L'appel de Borrell : l'Europe doit affronter “l'impérialiste” Trump
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L'appel de Borrell : l'Europe doit affronter “l'impérialiste” Trump
L'Union européenne doit prendre acte de la nouvelle réalité géopolitique. Le président américain, Donald Trump ne se contente pas d'abandonner l'Europe et l'Ukraine, mais il montre son véritable visage : celui d'un “impérialiste” auquel l'UE peut faire face, si elle reste “unie” et si elle a la “volonté politique” de peser. C'est l'avertissement lancé par l'ancien Haut représentant, Josep Borrell, après la décision de Trump d’engager immédiatement des négociations avec le président russe, Vladimir Poutine, pour mettre fin à la guerre en ignorant les Européens et les Ukrainiens. “Un jour, les États-Unis quitteront le Vieux Continent. La prophétie du général de Gaulle se réalise”, déclare Borrell dans un entretien à La Matinale européenne. L'Espagnol ne cache pas son inquiétude face à “un moment de rupture, un changement d'époque”.
L'UE a réagi avec consternation à l'appel téléphonique mercredi entre Trump et Poutine. Le silence des dirigeants des institutions communautaires – Ursula von der Leyen, Kaja Kallas et Antonio Costa – a été assourdissant. Ce n'est qu' hier que des réactions timides ont commencé à se faire entendre de la part de Kallas, qui a succédé à Borrell en tant que Haut représentant, et de Costa, le président du Conseil européen. Tous deux ont revendiqué une place pour l'Ukraine et pour les Européens à la table des négociations.
Plusieurs dirigeants européens s'étaient convaincus que Trump prendrait en compte les exigences posées par l'Europe, ou du moins accepterait un “deal” pour préserver les intérêts transatlantiques. Beaucoup d'entre eux ont voulu garder un optimisme lorsque Trump, avant et après son investiture, a affirmé la nécessité d'obtenir “la paix par la force” en Ukraine. Les illusions se sont effondrées mercredi après l'appel avec Poutine et le discours du secrétaire à la Défense américain, Pete Hegseth, à l'Otan, dans lequel il a annoncé le désengagement des États-Unis de l'Ukraine et laissé aux Européens la responsabilité exclusive des garanties de sécurité.
“Donald Trump est un impérialiste pur, comme au XIXe siècle et là est le gros problème auquel nous devons faire face”, estime Borrell. “Trois personnes, Donald Trump, Xi et Poutine sont en train de déterminer le nouvel ordre mondial et dictent la nouvelle répartition des pouvoirs”, nous a dit Josep Borrell. Au cours de l’entretien, l’ancien Haut Représentant a invoqué à plusieurs reprises un “devoir de réserve”, mais il a appelé à soutenir les responsables des institutions européennes en charge de la politique étrangère et de sécurité dans leurs efforts pour “renforcer l’unité de l’Union européenne”. “Donald Trump ne tient plus compte des alliés européens pour chercher des solutions aux crises. Il ignore l’UE, il la marginalise”, a-t-il déploré.
“Sans se coordonner avec les Ukrainiens ni avec les Européens, Trump a mis sur la table des éléments de négociation de façon gratuite, sans rien en échange. Il les a donnés à Poutine sans contrepartie. La négociation est déséquilibrée”, a souligné l’ancien dirigeant européen en citant le refus de l’adhésion de l’Ukraine à l’Otan, l’abandon des frontières antérieures à 2014 et des territoires annexés par la force par la Russie, le refus des Etats-Unis d’envoyer des soldats américains en Ukraine pour garantir la sécurité en cas d’accord de paix. Tous ces éléments ont été annoncés mardi soir par le secrétaire à la Défense Pete Hegseth lors de sa première réunion avec les alliés au siège de l’Otan à Bruxelles.
“L’Union européenne a toujours dit que Vladimir Poutine ne devait pas gagner la guerre qu’il a déclenchée en Ukraine. Trump est en train de lui offrir une victoire diplomatique et militaire. Si Poutine gagne et si les Etats-Unis abandonnent l’Europe, l’insécurité va croître”, averti Josep Borrell. “Poutine ne veut pas d’un simple morceau du territoire ukrainien. Il veut contrôler politiquement l’Ukraine, il veut que l'Ukraine soit comme le Belarus”, souligne l’ancien Haut Représentant qui a consacré une grande partie de son mandat à cette guerre. L’Ukraine a obtenu le statut de candidat à l’adhésion à l’UE et demande à rejoindre l’Otan.
