Le plan B sur l'Ukraine: l'Europe des 26
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Le plan B sur l'Ukraine: l'Europe des 26
Face aux vétos de Viktor Orban sur l'Ukraine, les chefs d'Etat et de gouvernement préparent un "plan B" pour montrer que l'UE est capable de tenir ses engagements et éviter d'envoyer un "signal catastrophique" non seulement à la Russie, mais au reste du monde. "L'Ukraine est la priorité absolue du sommet” qui s'ouvre aujourd'hui à Bruxelles, explique un diplomate : "nous devons montrer que l'UE est prête à soutenir Kiev dans la durée. La géopolitique impose que l'ancienne façon de faire de l'UE ne s'applique plus de la même manière". Ce qu'il faut, c'est une "mobilisation totale", a dit le premier ministre polonais, Donald Tusk, dans son discours devant le parlement mardi. Mais les vétos de M. Orban paralysent l'UE sur le début des négociations d'adhésion avec l'Ukraine et sur un paquet d'aides financières de 50 milliards d'euros. Sur l'élargissement il faut l'unanimité. Par contre, sur l'argent "il y a d'autres options que le plan A", explique le diplomate : "Nous avons la capacité d'agir sans Orban".
Le plan B sans la Hongrie sur l'aide financière prévoit de reproduire en 2024 le programme d'assistance macro-financière de 18 milliards d'euros accordé par l'UE à l'Ukraine en 2023. L'extension devrait être adoptée à la majorité qualifiée. Mais, en cas d'obstacles supplémentaires, il existe aussi un plan C : vingt-six États membres fourniraient des garanties nationales pour lever les fonds destinés à Kiev dans un cadre intergouvernemental. Toutes les délégations sont conscientes que ce n'est pas la meilleure solution. La préférence va au paquet de 50 milliards dans le cadre de la révision du cadre financier pluriannuel. Cela donnerait à l'Ukraine une "certitude" et permettrait "tous les contrôles et conditionnalités" exigés par l'UE, explique un autre diplomate. Mais "si Orban n'en veut pas, nous trouverons une autre solution. Il n'y a pas de problème”.
Il est beaucoup plus compliqué de trouver un plan B pour le début des négociations d'adhésion. Pour l'Ukraine, il s'agit de "la mère de toutes les décisions", a expliqué lundi le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmytro Kuleba. Le président Volodymyr Zelensky pourrait faire une étape surprise à Bruxelles pour faire pression sur les dirigeants de l'UE, bien que certaines délégations pensent que cela pourrait s'avérer contre-productif en cas d'échec. Michel et les autres dirigeants tenteront de convaincre Orban avec un compromis typiquement bruxellois : la décision sur les négociations devrait être prise lors de ce sommet, mais ne se concrétisera qu'en mars, après une confirmation unanime du Conseil européen sur le cadre de négociation et la convocation de la conférence intergouvernementale. Hier, la Commission a tenté d'amadouer M. Orban en débloquant 10 milliards d'euros de fonds de cohésion qui avaient été gelés en raison de violations de l'État de droit. "Ce que nous essayons de faire, c'est de trouver des moyens de parvenir à l'unanimité", a déclaré un troisième diplomate.
Que fera Orban ? "J'entends chaque jour une réponse différente", se plaint un ambassadeur. Dans sa lettre d'invitation aux dirigeants, le président du Conseil européen, Charles Michel, a appelé à "l'audace de faire les bons choix" sur l'Ukraine. La décision de négocier ne devrait pas être prise "uniquement pour amour de l'Ukraine", a confirmé le troisième diplomate. “L'enjeu est le message adressé au reste du monde", a déclaré un haut fonctionnaire de l'UE. Un échec n'aurait pas seulement des conséquences sur Kiev, mais aussi pour l'UE au niveau global. Le succès est nécessaire pour convaincre le Congrès américain d'approuver l'aide et pour montrer à la Russie et à la Chine que l'UE est un acteur géopolitique sérieux. La confrontation "n'est pas seulement contre la Russie, mais contre cette partie du monde qui va à l'encontre de nos valeurs et intérêts fondamentaux", a rappelé hier M. Tusk.
