La Matinale été: le soleil et les nuages
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Aujourd'hui, Christian se plonge dans les bonnes nouvelles de cet été, derrière lesquelles se cachent de dangereux défis. Même en vacances, vous pouvez soutenir La Matinale en souscrivant un abonnement payant.
Le soleil et les nuages
Les rayons de soleil en ce début de mois d'août sont peu nombreux et méritent d'être mentionnés. Le premier est le succès des Jeux Olympiques organisés à Paris. Le second est la libération de plusieurs prisonniers politiques détenus en Russie dans le cadre d’un échange avec des espions russes arrêtés dans des pays de l’Otan. Le troisième est l'engouement provoqué par la candidature de Kamala Harris à cent jours de la présidentielle aux Etats-Unis. Mais les nuages s'accumulent et les nier est dangereux. Un conflit menace entre Israël et l’Iran. Les dictateurs continuent de réprimer en toute impunité au Vénézuela, en Iran, en Russie. Aux Etats-Unis, Donald Trump n'acceptera pas une défaite et Elon Musk, le propriétaire du réseau social X, le soutient et fait ouvertement campagne contre la démocratie.
Les Jeux Olympiques de Paris touchent à leur fin et leur succès à cloué le bec à leurs détracteurs. “La plus grosse surprise des JO de Paris: les Français n’ont trouvé aucun motif pour se plaindre”, a titré en Une, un brin sarcastique, le Wall Street Journal. La cérémonie de clôture dimanche s’annonce comme un nouveau grand moment et la communion est totale avec les athlètes français. Trois jours avant les dernières épreuves, ils avaient remporté 51 médailles dont 13 en Or, et ils peuvent encore compléter un palmarès qui dépasse toutes les attentes.
La France, pays hôte des Jeux les plus originaux de l’histoire de l'olympisme avec des épreuves organisées en plein cœur de Paris, ses monuments pour toile de fond, avait pris jeudi la 4e place au classement derrière les Etats-Unis avec 94 médailles dont 27 en Or, la Chine avec 65 dont 25 en Or et l’Australie, avec 18 médailles en Or sur un total de 41 récompenses. Les 27 membres de l’UE ont engrangé 199 médailles dont 63 en Or.
“Cocorico”, même pour les plus blasés. Les polémiques provoquées par la cérémonie d’ouverture et les critiques formulées avant le grand jour ont été mises en pause. “De l’autodénigrement à la ferveur, un paradoxe olympique bien français”, a souligné Le Temps. “Pas de problèmes de transports, pas de problèmes de sécurité, pas de grève, pas de manifestation et même un fleuve qui est assez propre pour accueillir le triathlon. Le tout dans une ambiance exceptionnelle au sein des stades et en dehors”, a noté le quotidien suisse.
“C’est comme si la France s'était mise en congé de ses névroses, de ses craintes, de son pessimisme”, a commenté le correspondant du quotidien espagnol El Pais, Marc Bassets. Liesse, bonne humeur, fierté: les images parlent et les photographes s’en sont donnés à coeur joie. Les équipes de l’Agence France Presse ont publié des images superbes et on espère la publication d’un album pour se souvenir de l'événement. Les Parisiens veulent conserver la vasque olympique qui chaque soir s'élève dans la nuit avec son ballon et rivalise avec la Tour Eiffel.
Mais cette joie sera sans doute de courte durée. Les fâcheux sont déjà dans les “starting blocks”. Le premier secrétaire du Parti Socialiste, Olivier Faure, s’est fendu le 4 août d’un commentaire rageur sur X, rédigé en appel à un article critique contre Emmanuel Macron publié sur la plateforme allemande Zeit Online, pour déplorer “le choc, vu de l’étranger, d’un président qui, au lendemain d’un front pour sauver la République, en bafoue tous les usages démocratiques”. La politique devrait reprendre rapidement ses droits en France avec la bataille sur la nomination d’un nouveau Premier ministre.”La France a remporté la Coupe du monde de football en juillet 2018. Trois mois plus tard, la révolte des Gilets jaunes a commencé en province”, rappelle Mujtaba Rahman, directeur du centre d’analyse Eurasia.
Un autre moment de joie a été la libération par Moscou des journalistes Evan Gershkovich et Alsou Kourmacheva et d’un ancien militaire américain Paul Whelan, pris en otage par Vladimir Poutine et relâchés pour récupérer huit espions russes - dont Vadim Krasikov, un “maître assassin” membre du FSB - arrêtés et condamnés aux Etats-Unis, en Allemagne, en Pologne, en Norvège et en Slovénie. Pour récupérer ses hommes, le président russe a accepté de rendre les trois Américains, un ressortissant allemand, Rico Krieger, condamné à mort en Biélorussie, et douze prisonniers politiques russes, dont l'historien Vladimir Kara-Mourza.
Mais ces libérations ont été assombries par l’annonce du décès du pianiste russe Pavel Kouchnir, opposant à la guerre en Ukraine, dans un centre de détention près de la frontière avec la Chine. Et les prises de position de Vladimir Kara-Mourza en faveur d’une révision des sanctions adoptées par les occidentaux pour affaiblir l’effort de guerre du Kremlin en Ukraine ont laissé un “goût amer“ à Galia Ackerman, spécialiste du monde russe et ex-soviétique. “Faut-il écouter Vladimir Kara-Mourza ?” demande -t-elle dans un billet acide publié par la lettre d'information Desk Russie, en conseillant à l’opposant de “prendre du repos, de lire les nouvelles correctement et d’étudier combien le monde a changé pendant que vous étiez en prison”.