L’Europe doit-elle se résigner ? “Nous Européens, nous avons la capacité de faire face si nous le voulons à cette attitude impérialiste”, affirme Josep Borrell. “Nous avons beaucoup de moyens et des acteurs à Bruxelles pour le faire. Nous sommes en plein dans la politique étrangère et de sécurité commune et c’est le rôle du président du Conseil”, rappelle-t-il. “L’Union européenne doit intervenir et je suis certain qu’elle va le faire. Sa grande force, c’est son unité. Il faut travailler pour cette unité. Car si 2 ou 3 états membres soutiennent la position de Trump, l’UE ne sera plus une union”, met-il en garde.
La citation
“J'ai mis en garde les dirigeants du monde entier contre les affirmations de Poutine concernant sa volonté de mettre fin à la guerre”.
Volodymyr Zelensky.
Géopolitique
Kallas refuse un accord sale et promet un soutien à l'Ukraine même sans Trump – La Haute Représentante, Kaja Kallas, a cherché hier à faire entendre sa voix en soutien à l'Ukraine, après l'accord entre Donald Trump et Vladimir Poutine pour des négociations immédiates dans le dos des Européens. "Tout accord dans notre dos ne fonctionnera pas", a déclaré Kallas. "Toute solution facile est un accord sale que nous avons déjà vu par le passé avec Minsk, par exemple. Et cela ne fonctionnera tout simplement pas." La Haute Représentante a assuré que l'UE continuerait à soutenir Kyiv si Volodymyr Zelensky rejetait un accord négocié entre Donald Trump et Vladimir Poutine. "Si l'Ukraine décide de résister, l'Europe soutiendra les principes, l'Europe soutiendra l'Ukraine, même avec 20 % de moins si les États-Unis décident de se retirer", a déclaré Kallas. Il reste à convaincre une partie importante des vingt-sept États membres. Kallas a critiqué à la fois Trump et le secrétaire à la Défense Pete Hegseth pour les concessions préventives faites à Poutine concernant l'adhésion de l'Ukraine à l'OTAN et les cessions de territoire. "Nous ne devons rien retirer de la table avant même que les négociations n'aient commencé, car cela joue en faveur de la Russie et c'est ce que veulent les Russes. Pourquoi leur donnons-nous tout ce qu'ils veulent avant même que les négociations n'aient commencé ? C'est de l'apaisement. Cela n'a jamais fonctionné", a déclaré Kallas.
Le silence de von der Leyen sur l'accord Trump-Poutine – La porte-parole de la Commission, Paula Pinho, a confirmé hier que l'UE n'avait pas été informée par l'administration américaine de l'appel téléphonique entre Donald Trump et Vladimir Poutine concernant le lancement des négociations sur l'Ukraine. Mais la Commission a minimisé la signification de l'accord entre le président américain et le leader russe, le qualifiant de "début d'un processus". Tout en rappelant qu'il ne peut y avoir de négociations sans l'Ukraine, la porte-parole a assuré que "des réunions auront certainement lieu", par exemple "dans le cadre de la Conférence sur la sécurité de Munich". Ursula von der Leyen sera à Munich dès aujourd'hui avec un nombre important de commissaires, aux côtés du président du Conseil européen, Antonio Costa, et de la Haute Représentante, Kaja Kallas.
Demande à Costa de convoquer un sommet extraordinaire – Frans Timmermans n'est plus commissaire européen. Il est simplement le leader de l'opposition aux Pays-Bas. Mais face à l'accord Trump-Poutine sur l'Ukraine, il a jugé nécessaire de lancer un appel direct à Bruxelles. "Il est urgent qu'un Conseil européen en discute", a écrit Timmermans sur X, soulignant que si "l'Europe n'est pas à la table", elle sera "au menu de Poutine". Le président du Conseil européen, Antonio Costa, n'a pour l'instant pas l'intention de convoquer un sommet extraordinaire des chefs d'État et de gouvernement. Hier, Costa s'est contenté d'un message sur les réseaux sociaux, s'en tenant à la ligne convenue avec les grandes capitales. "La paix en Ukraine et la sécurité de l'Europe sont indissociables" et "la paix ne peut être un simple cessez-le-feu", a déclaré Costa. "La Russie ne doit plus être une menace pour l'Ukraine, pour l'Europe, pour la sécurité internationale. Il n'y aura pas de négociations crédibles et réussies, ni de paix durable, sans l'Ukraine et sans l'UE".
