L’Union européenne en mode sauve qui peut
Bonjour! Je suis Christian Spillmann et avec David Carretta et Idafe Martín Pérez nous vous proposons La Matinale Européenne, un instrument pour offrir une analyse, un contexte et une perspective à ceux qui s'intéressent à l'UE.
N'oubliez pas de soutenir la Matinale en souscrivant à un abonnement payant.
L’Union européenne en mode sauve qui peut
Champagne pour Viktor Orban et ceux qui vont se rallier aujourd’hui à lui à Budapest pour fêter le retour de Donald Trump à la Maison Blanche. Potion amère pour les autres face au spectacle d’une l’Union européenne en passe de se briser faute de dirigeants capables de les fédérer. Le grand sauve qui peut a commencé. Trump a annoncé ses intentions et chacun cherche à éviter sa vengeance et la fermeture du parapluie de l’Otan .
Le premier ministre hongrois a été le premier à réagir à la victoire de Trump. Il l’a fait sur X, le réseau d’Elon Musk. Le ton est dithyrambique. “Le plus grand retour de l'histoire politique américaine ! Félicitations au président Donald Trump pour son énorme victoire. Une victoire bien nécessaire pour le monde !” Le ton est donné. Le retour de Donald Trump est une victoire pour Viktor Orban. Le Premier ministre hongrois va devenir le dirigeant européen qui chuchote à l’oreille du président américain. Malheur pour ses ennemis. Il suffit de lire ses messages sur X pour comprendre que la présidente de la Commission européenne, l’Allemande Ursula von der Leyen, va vivre un second mandat difficile.
Orban accueille à Budapest les dirigeants de l’UE et des pays membres de la Communauté politique européenne pour la 5e session de cette instance paneuropéenne. Les 27 de l’UE, du moins les présents, se réuniront ensuite pour un dîner de travail consacré aux relations transatlantiques et à la situation en Géorgie, deux thèmes sur lesquels Viktor Orban a des positions tranchées et opposées à celles de la majorité de ses invités. Les échanges s’annoncent tendus, mais le dîner sera surtout l’occasion pour Viktor Orban de compter ses alliés.
Emmanuel Macron tente de reprendre la main. Il a annoncé avoir “échangé” avec le chancelier Olaf Scholz et veut “œuvrer pour une Europe plus unie, plus forte, plus souveraine dans ce nouveau contexte”. Scholz a appelé l’UE à la vigilance et à agir de manière unie.
Mais qui croit encore dans le binôme franco-allemand ? Les deux dirigeants sont des ”canards boiteux”. La coalition dirigée par Scholz est au bord du précipice et le président français est l’ombre de lui même, contraint à une “cohabitation” avec un premier ministre de droite, Michel Barnier, dont la survie politique dépend du Rassemblement National, le parti d'extrême droite dirigé par Marine le Pen, membre des Patriotes, le groupe constitué par Orban au Parlement européen.
Pourquoi Macron ignore-t-il Donald Tusk ? Le Premier ministre polonais a été le premier à appeler à un nouveau sursaut . “L’ère de la sous-traitance géopolitique est terminée”, a-t-il affirmé avant même l’ouverture du scrutin aux Etats-Unis. La Pologne va présider les Conseils de l’UE pendant six mois en janvier 2025, au moment de l’investiture de Donald Trump. L’appel à l’émancipation de l’UE n’est pas neuf. Il a été le mantra des Européens dès le premier mandat de Donald Trump en 2016. A l’époque, l’UE formait un bloc. Huit années ont passées. “L’autonomie stratégique européenne, ça vous parle ?”, demande l’ancien commissaire français Thierry Breton.
Deux rapports préparés par deux anciens premier ministre italiens , Enrico Letta et Mario Draghi, ont été remis aux dirigeants européens. Draghi a mis en garde les membres de l’UE contre le risque d’une “lente agonie”. L’ancien président de la Banque Centrale Européenne sera à Budapest pour défendre son rapport et surtout éviter qu’il ne termine dans un tiroir. Le dirigeant qui a sauvé l’Europe lors de la crise de la dette aurait pu être à la barre du navire Europa si les dirigeants européens avaient eu un peu de courage.
Depuis l’annonce de la victoire de Donald Trump, les appels se multiplient pour presser les dirigeants européens à serrer les rangs. Ils savent à quoi s’attendre avec le retour de Donald Trump à la Maison Blanche avec quasiment tous les pouvoirs: un retrait possible des Etats-Unis de l’Otan et la fin de l’engagement américain à assurer la sécurité du continent ; une guerre commerciale avec des représailles préjudiciable, l’imposition unilatérale d’un cessez-le-feu et d’un accord de paix entre la Russie et l’Ukraine en opposition aux intérêts de Kiev et de Bruxelles et l’influence de Trump sur l’extrême droite de l’UE, rappelle l’analyste Mujtaba Rahman, responsable du pôle Europe du groupe Eurasia.
