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L’Europe repense sa défense hors de l’UE et sans les Américains
Confrontée à une Russie passée en économie de guerre pour vaincre l’Ukraine et abandonnée par les Etats-Unis à cause d’un président prêt à “pactiser” avec l'ennemi, l’Europe doit se repenser pour assurer seule sa défense et sa sécurité. Le Livre Blanc presenté aujourdhui par la Commision européenne identifie les efforts à mener, les lacunes à combler et les financements à trouver. Mais l'Union européenne n’est plus le cadre adéquat. Le chancelier allemand Friedrich Merz évoque une “communauté européenne de défense”. Le pilier européen de l’Otan serait plus adapté. La Norvège, le Royaume-Uni, la Turquie, membres de l’Alliance, sont plus impliqués dans le soutien à l’Ukraine et dans l’élaboration de la défense de l’Europe que nombre d’Etats membres de l’UE. Mais l’Otan va-t-elle survivre au second mandat de Trump ? La nouvelle administration américaine est en train de signer l’acte de décès avec ses menaces d’entrer en conflit avec le Canada et le Danemark, deux alliés, pour satisfaire les lubies de son président.
L’argent est le nerf de la guerre. L’Union européenne se prépare à augmenter considérablement ses dépenses pour sa défense et cherche des moyens de les financer. L’une des solutions est de ramener en Europe une partie des achats d’armes effectués par les Etats membres aux Etats-Unis. Chaque année les Européens dépensent 50 milliards d’euros pour des armements et des équipements américains, notamment les avions de combat F-35. Une autre mesure consiste à canaliser vers des investissements en Europe une partie de l'épargne européenne placée aux Etats-Unis. Le chiffre est conséquent: 300 milliards d’euros sont investis chaque année dans des actions américaines.
Le livre blanc préparé par Ursula von der Leyen n'évoque pas ces pistes, car les Etats-Unis sont toujours considérés comme un partenaire, même si “l'Europe ne peut pas tenir pour acquise la garantie de sécurité des États-Unis”.
Mais les Etats-membres considèrent cette option. Le Portugal est passé à l'acte avec l’annonce de sa décision de ne pas remplacer ses avions de chasse américains F-16 par les nouveaux F-35 “à cause de Donald Trump" et d’acheter désormais européen. "Nous ne pouvons pas ignorer la géopolitique actuelle, et la fiabilité et la prévisibilité des alliés est leur plus grand atout ", a expliqué le ministre de la Défense portugais Nuno Melo.
Le Canada et l’Allemagne n'excluent pas de suivre l'exemple du Portugal. Emmanuel Macron a senti le mouvement et veut l’accompagner. "J’ai demandé aux industriels qu’on puisse, sur des systèmes où on a les meilleurs produits, aller démarcher les États européens qui ont pris l’habitude d’acheter américain", a -t-il annoncé. "Ceux qui achètent Patriot, il faut leur proposer le SAMP/T franco-italien de la nouvelle génération. Ceux qui achètent du F-35, il faut aller leur proposer du Rafale. C’est comme ça qu’on va accroître, à coup sûr, la cadence", a soutenu le président français. “Les industriels européens vont avoir des acheteurs mais il faut être capables de produire”, a expliqué un diplomate.
Les restrictions imposées par les Américains à l'utilisation de leurs armements et la possibilité d'empêcher leur utilisation par les acheteurs a douché les Européens. Le Danemark, l’un des plus atlantistes des membres de l’UE, réalise que ses avions F-35 pourraient être cloués au sol si les Etats-Unis veulent s'emparer du Groenland par la force comme l’annonce Donald Trump. Même problème pour le réseau de communications par satellite Starlink du milliardaire Elon Musk, devenu le plus proche conseiller du président américain.
“La défiance envers les Etats-Unis a provoqué un mouvement de rejet pour les achats d’armes aux Etats-Unis . Cela dépend des pays. Mais les Danois ne reviendront pas et l’Allemagne a basculé, ce qui est énorme”, a confié le diplomate européen. Friedrich Merz plaide pour que les commandes d’équipements de défense destinées à réarmer l’Allemagne soient « attribuées dans la mesure du possible à des fabricants européens ». La France demande que l’argent européen serve à financer des productions européennes. “La vente d’armes issues des industries européennes pour les armées européennes, c’est le grand combat pour 2025”, prédit le ministre de la Défense français Sébastien Lecornu.