L’Ukraine a surpris tout le monde avec une offensive dans l’oblast de Koursk, en Russie. Deux brigades des forces ukrainiennes ont été engagées et ont pris le contrôle d’une partie de la région. L’oblast de Koursk, d’une superficie d’environ 30 000 km2 et qui compte près d’un million d’habitants, jouxte la frontière ukrainienne. On l’appelle la “région des terres noires” ou le “tchernoziom”, en référence à ce sol riche en humus (tchernoziom). Il est logistiquement bien connecté : la route fédérale M3, axe de la Route européenne 101 qui relie Moscou à Kiev, passe par cet oblast, ainsi que deux grandes liaisons ferroviaires, Moscou-Kharkiv et Kiev-Voronej, aujourd’hui à l’arrêt. Cette incursion pourrait être comprise comme une manœuvre destinée à diminuer la pression des troupes russes sur le Donbass, en détournant l’attention de leurs avancées et en les ralentissant, analyse la revue Le Grand Continent.
L’Ukraine vient de récupérer les premiers avions de combat américain F-16 promis par le Danemark, les Pays Bas et la Norvège . Vont-ils lui permettre de reprendre la maîtrise du ciel laissée aux bombardiers russes ? Le président Volodymyr Zelensky, n’est pas tendre pour les alliés de l’Otan. Il n’a pas caché sa colère contre les retards dans les fournitures d’armes promises. “Nous avons préparé quatorze brigades. Ce n’est plus un secret. Mais si sur quatorze brigades, seules trois sont équipées, peut-on arrêter les Russes ?”, a-t-il déploré, cinglant, dans un entretien accordé fin juillet à plusieurs médias.
Les alliés sont-ils prêts à poursuivre leur engagement “tant qu’il le faudra”? La question se pose alors qu’un conflit menace entre Israël et l’Iran après l’élimination du chef du Hamas à Téhéran. Que feront les Etats-Unis ? L'Union européenne est-elle en mesure d'assumer seule le soutien à l’Ukraine ? Les réponses que nous avons obtenues sont négatives. Le Premier ministre hongrois Viktor Orban met tout en œuvre pour miner l’Union. Il oppose des vétos sur toutes les décisions devant être prises à l’unanimité. Il s'oppose au déblocage de près de 7 milliards d’euros pour rembourser les fournitures d’armes à l’Ukraine, sème la discorde entre les pays de l’Europe occidentale et va plus loin encore, puisqu’il a bloqué la position de l’UE sur le Venezuela. Orban a tout misé sur e retour de Donald Trump à la Maison Blanche à l’issue de la présidentielle en novembre.
L’entrée en lice de Kamala Harris après le retrait de Joe Biden a réveillé la campagne et met Donald Trump en difficultés. “En une semaine: Trump a insulté le mari de Harris qualifié de “juif minable”, a affirmé que cette dernière 'n’aime pas les juifs', qu’elle est 'devenue noire' par électoralisme, et a accusé le chef du Sénat, le Démocrate Chuck Schumer (juif et ami d’Israël) de 'Palestinien fier membre du Hamas' car il a critiqué la politique de Netanyahou il y a quelques temps”, note le journaliste Théo Laubry dans sa lettre d’information sur les Etats-Unis.
La candidate du parti Démocrate peut-elle l’emporter en novembre ? Une femme pourra-t-elle devenir présidente aux Etats-Unis? Selon un sondage inédit cité jeudi par Le Grand Continent, Kamala Harris devance Trump d’un point dans le Michigan, la Pennsylvanie et le Wisconsin, trois swing states de la rust belt (la ceinture de rouille, surnom d'une région industrielle du nord-est des États-Unis).
“Nous verrons dans les semaines qui viennent si la candidature de Kamala Harris 'prend' sur le terrain ou si ce n’est qu’un feu de paille, fruit du soulagement du retrait de Biden”, avertit l’ancien ambassadeur de France aux Etats-Unis et en Israël Gérard Araud dans ses chroniques sur X. Le propriétaire de la plateforme, le milliardaire Elon Musk, a jeté le masque. Il fait ouvertement campagne pour l’élection de Donald Trump, utilise le réseau à cette fin et adopte des positions extrêmes pour attiser les violence un peu partout dans le monde. Il a ainsi jugé “une guerre civile inévitable” au Royaume-Uni dans un commentaire sur les violences commises au cours des manifestations organisées par l'extrême droite contre l’immigration.
Elon Musk est devenu un instrument de propagande et de déstabilisation. “Il est à lui tout seul un accélérateur de ce qui détruit nos démocraties”, s’alarme Tristan Mendès-France, spécialiste des réseaux sociaux. L’ancien Premier ministre et député européen belge Guy Verhofstadt a interpellé Thierry Breton. “Il est urgent d’examiner en profondeur le rôle des médias sociaux dans la prolifération de l’extrémisme politique et de la désinformation dans l’UE et au Royaume-Uni”, a-t-il réclamé dans son message au commissaire européen qui vient d’interdire le programme de récompenses de TikTok, la plateforme du groupe chinois ByteDance. “Le temps de cerveau disponible des jeunes Européens n’est pas une monnaie d’échange pour les réseaux sociaux”, a jugé Breton.