Mais le bloc n’est plus soudé comme en 2016. Orban a oeuvré. Ses amis politiques sont dans les coalitions au pouvoir en Italie et aux Pays-Bas. Ils constituent la 3e force au parlement européen. Ils sont en mesure de peser sur les décisions de l’UE. Ils sont pro-russes, ont voté contre la poursuite du soutien militaire et financier à l’Ukraine et défendent l’ouverture de négociations avec Moscou pour mettre un terme au conflit dans la droite ligne des positions de Donald Trump.
L'élection de Donald Trump est “un tremblement de terre pour l’Europe. Ukraine, sécurité européenne, commerce.. Tout est remis en cause. On va appeler au sursaut. Je doute qu’il viendra”, estime l’ancien ambassadeur de France aux Etats-Unis Gérard Araud devenu un chroniqueur acerbe des vicissitudes européennes. “Attendez-vous à ce que les Européens se précipitent en ordre dispersé à Mar-A-Lago (la résidence de Trump en Floride) pour demander un traitement privilégié par rapport à leurs voisins”, prédit-il. Un commentaire déjà entendu à Bruxelles par l’équipe de la Matinale européenne.
Le sauve qui peut a commencé. Le nouveau secrétaire général de l’Otan, le Néerlandais Mark Rutte, tente de préserver l’Alliance. Il a été nommé pour cela car on lui prête l’écoute de Donald Trump. Les mots de son message de félicitations sont flatteurs. “ Son leadership sera une fois de plus essentiel pour maintenir la force de notre Alliance. J'ai hâte de travailler à nouveau avec lui pour faire progresser la paix par la force à travers l’Otan”. Le ton de Mme von der Leyen - "Je félicite chaleureusement Donald Trump" - révèle quelle sera la tactique de la Commission : tenter de limiter les dégâts en concluant des accords avec M. Trump pour éviter les guerres commerciales. "Des millions d'emplois et des milliards d'échanges et d'investissements des deux côtés de l'Atlantique dépendent du dynamisme et de la stabilité de nos relations économiques", a déclaré Mme von der Leyen. L'association des industriels allemands a immédiatement appelé l'UE à "faire preuve de flexibilité et d'ouverture à des compromis équilibrés" avec Trump.
En realité, chacun joue sa partition nationale. “L’Italie et les États-Unis sont des nations « sœurs », liées par une alliance inébranlable, des valeurs communes et une amitié historique”, écrit l’Italienne Giorgia Meloni. Avec Viktor Orban, Giorgia Meloni est l'autre vainqueur européen des élections américaines. Outre sa proximité idéologique avec Trump. La première ministre italienne a tissé des relations étroites avec Elon Musk et tout le monde politico-culturel lié à l'ancien et futur président. Dans le message de Meloni, comme dans ceux d'autres dirigeants, il n'y a aucune référence à l'Union européenne. Hier à l'aube, l’UE s’est diluée.
La citation
"Un catastrophe mondiale. L'élection de Donald Trump est un cauchemar pour la démocratie, les droits humains et pour l'Europe. C'est l'un de ces moments de bascule qui changent le cours de l'Histoire. Nous allons désormais nous retrouver seuls en Europe".
Raphael Glucksmann, deputé européen français.
Sommet
Trump, plat principal du dîner de ce soir à Budapest - Les chefs d'État et de gouvernement de l'Union européenne discuteront ce soir, lors d'un dîner, de la stratégie à adopter après l'élection de Donald Trump aux États-Unis, après le sommet de la Communauté politique européenne. Ce sera le plat principal. Les ambassadeurs des vingt-sept ont eu hier un premier débat. Selon un diplomate, l'atmosphère n'est pas négative. "L'UE et ses États membres sont très bien préparés. Aucune surprise", nous a déclaré le diplomate. "L'UE est une dame respectée dans ses soixante-dix ans et n'est plus la fragile sœur des États-Unis. Elle est adulte, vaccinée et résiliente, prospère et démocratique, prête à faire face aux défis du monde et à défendre ses valeurs." Cet optimisme est tempéré par d'autres récits que nous avons reçus. "Ce sera vraiment dur pour l'UE", nous a dit un diplomate d'un autre pays. L'autre plat du dîner des dirigeants concerne les élections législatives contestées en Géorgie, mais peu semblent avoir suffisamment d'appétit pour une discussion approfondie.