Faux débat répond la Commission. “Bien que certaines entreprises de défense de l'UE soient compétitives au niveau mondial, la base industrielle de défense de l'UE dans son ensemble présente des faiblesses structurelles. Actuellement, l'industrie de la défense européenne n'est pas en mesure de produire les systèmes et équipements de défense dans les quantités et à la vitesse dont les États membres ont besoin. Elle reste fragmentée avec des acteurs nationaux dominants desservant de petits marchés nationaux. Dans certains cas, elle dépend trop des exportations, en partie parce qu'elle ne peut pas tirer parti d'un marché unique pour la défense”, expliquent les auteurs du Livre Blanc.
Les relations entre la France et la Commission sont loin d'être au beau fixe dans le domaine régalien de la Défense pour lequel l’équipe dirigée par Ursula von der Leyen n’a aucune compétence. Paris reproche à la Commission de ne pas soutenir la préférence européenne pour ménager les Etats-Unis. Jusqu'à présent, les Français étaient marginalisés sur cette question, mais le vent venu de l’autre côté de l’Atlantique à tourné. Ursula von der Leyen et le secrétaire général de l’Otan, le Néerlandais Mark Rutte, peinent à convaincre.
“Les États-Unis exigent que l'Europe prenne plus de responsabilités pour sa propre défense et soutiennent les efforts de l'UE à cet égard. Ces efforts devraient continuer à se construire sur une chaîne d'approvisionnement transatlantique étendue et mutuellement bénéfique. Le dialogue bilatéral sur la sécurité et la défense peut être renforcé pour renforcer davantage la coopération dans des domaines tels que le cyber, la sécurité maritime et l'espace, et traiter toute autre question d'intérêt commun”, soutient Ursula von der Leyen dans son Livre Blanc. “Sans ambition, sans vision, sans mesures claires et fortes”. Ce jugement lapidaire sur le document émane de l’eurodéputée française Nathalie Loiseau, coordinatrice du groupe Renew pour la commission sécurité et défense, après la lecture d’une version de travail.
Il n'est pas question de rompre tous les ponts avec les Etats-Unis. Aucun membre de l'UE ne peut se le permettre. “La France va devoir acheter des catapultes électromagnétiques chez l’Américain General Atomics pour son nouveau porte-avion, car aucun industriel français ne sait concevoir cet élément essentiel”, souligne Jean-Dominique Merchet dans l’Opinion. “ La 'préférence européenne' ne permettra pas au Vieux Continent de s’affranchir de la domination aéronautique américaine”, soutient le journaliste spécialiste des questions militaires. L’image la plus communément utilisée par les diplomates européens est “couper le cordon ombilical” avec les Etats-Unis sans casser l’Otan. Première économie de l’UE, L’Allemagne est le pays le plus dépendant, mais la Pologne et l’Italie sont très rétifs à l’idée de se brouiller avec Washington. Le mandat confié à Mark Rutte est de conserver à tout prix les Etats-Unis à bord de l’Otan.
“Une nouvelle Europe est en train de naître. L'Union à 27 pays n'est tout simplement pas en mesure de prendre des décisions avec la rapidité et l'ambition nécessaires pour faire face à la situation géopolitique et sécuritaire dramatique et elle compte désormais des chevaux de Troie comme le Hongrois Viktor Orbán et le nationaliste populiste Robert Fico, Premier ministre slovaque, qui œuvrent manifestement pour le compte de la Russie de Poutine et des États-Unis de Trump”, écrit la politologue italienne Nathalie Tocci, directrice du centre de refexion Istituto Affari Internazionali, dans une tribune publiée dans The Guardian. Cette nouvelle Europe est une “coalition de volontaires, unis par un sentiment commun de menace, d’urgence et d’objectif, mais qui ne peut pas avoir une seule figure dirigeante”, soutient Tocci. Elle est coordonnée par des dirigeants tels que Macron, Starmer, le futur chancelier allemand Friedrich Merz et le Polonais Donald Tusk. “Ils partagent la même perception des menaces et la même volonté d'y faire face”, explique la politologue.
