avait expliqué le chef de la délégation de Fratelli d'Italia au Parlement européen, Carlo Fidanza, après la visite à Mar-a-Lago.
Une grande partie des autres dirigeants européens regardent Trump avec appréhension. Personne jusqu'à présent n'a osé lever trop le ton pour réagir à ses déclarations. Le chancelier allemand, Olaf Scholz, s'est contenté d'exprimer le "mal-être" constaté lors des conversations avec ses homologues concernant les menaces de Trump à l'égard du Groenland, du Canada et de Panama. La ligne de la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, et du nouveau Haut représentant, Kaja Kallas, est qu'il faut travailler "à une relation transatlantique plus forte". Le président du Conseil européen, Antonio Costa, est resté silencieux jusqu'à hier, lorsqu'il a publié une déclaration avec Mme von der Leyen pour apaiser M. Trump : “Les États-Unis sont l'un de nos partenaires les plus proches et nous sommes déterminés à renforcer les liens transatlantiques”. Les gouvernements avec des affinités idéologiques trumpiennes se multiplient dans l’UE et la priorité est d'empêcher Trump d'abandonner l'Ukraine et de le convaincre de ne pas lancer une guerre commerciale à coups de tarifs douaniers.
Les affinités idéologiques sont un grand avantage pour Meloni, mais risquent de devenir un problème dans ses relations avec l'UE. Sa relation personnelle avec Elon Musk déclenche des alarmes dans certaines capitales, alors que le propriétaire de X utilise sa plateforme et son algorithme pour mener une campagne de déstabilisation de certaines démocraties européennes et soutenir le parti d'extrême droite AfD lors des élections anticipées en Allemagne. Alors que de plus en plus de gouvernements – avec la France et l'Espagne en tête – demandent à la Commission de sanctionner Musk, Meloni a défendu le milliardaire hier. "Je ne vois aucun danger pour la démocratie", a déclaré la présidente du Conseil italien.
Selon Meloni, Musk est critiqué parce qu'il est "influent et riche" et "n'est pas de gauche". Comme elle l'a déjà fait par le passé,Meloni a attaqué le financier et philanthrope américain, George Soros. "Le problème survient lorsque des personnes fortunées utilisent ces ressources pour financer dans le monde entier des partis, des associations et des personnalités politiques afin d'influencer les décisions politiques des États nationaux. Elon Musk ne fait pas cela alors que George Soros le fait et, oui, je considère cela comme une ingérence dangereuse dans les affaires des États nationaux".
Certaines capitales – Paris en tête – s'inquiètent également des relations économiques entre Meloni et Musk. Lors de la conférence de presse, le président du Conseil italien a nié avoir discuté directement avec Musk de contrats pour son système de communication par satellite Starlink. Cependant, Meloni a longuement expliqué les avantages pour le gouvernement italien de recourir à la technologie satellite du milliardaire américain pour des communications sécurisées. Du moins en attendant le développement du système européen IRIS2. "Ce n'est pas un bon signe pour la souveraineté européenne", nous a dit un fonctionnaire de l'UE. Selon des informations de la presse italienne, Meloni souhaiterait également voir l'UE financer des projets pour connecter à haute vitesse les zones éloignées via Starlink.
Mais la lune de miel entre Meloni et Trump pourrait ne pas durer trop longtemps si une fois en fonction, le président américain fait ce qu'il a promis. En 2023, la valeur des exportations de l'Italie vers les États-Unis a atteint 67,3 milliards d'euros. Les importations américaines se sont maintenues à 25,2 milliards d'euros. Un excédent commercial de 42 milliards d'euros risque de mettre en colère le président de l'"America First". L'imposition de droits de douane de 20 pour cent nuirait gravement à l'économie italienne, en plus de celle du reste de l'UE. Un autre élément potentiel de conflit entre Meloni et Trump : l'Italie dépense à peine 1,54 pour cent de son PIB pour la défense. Moins que l'objectif actuel fixé par l'OTAN et bien moins que les 5 pour cent déjà demandés par Trump.
Meloni espère probablement que ses bonnes relations personnelles et son rapprochement idéologique pourront préserver au moins partiellement l'Italie des droits de douane de Trump et de ses réprimandes sur la défense. Avec Emmanuel Macron affaibli en France et Olaf Scholz sur le départ en Allemagne, Meloni peut se permettre de défendre son amitié avec Musk et de se lancer dans des théories du complot sur Soros. Mais dans l'UE, elle marche sur une corde. Si son pont avec Trump ne parvient pas à préserver également les intérêts européens, le crédit politique de Meloni au sein de l'UE s'épuisera rapidement.