Avant le Conseil européen, M. Orban avait appelé à une "discussion stratégique" sur l'Ukraine. Mais les dirigeants des 26 autres Etats membres pourraient être contraints à une discussion stratégique sur Orban. Le premier ministre hongrois est complètement isolé. Son homologue slovaque, Robert Fico, a déclaré qu'il avait les mêmes doutes quant à la préparation de l'Ukraine aux négociations, mais il a annoncé qu'il ne bloquerait pas la décision. Avec l'arrivée d'un gouvernement libéral en Pologne, il existe un moyen de neutraliser les vetos d'Orban : l'activation de l'article 7 du traité sur l'État de droit pour priver la Hongrie de son droit de vote. "C'est très prématuré", déclare le troisième diplomate. "Tant que des solutions sont trouvées, il n'y a pas de raison de remettre en cause notre fonctionnement". Mais "si un jour on s'aperçoit que l'impasse est généralisée" à cause d'Orban, "une question plus fondamentale se posera", ajoute le diplomate.
La citation
“Les Balkans occidentaux ont fait leur choix européen. Le moment est venu de faire comme eux et de nous réformer. L'élargissement est notre outil géopolitique le plus puissant. Si nous échouons, d'autres occuperont l'espace et alimenteront l'instabilité.
Roberta Metsola, présidente du Parlement européen, lors du sommet UE-Balkans occidentaux.
État de droit
Le Pe se révolte contre von der Leyen pour le chèque à la Hongrie - La Commission d'Ursula von der Leyen a annoncé hier qu'elle avait débloqué 10 milliards d'euros pour la Hongrie, somme qui avait été gelée en raison d'infractions à l'État de droit. Avant même la décision, les présidents des groupes PPE, S&D, Renew et Verts avaient écrit à Mme von der Leyen pour s'opposer au cadeau fait à Viktor Orban. Les conditions qui avaient été fixées sur les réformes visant à garantir l'indépendance du système judiciaire "n'ont pas été remplies", ont écrit Manfred Weber pour les Populaires, Iratxe Garcia pour les Socialistes, Stéphane Séjourné pour les Libéraux et Philippe Lamberts avec Terry Reintke pour les Verts. Les dirigeants des quatre groupes politiques ont également exprimé leur inquiétude "quant aux nouvelles menaces qui pèsent sur l'État de droit en Hongrie, telles que la proposition de loi sur la défense de la souveraineté", qui peut être utilisée pour réduire au silence l'opposition, les ONG et les opposants au gouvernement. Certains parlementaires, comme Sophie in't Veld des Pays-Bas, sont allés jusqu'à demander la démission de Mme von der Leyen.
Comment Orban trompe l'UE par de fausses réformes - Erika Farkas et András Kádár, deux juristes du Comité hongrois d'Helsinki, expliquent sur Verfassungsblog comment Viktor Orban a réussi à tromper l'UE sur les réformes de l'État de droit afin de débloquer les fonds gelés par la Commission. Le gouvernement hongrois affirme avoir mené à bien toutes les réformes requises. Mais "en examinant de plus près les conditions préalables aux paiements ainsi que la nature et la mise en œuvre des réformes proposées, il apparaît clairement que la Hongrie continue de jouer des tours pour éviter de se conformer, en particulier lorsqu'il s'agit de réformes qui pourraient avoir des conséquences douloureuses pour la majorité au pouvoir", affirment les deux juristes. "Ces astuces sont de nature très technique, mais l'expérience a montré que le gouvernement hongrois peut être très technique dans la poursuite de son programme de démantèlement de l'État de droit. Des dizaines d'exemples montrent que les détails juridiques ont de l'importance, et s'il est possible que la législation soit appliquée au détriment des principes de l'État de droit, c'est ce que le gouvernement fera"
Eurobaromètre
Moins de soutien à l'Ukraine parmi les citoyens de l'UE - La Commission a publié hier un Eurobaromètre annonçant que les Européens continuent de soutenir largement l'Ukraine. Mais un examen plus approfondi des données de l'enquête, réalisée entre octobre et novembre, montre que la tendance en faveur de Kiev commence à s'infléchir par rapport à l'enquête précédente réalisée entre mai et juin. Le pourcentage d'Européens favorables au financement et à l'achat d'armes pour l'Ukraine a diminué de 4 points de pourcentage. Celui des partisans de l'accueil des réfugiés ukrainiens a baissé de deux points. Quant à l'aide financière, les Européens qui y sont favorables ont perdu trois points de pourcentage. L'enthousiasme pour l'adhésion de l'Ukraine baisse également de trois points. D'une manière générale, le soutien reste élevé : 72 % des Européens sont favorables à une aide financière à l'Ukraine et à des sanctions contre la Russie, 61 % soutiennent le statut de pays candidat et 60 % le financement des livraisons d'armes.