Cette nouvelle Europe commencé à s'affirmer au lendemain du sommet extraordinaire consacré à la Défense organisé le 6 mars à Bruxelles. “L’Europe à géométrie variable” ou “la petite Europe”, selon la formule conceptualisée par l’ancien président de la Commission Jacques Delors, s’impose pour la Défense. Tout le monde ne peut ou ne veut pas en être , mais l’avant-garde n’est pas exclusive. Le nouveau chancelier Friedrich Merz est un partisan des “cercles concentriques” pour l’Europe. Il a évoqué hier une “nouvelle communauté européenne de défense” ouverte à des pays “non membres de l’Union européenne”, comme le Royaume-Uni et la Norvège.
Cette nouvelle Europe permet d’écarter les chevaux de Troie et de ne pas impliquer les pays neutres. L’Union européenne a toujours su se montrer inventive lorsqu'elle est confrontée à une crise. La Commission européenne n'est pas exclue du noyau dur de l’Europe de la Défense, car elle doit jouer “un rôle de soutien”, souligne Nathalie Tocci. La présidente Ursula von der Leyen devra toutefois ranger son égo et accepter de n'être qu’un second rôle.
La citation
“Le recours à la dette commune est la seule solution. Pour mettre en œuvre de nombreuses propositions du rapport, l'Europe devra donc agir comme si elle était un seul État”.
Mario Draghi.
Ukraine
Entretien Poutine et Trump, Moscou accepte un cessez-le-feu limité et pose des conditions - L’entretien téléphonique a duré deux heures. Poutine a fait attendre Trump car il était engagé dans une causerie avec ses oligarques et n’a pas souhaité l'interrompre lorsque l'heure de son rendez-vous a sonné. Mais Trump a obtenu des engagements du président russe, notamment sur la conclusion d’une paix durable. “Les dirigeants ont convenu que le mouvement vers la paix commencera par un cessez-le-feu dans le domaine de l'énergie et des infrastructures, ainsi que par des négociations techniques sur la mise en œuvre d'un cessez-le-feu maritime en mer Noire, d'un cessez-le-feu total et d'une paix permanente. Ces négociations débuteront immédiatement au Moyen-Orient”, a expliqué la porte-parole de la Maison Blanche Karoline Leavitt .Le son de cloche depuis Moscou est différent. Vladimir Poutine a ordonné à l'armée russe de s'abstenir de frapper les infrastructures énergétiques ukrainiennes pendant 30 jours, mais le président russe n'a pas accepté la proposition de Trump d'un cessez-le-feu inconditionnel en insistant sur les "problèmes importants" quant à la manière dont il serait appliqué. Selon le compte rendu du Kremlin, Poutine a demandé l’arrêt des fournitures d’armes étrangères et des renseignements à l’Ukraine et d’empêcher la mobilisation des Ukrainiens. L’Ukraine a pour sa part accepté un cessez-le-feu pendant 30 jours sans aucune précondition, a rappelé la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen lors de son déplacement à Copenhague.
L'UE rejette les conditions de Poutine - Le Conseil européen de demain est consacré à la compétitivité, mais l'appel téléphonique entre Donald Trump et Vladimir Poutine risque de révolutionner l'ordre du jour des priorités fixées par Antonio Costa. Les dirigeants européens devraient, en tout cas, rejeter les conditions posées par le leader russe pour un cessez-le-feu et un accord de paix. Une en particulier : la demande d'interrompre les fournitures militaires et l'aide au renseignement à l'Ukraine. “Si l'on regarde les principes que l'Union européenne a définis comme indispensables pour garantir une paix durable, l'un d'eux est la sécurité des garanties et le premier pilier est de renforcer militairement l'Ukraine”, nous a expliqué un haut fonctionnaire de l'UE. “Cela ne semble pas compatible avec la demande de la Russie d'interrompre le soutien fourni par les États membres et par l'Union sur le plan militaire”.
Trump et Poutine ont aussi parlé affaires - L’entretien a également porté sur “la nécessité d'améliorer les relations bilatérales entre les Etats-Unis et la Russie”. Les sanctions économiques et les gels des avoirs de la banque de Russie imposés à la Russie par les sept pays les plus industrialisés –Etats-Unis, Japon, Canada, Allemagne, France, Royaume Uni et Italie– pèsent sur l’économie russe. “Un avenir marqué par une amélioration des relations bilatérales entre les États-Unis et la Russie offrirait d'énormes avantages, notamment des accords économiques majeurs et une stabilité géopolitique une fois la paix rétablie”, a souligné le compte-rendu américain de l’entretien.