Tusk insiste sur l'unité avec les États-Unis, Zelensky demande une coordination avec les Européens – La Pologne assure la présidence tournante du Conseil de l'UE et hier, son Premier ministre, Donald Tusk, s'est activé pour coordonner une réponse européenne en appelant Volodymyr Zelensky, les Allemands Olaf Scholz et Friedrich Merz, ainsi que le Suédois Ulf Kristersson. "Le message est clair : l'Ukraine, l'Europe et les États-Unis doivent être complètement unis et s'engager dans des pourparlers de paix", a déclaré Tusk. Zelensky a expliqué avoir convenu avec Tusk "qu'aucune négociation avec Poutine ne peut commencer sans une position unie de l'Ukraine, de l'Europe et des États-Unis". Le président ukrainien a souligné "la nécessité de coordonner les positions de tous les Européens pour obtenir des résultats positifs pour l'ensemble de l'Europe". Mais "l'Ukraine doit négocier depuis une position de force, avec des garanties de sécurité solides et fiables, et l'adhésion à l'OTAN serait la plus avantageuse pour les partenaires", a expliqué Zelensky.
Les pays baltes et nordiques ne renoncent pas à l’adhésion de l’Ukraine à l'Otan - Les ministres de la Défense des pays baltes et nordiques ne veulent pas renoncer à l'adhésion de l'Ukraine à l'Otan, malgré l'opposition du secrétaire à la Défense de Donald Trump, Pete Hegseth. "Ne facilitons pas les négociations pour Poutine", a averti l'Estonien Hanno Pevkur : "Pour nous, la garantie de sécurité la plus forte pour l'Ukraine reste l'appartenance à la fois à l'UE et à l'Otan". "Je ne prévois pas que l'appartenance à l'Otan en tant que telle soit exclue pour l'Ukraine", a déclaré le Suédois Pal Jonson : "L'avenir de l'Ukraine est au sein de l'Otan, une fois bien sûr qu'elle aura rempli toutes les conditions". Kaja Kallas est également intervenue sur la question. "L'adhésion à l'Otan est la garantie de sécurité la plus forte qui existe et, en réalité, c'est aussi la plus économique. Si nous disons qu'il n'y aura pas d'adhésion à l'Otan, mais d'autres garanties de sécurité, alors tout le monde doit répondre à une question : quelles sont réellement ces garanties de sécurité ?", a déclaré la Haute Représentante.
L’avenir de l’Alliance Atlantique en question - Donald Trump a semé la consternation avec son annonce de lancer des négociations directes avec Poutine sans impliquer les alliés de l’Otan ni l’Ukraine. “Pour la France, les choses sont assez simples et assez claires, au fond. Soit nous sommes dans des paramètres de discussion qui permettent réellement d'apporter la paix par la force, soit, au contraire, ça sera la paix par la faiblesse”, a commenté le ministre des armées Sébastien Lecornu au cours de la réunion avec ses homologues de l’Alliance. “La paix par la faiblesse, malheureusement, pourra nous amener à des situations sécuritaires dramatiques, voire même à l'élargissement à terme du conflit, sans oublier, évidemment, l'impact déplorable que cela pourrait avoir chez d'autres compétiteurs”, a averti le ministre français citant Pyongyang, Téhéran et Pékin. “Au fond, on est dans une réunion qui va poser un peu la question de l'avenir de l'Alliance. On dit que c'est l'Alliance militaire la plus importante, la plus robuste de l'histoire. C'est historiquement vrai. La vraie question, à poser: est-ce que ce sera toujours le cas dans 10 ou 15 ans ?”
La Chine obsession de Trump - Les Etats-Unis vont se désengager militairement d’Europe car ils doivent être prêts pour affronter la Chine. Pete Hegseth l’a dit dans les justifications du nouveau positionnement américain. “Nous faisons également face à un concurrent stratégique majeur : la Chine communiste, qui a les capacités et l’intention de menacer notre territoire et nos intérêts fondamentaux dans l’Indo-Pacifique. Les États-Unis priorisent la dissuasion d’un conflit avec la Chine dans le Pacifique, reconnaissent la rareté des ressources et effectuent les arbitrages nécessaires pour garantir que la dissuasion ne faillit pas”, a-t-il expliqué. La Chine est une obsession pour Donald Trump et elle motive toutes les actions décidées depuis son retour à la Maison Blanche, notamment ses visées sur le Groenland, riche en terres rares et passage mal protégé d’une route maritime stratégique, tout comme le canal de Panama. Trump a engagé une guerre commerciale et industrielle avec la Chine et va revenir à l'offensive auprès de alliés européens pour les contraindre à se ranger à ses côtés contre Pékin, nous a expliqué un responsable européen.
