Les Européens montrent leurs muscles, mais ils n'impressionnent personne
Bonjour! Je suis Christian Spillmann et avec David Carretta nous vous proposons la Matinale Européenne, un instrument pour offrir une analyse, un contexte et une perspective à ceux qui s'intéressent à l'UE.
Les Européens montrent leurs muscles, mais ils n'impressionnent personne
Les Européens se préparent pour un important exercice militaire avec leurs alliés de l’Otan. L’objectif est d’adresser un signal à Vladimir Poutine. Mais leurs difficultés à aider militairement et financièrement l’Ukraine font douter de leur capacité à affronter un ennemi sans l’aide des Etats-Unis. Depuis deux mois, les 27 s'écharpent sur le financement d’une assistance de 50 milliards d'euros promise à l’Ukraine pour les quatre prochaines années et peinent à poursuivre leur soutien militaire. Un sommet extraordinaire a été convoqué pour le 1er février, mais aucun accord n’a été trouvé à trois jours de la réunion. L’appui américain est également à la peine. Le président Joe Biden ne parvient pas à convaincre le Congrès de donner son accord à une aide de 61 milliards de dollars pour l’assistance militaire à l’Ukraine. L’ancien président Donald Trump, en campagne pour la présidentielle de novembre, fait pression sur les élus Républicains pour qu’ils bloquent ce financement. La démonstration de force prévue avec l’opération de l’Otan “Steadfast Defender” (Défenseur inébranlable) va tenter de dissiper les inquiétudes.
“Steadfast Defender” a commencé mercredi dernier avec l’appareillage des navires américains pour l’Europe. Les exercices commenceront en février et dureront plusieurs mois. 90.000 soldats, une cinquantaine de navires de guerre, 80 avions et 1.100 véhicules de combat des 31 pays membres de l’Otan et de le Suède, dont l’adhésion est encore bloquée par la Hongrie, vont participer à ce grand jeu de guerre dont le scénario est un conflit contre un “adversaire de taille comparable”, terminologie employée par l’Alliance pour désigner la Russie sans la nommer. Le scénario prévoit l’acheminement de troupes américaines “en renfort” et se veut “une démonstration claire de notre unité, de notre force et de notre détermination à nous protéger les uns les autres”, a expliqué le chef militaire de l’Otan, le général américain Christopher Cavoli. Moscou a dénoncé “le retour définitif et irrévocable de l’Otan aux schémas de la Guerre froide, lorsque le processus de planification militaire, les ressources et l’infrastructure sont préparés pour la confrontation avec la Russie”.
La guerre en Europe avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie a soudé les Européens et renforcé l’Otan. La Finlande et la Suède ont décidé de rejoindre l’Alliance, les Etats-Unis ont déployé 100.000 militaires en Europe et pris le commandement d’un groupe de combat multinational de l’Otan déployé en Pologne. L’Allemagne a alloué 100 milliards à sa défense et décidé de stationner une brigade de combat de 4.000 hommes et leur matériel en Lituanie, où elle dirige un autre groupe de combat. La France a également pris le commandement d’un groupe de combat multinational stationné en Roumanie où elle déployé des troupes et de l’armement, notamment un détachement de défense sol-air Mamba. Les Britanniques, autre puissance militaire de l’Otan, commandent un groupe de combat multinational en Estonie et Londres a mobilisé 20.000 militaires pour l'opération “Steadfast Defender”.
L’Otan adresse ainsi une mise en garde à Vladimir Poutine. L’Alliance est mobilisée, en capacité d’agir et répondra à toute agression contre l’un de ses membres. Un important contrat a été passé pour l’achat de 220.000 obus de 155 mm afin de reconstituer les stocks des alliés. Mais cette démonstration de force à un talon d’achille: le pilier européen de l’Alliance est faible et dépendant des Etats-Unis. Les membres de l’Otan se sont engagés à consacrer 2% de leur PIB aux dépenses de défense en 2024. Les Etats-Unis, le Royaume-Uni et cinq pays de l’UE (Grèce, Pologne, Lituanie, Estonie et Lettonie) avaient atteint cet objectif en 2022, selon le rapport publié par l’Otan en mars 2023. Quatre dont la France étaient proches, entre 1.7 et 1.9 %, Six dont l’Italie et les Pays-bas naviguaient entre 1.5 et 1.7% et les autres étaient loin du compte. L’Allemagne consacrait 1.49% de son PIB à sa défense avant la décision de lui consacrer 100 milliards d’euros .