Sanctions
Accord (ou presque) pour un douzième paquet de sanctions contre la Russie - Le douzième paquet de sanctions contre la Russie pourrait bientôt voir le jour. Un État à encore une réserve. Il ne s’agit pas de la Hongrie, mais de l’Autriche, ont annoncé deux diplomates européens. Si l’accord est validé, les importations de diamants russes seront interdites dans l’UE à compter du 1er janvier 2024 et celles de diamants russes polis en Inde ou dans d’autres parties du monde seront interdites en mars 2024. Un système de traçabilité est prévu. La mesure suit celle adoptée par les pays du G7 début décembre. L’objectif de ce 12e paquet de sanctions économiques est de continuer de réduire les revenus de la Russie afin de paralyser le financement du conflit mené en Ukraine. L'interdiction des achats de diamants russes est la mesure la plus emblématique, les mesures adoptées par les Européens visent surtout à empêcher les nombreux contournements de leurs sanctions qui les rendent inefficaces.
Suivi
Encore un effort demandé sur le budget - La réduction de la contribution demandée aux Etats membres pour financer l’aide à l’Ukraine et la gestion des migrations a été réduite de 65,8 à 22,5 milliards d’euros. Deux tiers de coupes. Mais ne n’est toujours pas suffisant pour l’Allemagne et les autres “frugaux”. Ils veulent descendre à 17 milliards, nous a confié un négociateur quelques heures avant le début du sommet européen jeudi à Bruxelles. “Les discussions sont toujours en cours”, a confirmé un de ses homologues. Ce sera “assez compliqué”, on-ils averti. L'enjeu, ce sont les 50 milliards d’euros du soutien financier européen à l’Ukraine – 17 milliards en dons et 33 milliards en prêts– pour les quatre prochaines années. 26 des 27 n’ont pas remis en cause ce montant. Mais la Hongrie ne veut pas procéder ainsi et préfère poursuivre avec une assistance macro-financière annuelle sous forme de prêts. Un énorme travail a été réalisé. Les coupes réalisées sur les financements pour les autres priorités semblent drastiques. Mais en fait un délicat travail de rééquilibrage a été mené avec des fonds non alloués et des réallocations afin de réduire la facture pour les finances des Etats membres . Le STEP, l’instrument pour soutenir les investissements dans les secteurs stratégiques et l’innovation a été raboté de 10 à 1,5 milliard dans la proposition.
Coulisses
L’humiliation d’Ursula von der Leyen - Les négociations sur le budget pluriannuel de l’UE sont toujours difficiles pour la Commission européenne. Ses demandes sont systématiquement jugées excessives et revues à la baisse. Mais l’exercice a tourné au cauchemar pour le financement de l’aide à l’Ukraine et une série d’autres priorités. Les demandes soumises par la Commission pour abonder de 66 milliards un budget mis à sec par des crises non prévues en 2020 ont été durement recalées lors du sommet d’octobre. Le chancelier allemand Olaf Scholz s'était montré particulièrement dur contre une proposition jugée “ni faite ni à faire”, une “caricature” de budget, ont raconté plusieurs participants. Ursula von der Leyen a été priée de revoir sa copie pour le sommet de décembre. Ses services ont jugé la tâche impossible, faute de marges de manœuvres. L’argument a été refusé par les Etats membres. Ils ont pris les commandes du budget et ont recensé les fonds non utilisés, les possibilités de redéploiement, les coupes possibles et sont parvenus à réduire leurs contributions de 40 milliards d’euros. Ceci sans toucher aux 50 milliards de financements, dont 17 milliards de dons promis à l’Ukraine. Auront-ils encore des capacités financières si une autre crise survient ? La question est posée, a confié un de leurs négociateurs.