Champagne amer à Budapest - Viktor Orban a prévu de faire servir le champagne à ses “invités” pour le dîner de travail informel des chefs d’Etat et de gouvernements de l’UE ce soir à Budapest. Difficile de refuser, mais la coupe sera amère pour certains. D’autant que le Premier ministre hongrois entend faire valoir ses points de vues sur les relations UE-USA, la situation en Géorgie et le soutien à l’Ukraine. Or avec le retour de Donald Trump à la maison Blanche, il devient “le référent” européen du président américain, qui a son portable, et il se vante désormais à qui veut l’entendre d’être le numéro de téléphone de l’UE, a raconté à La Matinale européenne un de ses interlocuteurs. Malheur à ses ennemis, ajoute-t-il, toujours cité par son interlocuteur.
Orban veut “une nouvelle stratégie européenne pour l'Ukraine” - Le Premier ministre hongrois la juge “nécessaire” après la victoire de Donald Trump et son retour à la maison Blanche et il veut en discuter ce soir à Budapest lors du dîner du sommet informel dont il est l’hôte , a annoncé son porte-parole Zoltan Kovacs. Viktor Orban entend renouveler ses “inquiétudes quant à la capacité de l'Europe à poursuivre son soutien militaire et financier à l'Ukraine sans le soutien des États-Unis” et il veut une discussion sur “l'avenir du prêt de 50 milliards d' € accordé à l'Ukraine, initialement convenu par le G7 et cofinancé par l'UE et les États-Unis”. Orban veut également “faire évoluer l'approche de l'UE d'une stratégie de guerre vers une stratégie de paix”.
Zelensky loue l’approche de la paix par la force de Donald Trump - Le Président ukrainien a beaucoup à perdre du retour de Donald Trump à la Maison Blanche. Trump s’est engagé à mettre fin à la guerre menée par la Russie et s’est dit publiquement prêt à cesser le soutien militaire américain à Kiev pour parvenir à ce résultat. Volodymyr Zelensky l’a rencontré lors de son dernier déplacement aux Etats-Unis en septembre pour plaider sa cause et le lui rappelle dans son message de félicitations pour son “impressionnante victoire électorale”. Le président ukrainien salue l’engagement de Donald Trump en faveur de l'approche « la paix par la force » dans les affaires mondiales. “C'est exactement le principe qui peut concrètement rapprocher une paix juste en Ukraine. J'espère que nous le mettrons en œuvre ensemble”, lui dit-il en demandant. à la rencontrer pour “discuter des moyens de renforcer le partenariat stratégique entre l'Ukraine et les États-Unis”.
Les douze points de la déclaration de Budapest - Les ambassadeurs des vingt-sept États membres ont donné hier leur feu vert à la version finale de la déclaration de Budapest, qui devrait être approuvée demain par les chefs d'État et de gouvernement pour lancer un "Nouveau Pacte Européen pour la Compétitivité", après avoir discuté avec Mario Draghi de son rapport et de ses recommandations. La dernière version de la déclaration contient douze lignes d'action : intensifier les efforts pour assurer le plein fonctionnement du marché intérieur ; faire des avancées décisives vers l'Union des économies et des investissements ; garantir le renouveau industriel et la décarbonisation ; lancer une révolution de simplification ; accroître la préparation et les capacités de défense ; mettre l'Europe à l'avant-garde de la recherche et de l'innovation ; poursuivre l'objectif double de la souveraineté énergétique et de la neutralité climatique ; construire une économie circulaire ; renforcer les capacités technologiques ; investir dans les compétences et les talents ; mener une politique commerciale ambitieuse et durable ; assurer un secteur agricole compétitif et résilient. Quelques modifications peuvent encore être possibles. Mais le texte semble consolidé.
Michel sauve une phrase sur les instruments de financement - Mario Draghi a recommandé de créer de nouveaux instruments d'emprunt commun de l'UE pour financer une partie des 800 milliards d'euros d'investissements nécessaires pour suivre le rythme des États-Unis et de la Chine. Dans le projet de déclaration de Budapest, il n'y a rien de semblable. Les dirigeants reconnaissent qu'il faudra des investissements significatifs à financer à la fois par des ressources publiques et privées. Mais les instruments sont ceux traditionnels : le budget de l'UE et la Banque européenne d'investissement. Le président du Conseil européen, Charles Michel, a réussi à préserver une phrase à laquelle les frugaux s'opposaient, car cela ouvre la porte à la dettes communes : "Nous explorerons le développement de nouveaux instruments (de financement)". Même sur la défense, il y a une petite ouverture. Les dirigeants demanderont au Haut représentant et à la Commission de "présenter sans délai des options développées pour des financements publics et privés". Malgré le langage ambigu, la partie sur le financement risque de devenir la plus controversée à Budapest. "La discussion sera sur le financement, le financement et le financement", nous a dit un diplomate. "L'avenir de la politique de cohésion, les nouveaux instruments, le capital-investissement, les ressources propres sont toutes des questions ouvertes pour les mois à venir." Ou du moins jusqu'à ce que la Commission d'Ursula von der Leyen présente la proposition pour le budget 2028-34 de l'UE.