Sommet
Orban prépare un autre veto sur l'Ukraine au Conseil européen – Antonio Costa doit faire face à la paralysie de l'institution qu'il préside sur l'Ukraine en raison des vetos de Viktor Orban. Après une déclaration de 26 États membres au Conseil européen informel du début du mois sur la stratégie de soutien à l'Ukraine, le sommet qui s'ouvrira demain à Bruxelles risque de nouveau de s'enliser, cette fois sur le processus d'adhésion de Kyiv. Le ministre hongrois des Affaires européennes, Janos Boka, a annoncé hier qu'Orban ne pouvait pas soutenir le projet de conclusions du Conseil européen sur l'Ukraine, car il demande d'accélérer l'entrée dans l'UE. D'autres points du projet vont à l'encontre des intérêts nationaux de la Hongrie, a ajouté Boka. Antonio Costa et les autres dirigeants ont l'intention d'ignorer le veto d'Orban sur l'Ukraine, comme ils l'avaient fait lors du sommet du 6 février. "Nous avancerons à vingt-six", nous a dit un haut fonctionnaire de l'UE.
Réarmement
Le grand bond de l’Allemagne - Le Bundestag a voté en faveur d'une réforme du “frein à l'endettement” défendue par le futur chancelier Friedrich Merz pour réarmer l’Allemagne et a ainsi ouvert la voie à un projet de loi de “dépenses historique” pour 500 milliards d’euros. 513 députés ont voté en faveur des amendements et 207 ont voté contre. Une majorité des deux tiers (489 voix) était requise pour la réforme prévue. Le projet de loi est désormais soumis à la chambre haute du Parlement, le Bundesrat, où un vote est prévu vendredi. La levée du frein à l’endettement permet au gouvernement de financer par l’emprunt les dépenses fédérales en matière de défense civile et de protection civile, de services de renseignement, de protection des systèmes informatiques et d'aide aux pays attaqués en violation du droit international. La mesure couvre donc l’aide militaire à l’Ukraine, fixée à 4 milliards d’euros pour 2025. “Les décisions du Bundestag sont historiques. Nous brisons les chaînes qui nous ont jusqu’à présent empêchés de consacrer suffisamment de fonds à notre défense. De cette façon, l’Allemagne peut assumer ses responsabilités”, s’est félicité le chancelier Olaf Scholz . "Cela envoie un message très clair à l'Europe : l'Allemagne est déterminée à investir massivement dans la défense", a déclaré la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen lors d'une conférence de presse conjointe avec la Première ministre danoise Mette Frederiksen à Copenhague. “En tant que pays voisin, c'est une nouvelle fantastique car nous avons besoin d'une Europe forte”, a commenté Frederiksen.
Merz bouscule l’Europe - “Pendant des décennies, nous avons vécu avec un faux sentiment de sécurité. Une refonte complète de la défense allemande est nécessaire”,a plaidé hier le futur chancelier allemand avant le vote historique sur la réforme du frein à la dette. “La décision d’aujourd’hui sur l’état de préparation de la défense est la première étape majeure vers une nouvelle communauté européenne de défense, incluant les États non membres de l’UE”, a annoncé Friedrich Merz . Le futur chancelier a reçu dans la soirée le président français Emmanuel Macron.
Le Livre blanc sur la défense européenne de Draghi - La Commission d'Ursula von der Leyen présentera aujourd'hui le très attendu Livre blanc sur la Défense européenne. Malgré les demandes d'ambition des États membres et du Parlement européen, le projet de document circulé la semaine dernière a été jugé décevant par des experts et des observateurs. "Il manque de vision européenne et pour l'avenir", nous a dit un diplomate. Face à un chœur de critiques pour son manque d'ambition, lors d'un discours à l'Académie militaire royale danoise de Copenhague, hier, von der Leyen a annoncé une série de nouveaux projets qui pourraient étoffer son Livre blanc. Loin de Bruxelles et de Copenhague, l'ancien président du Conseil italien, Mario Draghi, a esquissé hier en quelques mots un projet beaucoup plus ambitieux que celui que von der Leyen est prête à soutenir. Une seule phrase suffit, qui préfigure une nouvelle Communauté européenne de défense ou un pilier européen autonome de l'OTAN. "Il faut définir une chaîne de commandement de niveau supérieur qui coordonne des armées hétérogènes par la langue, les méthodes, les armements et qui soit capable de se détacher des priorités nationales en opérant comme un système de défense continentale", a déclaré Draghi dans un discours au Sénat italien. Les détails du Livre blanc esquissé par Draghi sont encore plus intéressants.