Les membres de l’Otan se sont par ailleurs engagés à être en mesure en 2030 de déployer sous trente jours 30 bataillons mécanisés, 30 escadrilles et 30 navires de combat pour faire face à une opération militaire de la Russie, considérée comme potentiel agresseur. Mais le “pilier européen” n'est pas en mesure de le faire sans les Américains. Vladimir Poutine cherche à exploiter cette faiblesse. Il mise sur l’élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis en novembre pour affaiblir l’Otan et parvenir à ses fins en Ukraine. L’ancien président n’aime pas les Européens. Comme Vladimir Poutine, il méprise l’UE et ses institutions et ne se sent pas lié par la défense collective prévue par l’article 5 du traité de Washington.
Le président russe compte également des alliés au sein de l’UE, partisans d’une paix imposée en Ukraine. Le Premier ministre hongrois Viktor Orban est le plus actif. Il fait tout son possible pour bloquer le soutien européen à Kiev et l’adhésion de l’Ukraine à l’UE. Son homologue slovaque Robert Fico est également partisan d’une paix et préconise que l’Ukraine abandonne les territoires annexés par Moscou. De nombreux partis politiques participent par ailleurs à la désinformation russe, comme le Rassemblement National, le parti d’extrême droite en France, et la lega en Italie.
Les dirigeants européens doivent briser cette chaîne. Soit Viktor Orban abandonne ses objections et permet un accord pour l’Ukraine le 1er février, soit il leur faudra le sanctionner et pour cela recourir à “l’arme atomique” de la privation du droit de vote pour la Hongrie, ce qui équivaut à une exclusion. A ce prix, l’UE retrouvera sa crédibilité et le respect à l’extérieur de ses frontières.
La citation
"On a décidé de mettre l’agriculture au-dessus de tout".
Gabriel Attal, premier ministre de Emmanuel Macron.
Farce européenne
La pantalonnade de Charles Michel - La décision de Charles Michel, début janvier, de se présenter aux élections européennes et son intention de renoncer à la présidence du Conseil européen en juillet avaient surpris. Trois semaines plus tard, sa volte-face a semé la consternation. Quelle est la raison de son repentir ? J'ai sous-estimé l'ampleur et la radicalité de certaines réactions négatives, non pas au sein du Conseil, mais à l'extérieur", explique M. Michel dans un message publié sur Facebook. L'ancien premier ministre belge a découvert qu'il n'était pas populaire dans son royaume. "Plus que par le mécontentement au sein du Conseil, il a été choqué par les réactions négatives à sa décision en Belgique", a expliqué une source au sein du Conseil sous couvert d'anonymat. Le premier ministre, Alexander De Croo, n'a pas été tendre. C'est son choix. Ce n'est pas à moi de l'aider", a-t-il déclaré en réponse à une question sur la nécessité de trouver un nouveau président du Conseil européen lors du sommet de fin juin. Charles Michel n'est pas sorti grandi de cette pantalonnade. Il est consterné par le poste", commente un diplomate. "Il justifie les critiques formulées à l'encontre de la présidence du Conseil, jugée inutile", explique le diplomate.