Metsola, première dirigeante de l’UE à Gaza - La présidente du Parlement européen Roberta Metsola est entrée hier à Gaza par Rafah, point d’entrée de l’aide humanitaire où opère une mission d’assistance de l’UE pour le contrôle de la frontière (EUBAM). Mme Metsola est le premier dirigeant d’une institution de l’UE à entrer à Gaza depuis plus d'une décennie. La présidente du Parlement européen effectue une visite officielle de deux jours en Israël et dans les territoires palestiniens occupés. « En ce moment critique pour la région et le monde, je voulais venir ici pour souligner et constater de mes propres yeux le rôle crucial de l'Europe dans l'acheminement de l'aide humanitaire à Gaza. L'Europe est prête à intensifier son engagement et à faire ce qu'elle peut pour contribuer à ce que l'accord de cessez-le-feu et de libération des otages soit maintenu, pour ouvrir la voie à une aide accrue et pour poser les jalons d'une paix durable », a-t-elle déclaré. Roberta Metsola s’est également rendue à Re'im, site du festival Nova ,où des milliers de jeunes ont été massacrés lors de l’incursion de combattants du Hamas par le 7 octobre 2023. Elle a ensuite été reçue par le président d'Israël, Isaac Herzog.. La présidente du Parlement européen se rend aujourd’hui à Ramallah pour rencontrer Hussein al-Sheikh, Secrétaire général du Comité exécutif de l'Organisation de libération de la Palestine et Mme Reem Al Hajajra, candidate au Prix Sakharov 2024 et directrice de Women of the Sun. Roberta Metsola avait été la première dirigeante d’une institution européenne à se rendre en Ukraine après le début de la guerre.
Numérique
Le code de conduite sur la désinformation intègre le DSA - La Commission et le Comité européen des services numériques ont approuvé hier l'intégration du Code de conduite volontaire sur la désinformation dans le cadre du Digital Services Act (DSA). "Cette intégration fera du Code un point de référence pour déterminer la conformité des plateformes au DSA", a expliqué la Commission dans un communiqué. Le respect des engagements pris avec le Code fera également partie de l'évaluation annuelle indépendante à laquelle les grandes plateformes sont soumises en vertu du DSA. Parmi les signataires du Code figurent Google, Meta, Microsoft et TikTok. Le Code de conduite prévoit, entre autres, de réduire les incitations financières pour ceux qui font de la désinformation, d'introduire des systèmes d'étiquetage plus efficaces pour reconnaître la publicité politique, et de contenir les faux comptes, l'amplification des bots, les deep fakes (fausses informations) nuisibles et autres comportements manipulateurs. "Ces mesures combattent les risques de désinformation, en respectant pleinement la liberté d'expression et en améliorant la transparence", explique la Commission.
Allemagne
Un autre attentat bouleverse la campagne électorale – À neuf jours des élections législatives fédérales, un attentat à Munich perpétré par un réfugié afghan de vingt-quatre ans est destiné à enflammer la campagne électorale. "Au moins 28 personnes ont été blessées hier lorsqu'une voiture conduite par un demandeur d'asile afghan a foncé sur un cortège syndical. Le suspect, connu de la police pour des vols et des délits liés à la drogue, a été arrêté." "C'était probablement une attaque", a déclaré le Premier ministre de Bavière et chef de la CSU, Markus Soeder. Le thème de l'immigration et de la sécurité a dominé la campagne électorale, en particulier après l'attentat de décembre sur un marché de Noël à Magdeburg, qui a fait six morts. "Nous devons appliquer la loi et l'ordre. Tout le monde doit se sentir à nouveau en sécurité dans notre pays. Quelque chose doit changer en Allemagne", a écrit sur X le leader de la CDU, Friedrich Merz, favori des sondages. Mais les grands bénéficiaires pourraient être le parti d'extrême droite AfD et sa leader Alice Weidel, à qui les sondages attribuent plus de 20 % des intentions de vote. "Cela doit-il continuer ainsi pour toujours ?", a commenté Weidel sur X. Même le chancelier sortant, Olaf Scholz, a durci le ton.
Cela se passe aujourd'hui
Conseil européen : le président Costa participe à la 61e Conférence sur la sécurité de Munich
Commission : la présidente von der Leyen participe à la 61e Conférence sur la sécurité de Munich, avec les commissaires Ribera, Virkkunen, Kallas, Sefcovic, Suica, Hoekstra, Kubilius, Lahbib et Zaharieva
Commission : la vice-présidente Minzatu participe au Forum ministériel de l'OCDE à Paris
Commission : la commissaire Suica rencontre le Premier ministre irakien, Mohammed al-Sudani, et le président du Yémen, Rashad Mohammed Al-Alimi
Commission : le commissaire Serafin aux Pays-Bas
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