Orban le “dictateur” menace la démocratie européenne
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Orban le “dictateur” menace la démocratie européenne
L'étoile de Viktor Orban palit. Le Premier ministre hongrois a un véritable opposant. Peter Magyar mobilise les foules et son parti ,Tisza, est passé en tête des intentions de vote. Le Fidesz est devancé par Tisza de 14 points (37 – 51%), selon le dernier sondage réalisé en avril. Orban saura-t-il concéder une défaite s’il est battu lors des élections générales début 2026 ? Rien n’est moins sûr. Donald Trump, son mentor, est prêt à violer la Constitution américaine pour un troisième mandat et bafoue l'État de droit. La campagne est lancée en Hongrie et les accusations proférées contre Magyar sont inquiétantes. L’UE va-t-elle se taire si Orban agit comme Loukachenko au Belarus ou Erdogan en Turquie pour s’accrocher au pouvoir ?
Un dirigeant européen dénonce les desseins de Viktor Orban: le Premier ministre polonais Donald Tusk. Les deux hommes ne s’aiment pas. Tusk a obtenu l'exclusion du Fidesz et de Orban du Parti Populaire Européen (PPE) en 2021 pendant sa présidence de la famille conservatrice. Orban s’est en fait retiré du PPE pour éviter l'humiliation d’une exclusion. Donald Tusk souhaite maintenant le voir quitter l’UE.
“Le Premier ministre Orban parle aujourd'hui ouvertement de la sortie de la Hongrie de l'Union européenne”, a annoncé Tusk dans un message en polonais publié sur X le 24 avril. Orban lui a répondu dans la foulée: “Cher Donald, ne vous faites pas trop d'illusions. La Hongrie ne quittera pas l'UE. Nous la transformerons avec le @PatriotsEU (groupe des Patriotes pour l’Europe) pour la ramener à ce qu'elle était autrefois lorsque la Pologne et la Hongrie ont adhéré. À l'époque, les bureaucrates bruxellois servaient le peuple plutôt qu'eux-mêmes. Ils n'interfèrent pas dans les débats politiques internes des États membres, comme ils le font aujourd'hui en Pologne et en Hongrie”.
Donald Tusk exprime l’agacement des autres dirigeants de l’UE face au comportement de Viktor Orban et son alignement au nom de la paix avec les positions de Poutine et de Trump sur la guerre menée par Moscou contre l’Ukraine .
“Salut dictateur”. La formule de Jean-Claude Juncker colle à l’image de Viktor Orban depuis le sommet du partenariat oriental le 22 mai 2015 à Riga en Lettonie. L’ancien Premier ministre du Luxembourg nommé à la tête de la Commission un an plus tôt, a prononcé ces mots accompagné d’une claque comme s’il s’agissait d’une bonne blague et Orban a joué le jeu. Mais Juncker a agi délibérément. “Tout est calculé, tout est à double sens”, a confirmé à l’époque son porte-parole. Jean-Claude Juncker juge que Viktor Orban n’a plus sa place au sein du PPE et il le dit. Mais le Premier ministre Hongrois est protégé par la chancelière Angela Merkel, patronne du PPE, avec le soutien des ses amis du Partido Popular espagnol, nous a expliqué à l'époque un dirigeant du PPE sous couvert de l’anonymat. Toutes les demandes de l’exclure du parti et du groupe sont mises en échec par les deux plus grosses délégations de la famille. Orban est considéré comme “l’enfant terrible”, mais le garder au PPE permet de le contrôler, se justifie la Chancelière.
La protection a duré 20 ans.Mais Viktor Orban a trop tiré sur la corde. Ses paroles et ses décisions sont devenues incompatibles avec les valeurs sur lesquelles le PPE est fondé. Il est lâché en 2021. Orban s’est depuis radicalisé. Il est devenu anti-européen et déteste les représentants de son ancienne famille politique, la présidente de la Commission Ursula von der Leyen et le président du PPE, Manfred Weber, cibles de ses attaques.
Mais son chantage permanent lasse. Le gouvernement hongrois est sous le coup de la procédure de l’article 7 pour le priver de ses droits de vote au conseil de l’UE à cause de ses violations continues de l’Etat de droit et une partie des fonds européens dont le pays pourrait bénéficier sont gelés. Orban se garde bien de suivre le chemin de la sortie de l’UE comme l’a fait le Royaume-Uni, car ses compatriotes ne souhaitent pas quitter l’Union. Le Hongrois utilise en revanche tous les moyens, notamment son droit de véto, pour paralyser la machine. L’Union européenne a prévu la possibilité pour un état membre de la quitter volontairement avec l’article 50 du traité. Mais elle n’a pas prévu d’exclure un Etat membre.
L’espoir dépend désormais du vote lors des élections générales début 2026. Un homme incarne la relève: Peter Magyar, 44 ans. Ancien membre du Fidesz, dont il devient un membre important grâce à son épouse Judit Varga, il quitte le parti en février 2024 à la suite d’un scandale qui coûte leurs postes à la présidente de la Hongrie, Katalin Novak et à Varga, ministre de la Justice. Magyar divorce, entre dans l’opposition, dénonce la corruption massive et l'enrichissement des membres du premier cercle de Viktor Orban, créée Tisza (Respect et Liberté) et est élu député européen en juin 2024 avec six autres membres de son parti. Il rejoint le PPE, où il devient le protégé de Manfred Weber.