Au moins, Michel évite l'intérim d'Orban au Conseil européen - Le seul point positif de la décision de Michel de rester jusqu'à la fin de son mandat est que le Premier ministre hongrois Viktor Orban, résolument europhobe, ne pourra pas devenir président ad iterim à sa place. La Hongrie succédera à la Belgique pour la présidence semestrielle du Conseil de l'UE en juillet. Le départ anticipé de Michel aurait entraîné un risque Orban: si les dirigeants n'avaient pas trouvé de successeur avant le 16 juillet et décidé de le faire entrer en fonction immédiatement, le premier ministre hongrois serait devenu l'homme à la tête des sommets européens. Mais il est difficile de voir le verre à moitié plein. Charles Michel a perdu tout crédit et est condamné à jouer le rôle de canard boiteux jusqu'à la fin de son mandat. Cependant, il n'a pas tout perdu dans cette aventure. Son salaire de président du Conseil est bien plus élevé que celui d'un élu au Parlement européen. Il pourra continuer à le percevoir jusqu'au 30 novembre, puis il bénéficiera d'une identité transitoire de plus de 10 000 euros par mois pendant les trois prochaines années.
Moins 3 jours avant le sommet
La menace de l'article 7 contre Orban - Face à l'intransigeance de Viktor Orban sur son veto au paquet d'aide financière de 50 milliards d'euros à l'Ukraine, plusieurs chefs d'État et de gouvernement envisagent d'appuyer sur le bouton nucléaire de l'UE : priver la Hongrie de son droit de vote, en utilisant l'article 7 du traité pour violation systématique des valeurs fondamentales. Cette option, qualifiée de "nucléaire" à Bruxelles car il s'agit de la sanction la plus grave à l'encontre d'un État membre, fait l'objet de discussions avant le sommet extraordinaire du 1er février. À cette occasion, les dirigeants européens tenteront à nouveau de convaincre M. Orban de lever le veto qui paralyse non seulement l'aide à l'Ukraine, mais aussi l'accord sur la révision du budget 2021-27. Les négociations se poursuivent, mais sans résultat. Orban a formulé des exigences inacceptables. "La frustration a atteint des niveaux très élevés", nous a confié un haut fonctionnaire de l'UE. Il existe plusieurs plans B, comme placer les 50 milliards en dehors du budget, mais cela reviendrait à donner l'avantage à M. Orban. La proposition relative à l'article 7 n'a pas encore été formalisée, car elle risquerait de faire échouer une solution potentielle avec les 27 États membres. Mais "nous sommes prêts", a déclaré la source : "Si un Etat membre fait du chantage un fois, deux fois... mais pour de nombreux Etats membres l'Ukraine est une question de survie et d'intérêt stratégique. L'article 7 élimine le chantage".
Vache sacrée
Le siège de Paris - Insatisfaits des mesures annoncées par le gouvernement, les agriculteurs français ont décidé de bloquer les accès de la capitale à partir d’aujourd’hui 14H00 et ce pour une durée indéterminée, ont annoncé la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs, deux syndicats qui représentent la majorité de la profession. Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a ordonné la mise en place d’un “dispositif défensif” afin d’empêcher le blocage du marché de Rungis et des aéroports de la capitale, et d’interdire aux manifestants toute possibilité d’entrer dans Paris. Le mouvement risque de perturber le sommet européen extraordinaire pour l’Ukraine convoqué pour le 1er février à Bruxelles si le président Emmanuel Macron est contraint de renoncer à ce déplacement. Le ministre wallon de l'agriculture, Willy Borsus, a demandé que la colère rurale soit à l'ordre du jour du Conseil européen.
Les Verts envisagent d'interdire le parti d'extrême droite Identité et Démocratie - Interdire le parti européen d'extrême droite Identité et Démocratie parce qu'il n'accepte pas les valeurs fondamentales ? Alors qu'une action possible contre Alternative pour l'Allemagne est discutée en Allemagne, la co-présidente des Verts, Terry Reintke, estime que la même chose pourrait être faite au niveau de l'UE. "S'il y a une procédure lancée en Allemagne, l'AfD fait partie d'une famille européenne, et au niveau européen, nous devrions vérifier s'il y a une base" pour faire la même chose, a déclaré Reintke à EU Scream, le brillant podcast de James Kanter (abonnez-vous !). "La question fondamentale devrait être de savoir si ces personnes demandent d'aller à l'encontre de l'article 2 du traité, qui est le fondement de l'UE sur des valeurs telles que l'État de droit, la démocratie, la liberté et les droits fondamentaux, y compris les droits des minorités. Nous devrions vérifier s'il est possible de faire la même chose au niveau européen", a déclaré Mme Reintke. Selon la coprésidente des Verts, "il est nécessaire de s'assurer que tous les partis au niveau européen respectent les valeurs fondamentales d'une démocratie". "On n'est pas démocratique simplement parce qu'on est élu démocratiquement. Il faut respecter les valeurs fondamentales", notamment l'État de droit, la séparation des pouvoirs et l'indépendance du pouvoir judiciaire. "C'est une leçon que nous devons tirer de l'exemple allemand des années 1920 et 1930", a déclaré Mme Reintke.