Divisions
Négocier ou ne pas négocier sur Gaza? - Les pressions de l’Espagne, de la Belgique, de l’Irlande et de Malte pour demander un cessez-le-feu dans la guerre opposant Israël et le Hamas à Gaza risquent d'enflammer les débats pendant le sommet européen. ”Sur le papier, il n’y a pas l’unanimité pour soutenir cette demande, mais il y a une dynamique”, a reconnu un diplomate européen. “La situation a évolué et il faut adapter la ligne politique de l’UE”, a-t-il expliqué. Le président du Conseil “Charles Michel a consulté. Il lui appartient de décider s’il porte le sujet”. Le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez veut un débat et une position claire de l’UE. “Il y aura un débat, mais il ne sera pas facile compte tenu des sensibilités”, a confié un autre diplomate. “Je ne crois pas qu’il y ait une forte envie de négocier pendant des heures sur ce sujet”, a-t-il souligné. Mardi, à l'Assemblée générale des Nations unies, l'Autriche et la République tchèque ont voté contre la demande de cessez-le-feu. La Bulgarie, l'Allemagne, l'Italie, la Lituanie, les Pays-Bas, la Roumanie, la Slovaquie et la Hongrie se sont abstenus.
Climat
L'UE se félicite de l'accord Made in Europe conclu lors de la Cop28 - L'Union européenne affirme avoir réussi à maintenir en vie la possibilité de respecter l'engagement pris dans le cadre de l'accord de Paris sur le climat de limiter l'augmentation de la température moyenne mondiale à 1,5 degré grâce à l'accord conclu hier lors de la Cop28 qui s'est tenue à Dubaï. Le principal succès est le consensus sur l'élimination progressive des combustibles fossiles. "L'accord d'aujourd'hui marque le début de l'ère post-combustibles fossiles", a déclaré Ursula von der Leyen, expliquant qu'"une partie essentielle de cet accord historique est en effet 'made in Europe' : le monde entier a approuvé nos objectifs de tripler les énergies renouvelables et de doubler l'efficacité énergétique d'ici à 2030".
Trilogue
Accord sur le travailleurs des plateforme - Les négociateurs du PE et du Conseil sont parvenus à un accord provisoire sur un projet de loi améliorant les conditions de travail des personnes travaillant via une plateforme numérique. La directive vise à garantir la classification correcte du statut professionnel des personnes travaillant via une plateforme de travail numérique et à introduire les premières règles européennes en matière de gestion algorithmique et d’utilisation de l’intelligence artificielle. Les nouvelles règles introduisent une présomption de relation de travail (par opposition aux travailleurs indépendants) qui existe lorsque deux de cinq indicateurs de contrôle ou de direction sont réunis. Il sera interdit aux plateformes de prendre certaines décisions importantes, telles que les licenciements et les décisions de suspension d’un compte, sans surveillance humaine. Les plateformes seront également tenues d’évaluer l’impact des décisions prises ou soutenues par des systèmes automatisés de suivi et de prise de décision sur les conditions de travail, la santé et la sécurité et les droits fondamentaux. Il ne sera pas possible pour une plateforme de contourner les règles en faisant appel à des intermédiaires, c’est-à-dire lorsque les travailleurs entretiennent une relation contractuelle directe avec une partie autre que la plateforme numérique concernée.
Ce qui se passe aujourd'hui
Conseil européen
Banque centrale européenne : conférence de presse de la présidente Lagarde après la réunion du conseil des gouverneurs
Parlement européen : conférence de presse de la Présidente Metsola après son discours au Conseil européen
Parlement européen : session plénière à Strasbourg (débats sur les résultats de la Cop28 ; le mécanisme de non-objection dans les conventions internationales ; l'amélioration de la mise en œuvre du droit de l'UE)
Commission : la vice-présidente Jourova reçoit Alberto Nunez Feijoo, le président du Parti populaire espagnol
Commission : la commissaire Johansson assiste au Forum mondial des réfugiés à Genève
Commission : le commissaire Sinkevicius à Paris pour parler à l'événement Lvhm 360 life
Cour de justice de l'UE : arrêt sur la décision fiscale au Luxembourg pour Amazon ; arrêt sur le défaut de fermeture de décharges non autorisées en Roumanie ; arrêt sur les congés de quarantaine pendant le Covid
Cour de justice de l'UE : conclusions de l'avocat général dans l'affaire Ilva
Comité économique et social : session plénière
OTAN : conférence de presse du secrétaire général Stoltenberg avec le premier ministre slovaque Robert Fico
Eurostat : données sur le PIB par habitant, la consommation par habitant et les indices de niveau de prix pour 2020-22 ; données sur le transport maritime de passagers