Le Livre blanc de Draghi sur l'industrie de la défense - Du point de vue industriel, l'UE devrait "favoriser les synergies industrielles européennes en concentrant les développements sur des plateformes militaires communes (avions, navires, véhicules terrestres, satellites) qui permettent l’interopérabilité et réduisent la dispersion et les chevauchements actuels dans les productions des États membres", a expliqué Draghi. Si la Commission d'Ursula von der Leyen se propose de coordonner les achats conjoints, Draghi veut aller plus loin. "Il faudrait que l’actuel financement européen pour la défense – environ 110 milliards d'euros en 2023 – soit concentré sur quelques plateformes avancées plutôt que sur de nombreuses plateformes nationales, aucune d'entre elles n'étant vraiment compétitive car essentiellement dédiée aux marchés domestiques. L'effet de la fragmentation est délétère", a rappelé Draghi : "Face à des investissements globaux élevés, les pays européens finissent par acheter une grande partie des plateformes militaires aux États-Unis".
Le Livre blanc de Draghi sur la technologie militaire - Selon Mario Draghi, l'évolution rapide de la technologie bouleverse le concept de défense et de guerre. "Si nous considérons, par exemple, les drones, une estimation des forces armées ukrainiennes révèle que depuis le début du conflit, environ 65 % des cibles touchées l'ont été par des aéronefs sans pilote. Non seulement les drones, mais aussi l'intelligence artificielle, les données, la guerre électronique, l'espace et les satellites, la cyberguerre silencieuse ont pris une importance cruciale sur et en dehors des champs de bataille", a expliqué Draghi. En d'autres termes, "la défense aujourd'hui n'est plus seulement un armement mais aussi une technologie numérique". Selon Draghi, "il faut se doter d'une stratégie continentale unifiée pour le cloud, le supercalcul et l'intelligence artificielle, la cybersécurité. Ce développement ne peut se faire qu'à l'échelle européenne". Il y a aussi des implications pour la définition des dépenses de défense. "Notre évaluation de l'investissement en défense, actuellement basée sur le calcul des seules dépenses militaires, devra être modifiée pour inclure les investissements dans le numérique, l'espace et la cybersécurité qui deviennent nécessaires à la défense de l'avenir", a déclaré Draghi. Pour ces raisons, il est nécessaire de "commencer un parcours qui nous amènera à dépasser les modèles nationaux et à penser au niveau continental". Ce qui est en jeu, ce n'est pas seulement la sécurité, "mais aussi la présence de l'Europe parmi les grandes puissances".
Von der Leyen lance "Readiness 2030" avec une réserve stratégique de l'UE - Dans son discours à Copenhague, Ursula von der Leyen a présenté un nouveau projet, qui devrait servir de cadre à son plan "ReArm Europe" et à l'instrument Sure de 150 milliards d'euros de prêts. Il s'appellera "Readiness 2030". Cela signifie "avoir réarmé et développé les capacités pour avoir une dissuasion crédible", "avoir une base industrielle de défense qui soit un avantage stratégique" et être "prêts d'ici 2030", a expliqué von der Leyen. Il y aura quatre piliers : le plan ReArm Europe, les investissements dans la mobilité et les capacités militaires d'intérêt européen via des appels d'offres collaboratifs, les aides à l'Ukraine et la coopération industrielle avec Kyiv, et le renforcement de la base industrielle européenne. "Nous devons acheter plus européen", a déclaré von der Leyen. "Pour rendre tout cela possible, nous établirons un Mécanisme européen de vente militaire. Les États membres doivent pouvoir compter pleinement sur les chaînes d'approvisionnement de la défense européenne, surtout en temps de besoin urgent". Le Mécanisme européen devrait servir de réserve stratégique d'armes, à laquelle les gouvernements peuvent puiser en cas de besoin. Plusieurs diplomates s'interrogent sur cette dernière proposition, car elle ne relève pas des compétences de la Commission.