Géopolitique
L'UE ne suspend pas l'aide à l'UNRWA (pour l'instant) - Le Haut représentant pour la politique étrangère, Josep Borrell, s'est déclaré vendredi "extrêmement préoccupé par les allégations d'implication du personnel de l'UNRWA dans les attaques terroristes du 7 octobre en Israël", mais pour l'instant, l'UE n'a pas l'intention de suspendre l'aide financière à l'agence de l'ONU, comme l'ont fait certains Etats membres. "L'Unrwa joue un rôle essentiel depuis de nombreuses années en aidant les réfugiés palestiniens vulnérables à accéder à des services vitaux tels que l'éducation et la santé, et est un partenaire clé de la communauté internationale, y compris de l'UE", a déclaré M. Borrell. "Nous sommes en contact avec l'Unrwa et nous attendons d'elle qu'elle fasse toute la transparence sur ces allégations et qu'elle prenne des mesures immédiates à l'encontre du personnel impliqué. La Commission évaluera les étapes ultérieures et tirera les leçons sur la base des résultats d'une enquête complète et exhaustive", a déclaré M. Borrell.
Finlande
Stubb contre Haavisto au second tour des élections présidentielles - Les résultats du premier tour des élections présidentielles en Finlande ont confirmé les prévisions des sondages. Au second tour, le 11 février, s'affronteront le candidat des modérés, Alexander Stubb, qui a obtenu environ 27 % des voix, et le candidat des Verts, Pekka Olavi Haavisto, qui est arrivé en deuxième position avec environ 26 % des voix. Il n'y a pas eu de surprise populiste. Le candidat du parti d'extrême droite Finns, Jussi Halla-aho, s'est arrêté à 19 %, juste au-dessus du centriste Olli Rehn avec 15%. Loin derrière, la commissaire européenne, Jutta Urpilainen : la candidate du parti social-démocrate n'a obtenu que 4 %. Stubb (ancien premier ministre) et Haavisto (ancien ministre des affaires étrangères) sont tous deux pro-européens et atlantistes. Tous deux ont soutenu l'adhésion à l'OTAN et ont promu une politique résolument pro-Ukraine.
Ce qui se passe aujourd'hui
Conseil Affaires générales
Conférence intergouvernementale avec le Monténégro sur le processus d'adhésion
Sommet Italie-Afrique avec le président du Conseil européen Charles Michel, la présidente de la Commission Ursula von der Leyen et la présidente du Parlement européen Roberta Metsola
Commission : la présidente von der Leyen reçoit à Rome le prix international "Des nains sur les épaules de géants”
Commission : le vice-président Dombrovskis et le haut représentant Borrell participent au forum des investisseurs Global Gateway entre l'Europe et l'Asie centrale
Commission : le vice-président Dombrovskis rencontre la représentante américaine au commerce, Katherine Tai, à Washington
Parlement européen : débat au sein de la commission des libertés civiles sur la mission Lampedusa
Commission : le commissaire à l'agriculture Wojciechowski à Malte
Commission : le commissaire chargé de la gestion des crises, M. Lenarcic, rencontre au Tchad le président et chef du Conseil militaire de transition, M. Mahamat Idriss Deby Itno
Banque centrale européenne : discours de Luis de Guindos lors d'une conférence de Citi Private Bank à Madrid
Eurostat : données sur les investissements directs étrangers en 2022 ; données sur les émissions industrielles en 2021