Allemagne
La coalition Scholz implose, l'Allemagne vers des élections anticipées - La coalition "feu tricolore" dirigée par le chancelier Olaf Scholz a implosé hier soir en raison de divergences internes sur la politique fiscale et économique, poussant l'Allemagne vers des élections anticipées entre mars et avril 2025. Scholz a licencié son ministre des Finances, le leader des libéraux de la FDP Christian Lindner, après que ce dernier ait proposé des élections anticipées au début de 2025 pour mettre fin à la crise provoquée par les conflits continus entre sociaux-démocrates, verts et libéraux. Scholz a également annoncé qu'il demanderait un vote de confiance au Bundestag le 15 janvier. Au cours de la journée, le Frankfurter Allgemeine Zeitung avait révélé que le président Frank Walter Steinmeier avait engagé des discussions séparées avec les partis de la coalition et avec la CDU-CSU dirigée par Friedrich Merz pour comprendre quoi faire en cas d'effondrement du gouvernement. La tentative de Scholz de trouver un compromis sur le budget et la politique économique avec Lindner et le ministre de l'Économie Robert Habeck des Verts a échoué. La grande question maintenant est de savoir si le chancelier parviendra à obtenir les voix nécessaires pour faire adopter la loi de finances pour 2025. Si Scholz perd le vote de confiance, Steinmeier aura la possibilité de dissoudre le Bundestag et de convoquer des élections anticipées.
Irlande
Harris va à des élections anticipées le 29 novembre - L'Irlande ira aux élections anticipées le 29 novembre, a annoncé hier le chef du gouvernement Simon Harris, mettant ainsi fin à un mois de spéculations sur la date des élections. Le Taoiseach (Premier ministre) demandera vendredi au président Michael Higgins de dissoudre le Dail (Parlement) à son retour du sommet de l'UE à Budapest. Harris souhaite capitaliser sur l'effondrement dans les sondages du Sinn Féin après les dernières élections locales et européennes et sur son taux d'approbation de 55 pour cent. Il y a un an, le Sinn Féin semblait destiné à devenir le premier parti en Irlande. Depuis lors, il a subi une grave crise interne.
Commission von der Leyen II
Roswall et Lahbib prises en otages, mais libérées presque immédiatement - Le troisième jour des auditions des candidats commissaires au Parlement européen a été marqué par ce que plusieurs de nos sources ont qualifié de "prise d'otage". Le groupe PPE a refusé hier pendant plusieurs heures de donner son feu vert à la libérale belge Hadja Lahbib, désignée pour les Aides humanitaires, après que la confirmation de la Suédoise populaire Jessika Roswall, indiquée pour l'Environnement, ait été bloquée par les doutes des groupes de gauche sur ses compétences dans le domaine suite à son audition mardi. La prise d'otage des deux candidates commissaires a duré jusqu'à cinq heures de l'après-midi. La question est montée jusqu'aux sommets des groupes politiques, qui ont donné des instructions de voter en faveur. Le pacte de non-agression entre le PPE et les socialistes tient bon, même grâce à une manœuvre de chantage des populaires. La portugaise du PPE Maria Luís Albuquerque, désignée pour les Affaires financières, a été confirmée sans problème, tout comme le chypriote Costa Kadis, candidat à la pêche.
Cela se passe aujourd'hui
Sommet de la Communauté politique européenne à Budapest
Dîner informel des chefs d'État et de gouvernement de l'UE à Budapest
Parlement européen : auditions des candidats commissaires Wopke Hoekstra, Marta Kos, Piotr Serafin et Valdis Dombrovskis
Commission : les commissaires Vestager, Schmit et Reynders participent à la table ronde "État de l'Europe"
Commission : la vice-présidente Jourova à Strasbourg intervient au Forum mondial pour la démocratie
Commission : la commissaire Dalli à Rome intervient à la conférence sur le rôle du sport dans la lutte contre la discrimination et au Festival MedFilm
Cour de justice de l'UE : décision sur le recours contre l'État italien pour avoir réduit les indemnités aux proches d'une victime de féminicide parce que l'auteur du crime était insolvable
Cour de justice de l'UE : décision sur une demande de renvoi préjudiciel présentée par le Tribunal de Bologne concernant une femme d'origine congolaise accusée de facilitation de l'immigration qui affirme avoir fui le pays
Banque centrale européenne : discours du chef économiste Philip Lane à la Conférence "Dette publique : leçons du passé et défis futurs" organisée à Athènes par la Banque centrale grecque
Cour des comptes de l'UE : rapport sur le service civil de l'UE
Eurostat : prix de la production industrielle en septembre ; données sur le commerce de détail en septembre ; données sur le salaire moyen ajusté par travailleur salarié en 2023 ; données sur l'éducation primaire en 2022