Von der Leyen veut s'approprier les fournitures d'aide militaire à l'Ukraine - Une autre annonce de la présidente de la Commission qui risque de rencontrer des résistances et de soulever des doutes sur les compétences est l'intention de lancer une "Task force conjointe" avec l'Ukraine qui devrait coordonner les fournitures d'armes de l'UE et des États membres à Kyiv. Plusieurs sources nous ont dit que la proposition n'a pas été discutée avec les gouvernements nationaux. Actuellement, ce rôle est joué par le Service européen pour l'action extérieure et les gouvernements dans le cadre de la Facilité européenne pour la paix via une cellule "clearing house" gérée par l'État-major de l'UE. Le plan de Kaja Kallas pour fournir jusqu'à 40 milliards d'euros d'aide militaire cette année inclut la possibilité de créer un groupe de travail ad hoc. Von der Leyen veut-elle s'approprier d'autres pouvoirs du Haut représentant ?
Géopolitique
Dix États membres pour sauver Radio Free Europe - Lors du Conseil des Affaires générales d'hier, la République tchèque a lancé une initiative pour sauver Radio Free Europe/Radio Liberty après la décision de l'administration Trump de couper immédiatement les financements. La déclaration conjointe a été signée par neuf autres États membres : Autriche, Belgique, Estonie, Allemagne, Lettonie, Lituanie, Slovénie, Pays-Bas et Suède. "Nous déclarons notre volonté de travailler ensemble pour trouver et assurer des ressources financières appropriées qui permettront à Radio Free Europe/Radio Liberty de poursuivre sa mission importante", indique le document. "Des financements européens assureraient la stabilité de cette institution médiatique clé et permettraient de poursuivre son travail journalistique fondamental et indépendant". Le coût est relativement faible. Radio Free Europe a un budget annuel de moins de 150 millions de dollars. Mais la Commission n'a pris aucun engagement. Et une série de grands et petits pays ne semblent pas intéressés à participer à la collecte.
Costa condamne les attaques israéliennes à Gaza, von der Leyen reste silencieuse - Le président du Conseil européen, Antonio Costa, et celle de la Commission, Ursula von der Leyen, ont pris l'habitude de publier des messages sur les réseaux sociaux ensemble sur l'administration Trump et l'Ukraine. Mais, quand il s'agit des Palestiniens, l'esprit d'équipe fonctionne moins bien. Hier, Costa a vivement critiqué Israël pour les bombardements contre Gaza de lundi. "Je suis choqué et attristé par les nouvelles en provenance de Gaza et par les nombreuses victimes civiles causées par les frappes aériennes israéliennes", a écrit Costa sur les réseaux sociaux. "La violence doit cesser et les termes de l'accord de cessez-le-feu doivent être respectés. Tous les otages et détenus doivent être libérés et l'aide humanitaire doit reprendre immédiatement", a expliqué Costa. Le message n'a été publié que par le président du Conseil européen. Von der Leyen n'a exprimé aucune critique à l'égard d'Israël.
Guerre commerciale
Droits de douane contre la déviation de l'acier chinois des États-Unis vers l'UE – La Commission est prête à imposer des droits de sauvegarde contre la Chine si les droits imposés par Donald Trump entraînent une déviation de l'acier destiné aux États-Unis vers l'Union européenne. En plus du problème de la surproduction chinoise, la "boîte à outils" pourrait être utilisée "si nous sommes confrontés à une déviation commerciale, c'est-à-dire si l'acier est redirigé vers l'UE", a déclaré hier le commissaire au Commerce, Maros Sefcovic. Les détails de la proposition de la Commission devraient être contenus dans la stratégie sur l'avenir de l'acier qui sera présentée aujourd'hui par le vice-président, Stéphane Séjourné.
État de droit
Orban interdit la gay pride, la Commission met la tête sous le sable – "Ce sont des propositions, nous ne commentons pas les propositions et nous ne pouvons entreprendre aucune action contre la Hongrie à ce stade", a déclaré hier une porte-parole de la Commission, répondant aux questions des journalistes sur l'amendement proposé par le gouvernement de Viktor Orban au Parlement pour interdire la gay pride. Le Parlement a approuvé la mesure quelques minutes plus tard. Le gouvernement hongrois veut également utiliser les systèmes de reconnaissance faciale et d'intelligence artificielle pour identifier d'éventuels participants à une gay pride. "Nous devons d'abord étudier la proposition en détail", a déclaré la porte-parole de la Commission. "Ce que je peux dire en général, c'est que la liberté d'organiser toute manifestation relève de la compétence des États membres, mais elle doit être conforme à la Charte des droits fondamentaux, à la liberté d'expression et à la liberté de manifester", a-t-elle ajouté.
Le PPE vote avec l'extrême droite contre l'organisme éthique de l'UE – La commission Contrôle budgétaire du Parlement européen n'a pas réussi hier à adopter la résolution traditionnelle qui accompagne la "décharge" du budget de l'institution. La raison ? Grâce à une alliance entre le PPE et les groupes de la droite souverainiste et de l'extrême droite, un amendement contre l'organisme éthique de l'UE, qui devrait établir des normes éthiques communes et accroître la transparence dans toutes les institutions, a été approuvé. Les socialistes, les Verts, les libéraux et la gauche ont réagi en rejetant la résolution politique sur la décharge du budget du Parlement européen. Ce n'est pas la première fois que le PPE s'associe à l'extrême droite contre l'organisme éthique.
Vroum vroum
Moins de victimes sur la route en 2024, mais encore trop - La Commission a publié hier les données préliminaires sur les victimes de la route en 2024. Environ 19 800 personnes ont été tuées dans des accidents de la route dans l'UE l'année dernière. Par rapport à 2023, la baisse n'est que de 3 %. Selon la Commission, "le rythme global d'amélioration reste trop lent et la plupart des États membres ne sont pas sur la bonne voie pour atteindre l'objectif de l'UE de réduire de moitié les victimes de la route d'ici 2030". Les progrès restent inégaux. Au cours des cinq dernières années, la Grèce, l'Espagne, la France et l'Italie n'ont enregistré qu'une modeste baisse des victimes de la route, tandis que l'Irlande et l'Estonie ont enregistré une augmentation (les fluctuations annuelles dans les pays plus petits tendent à être plus prononcées). La Bulgarie, le Danemark, la Lituanie, la Pologne et la Slovénie font de grands progrès vers l'objectif de réduction de 50 %. Mais la Bulgarie reste le deuxième plus mauvais élève avec 74 morts pour un million d'habitants, après la Roumanie avec 77 décès pour un million d'habitants. La Suède et le Danemark restent les pays les plus sûrs sur les routes, avec de faibles taux de mortalité de 20 et 24 décès pour un million d'habitants respectivement. La moyenne de l'UE est de 44 victimes de la route pour un million d'habitants.
Cela se passe aujourd'hui
Sommet tripartite avec les partenaires sociaux avec Antonio Costa et Ursula von der Leyen
Conseil européen : Antonio Costa et Ursula von der Leyen rencontrent le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres
Commission : conférence de presse de la Haute Représentante Kallas et du commissaire Kubilius sur le Livre Blanc sur l'Avenir de la Défense Européenne
Commission : conférence de presse de la commissaire Albuquerque sur l'Union des économies et des investissements
Commission : conférence de presse du vice-président Séjourné sur le plan d'action sur l'acier et les métaux
Service européen pour l'action extérieure : la Haute Représentante Kallas participe à la Conférence sur les ingérences étrangères
Parlement européen : audition à la sous-commission des droits de l'homme et à la commission juridique de la présidente de la Cour pénale internationale, Tomoko Akane
Parlement européen : le chef du parquet européen, Laura Kosevi, présente le rapport annuel 2024 à la commission du contrôle budgétaire
Parlement européen : audition à la commission de l'agriculture du commissaire Hansen
Parlement européen : audition à la commission des libertés publiques du commissaire Brunner
Parlement européen : audition à la commission du budget du commissaire Serafin
Parlement européen : audition à la commission des affaires économiques des commissaires Séjourné et Albuquerque
Commission : le commissaire Hoekstra participe à l'événement du Pacte européen pour le climat
Conseil : réunion du Coreper I
Cour des comptes de l'UE : rapport spécial sur le Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS), créé en 2015 pour répondre au manque d'investissements dans l'UE
Eurostat : données sur l'inflation en février ; indice du coût du travail au quatrième trimestre