Tisza s’impose comme une alternative au Fidesz et depuis mars, est en tête des intentions de vote. Orban est sur la défensive. “Le parti Tisza n'est pas un parti hongrois. C'est un parti bruxellois", accuse-t-il. “Nous l’avons vu de nos propres yeux, nous l’avons entendu de nos propres oreilles : le parti Tisza et Bruxelles ont conspiré contre le peuple hongrois. Ils ont accepté de détruire l'économie, le système de santé et le niveau de vie de la Hongrie uniquement pour permettre au parti Tisza d'accéder au pouvoir. C'est un jour sombre pour la démocratie hongroise”, a-t-il déclaré, jouant sur la fibre antieuropéenne de ses partisans.
Ses sbires relaient l’argument et multiplient les attaques personnelles contre Magyar. “Le prix d'entrée au @EPPGroup ? Une conformité idéologique totale. Pro-guerre, pro-Bruxelles, pro-LGBTQ : tels sont les engagements requis. Péter Magyar et le parti Tisza existent pour servir ce programme, qui leur est dicté par @ManfredWeber”, affirme Zoltan Kovacs, le porte-parole de Orban, sur X. Dans un autre message, Kovacs dénigre Magyar. “Il a volé un téléphone qu'il a ensuite jeté dans le Danube après une soirée bien arrosée en boîte de nuit. Mais bien sûr, son immunité parlementaire ne durera pas éternellement…”.
Des voix en Hongrie s’inquiètent de la tournure prise par le duel entre Orban et Magyar. “Alors que tous les sondages crédibles montrent que le Fidesz d'Orbán est loin derrière le Tisza de Péter Magyar, les discussions en Hongrie portent vers la question de savoir si Orbán pourrait essayer d'emprisonner ou d'interdire son rival, à l'instar de la Turquie. La véritable question qui se pose aujourd'hui est la suivante : la Hongrie organisera-t-elle des élections libres et équitables en 2026 ? Et Orbán abandonnerait-il le pouvoir ? “, demande le journaliste hongrois Szabolcs Pany, rédacteur en chef des enquêtes d'Europe centrale de VSquare basé à Budapest et collaborateur du site Direkt 36.
Viktor Orban gouverne la Hongrie depuis 2010. Les élections ont été libres mais pas équitables. Fort de sa majorité des deux tiers, il a modifié plusieurs fois la loi électorale, toujours en faveur de son parti.
“On observe une tendance inquiétante à une nouvelle érosion de l’Etat de droit en Hongrie , notamment en ce qui concerne l'indépendance du pouvoir judiciaire, la liberté des médias, la liberté académique et l'espace critique de la société civile”, a dénoncé une délégation de députés européens de la commission Libe (Libertés civiles) au terme d’une mission à Budapest du 14 au 16 avril. “C’est le régime illibéral d’Orbán : un système autoritaire qui piétine les principes fondamentaux de l’État de droit et échappe à toute sanction”, a affirmé la députée européenne italienne Ilaria Salis, membre de la Commission Libe. Réponse de Zoltan Kovac: “Ce n'est pas de la surveillance. C'est une campagne de diffamation politique (...) La Hongrie ne reçoit pas d’ordres de criminels en costume”.
“Si un pays membre peut priver ses citoyens de leurs droits, interdire l'expression publique et bafouer ses obligations internationales sans conséquence, c'est tout le projet européen qui est en péril”, met en garde le Hongrois David Koranyi président de Action pour la démocratie, dans une tribune publiée dans Politico.
La citation
“Il ne doit y avoir aucun doute sur notre position. A savoir, sans équivoque, du côté de l'Ukraine et donc aux cotés de tous les citoyens européens qui s'engagent pour la démocratie et l'État de droit, pour la liberté et une société ouverte”.
Friedrich Merz, leader de la CDU et futur chancelier de l'Allemagne.
Géopolitique
Poutine annonce une trêve de trois jours – Le président russe, Vladimir Poutine, a annoncé hier un cessez-le-feu de trois jours du 8 au 10 mai à l'occasion du quatre-vingtième anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le 9 mai, sur la place du Kremlin, la victoire dans la Grande Guerre patriotique sera célébrée. Poutine a invité l'Ukraine à "se joindre au cessez-le-feu". Dans le cas contraire, "les forces armées russes donneront une réponse adéquate et efficace". Est-ce la réponse du leader russe à la pression minimale exercée par Donald Trump avec ses publications sur le réseau social Truth après sa rencontre avec Volodymyr Zelensky à Rome samedi ? Le président américain se laissera-t-il à nouveau tromper par Poutine ? Trump a déclaré qu'il préférait un cessez-le-feu "permanent". L'Ukraine a demandé à la Russie d'accepter immédiatement un cessez-le-feu "global" d'au moins 30 jours. La Corée du Nord a officiellement reconnu hier son implication directe dans la guerre aux côtés de la Russie. Poutine a remercié "nos amis coréens (qui) ont agi sur la base d'un sens de la solidarité, de la justice et du vrai camaraderie".
Lavrov fixe les mêmes préconditions qu'au début de la guerre – Au-delà de l'implication directe de la Corée du Nord, il existe une preuve supplémentaire que Vladimir Poutine n'a aucune intention de mettre fin à la guerre sans une capitulation de l'Ukraine. Dans une interview accordée au média brésilien O Globo, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a énuméré les conditions pour mettre fin à la guerre. "Nous restons ouverts à la négociation", mais "notre position sur l'accord est bien connue. Nous partons du principe que la non-adhésion de Kiev à l'OTAN et la confirmation de son statut neutre et non aligné (…) constituent l'une des deux bases pour une solution définitive de la crise ukrainienne qui satisfait les intérêts de sécurité de la Russie. La seconde est de surmonter les conséquences du gouvernement néonazi de Kiev, formé à la suite du coup d'État de février 2014, y compris ses actions visant à éradiquer législativement et physiquement toute la langue, les médias, la culture, les traditions et l'église orthodoxe russes". Lavrov a également demandé la reconnaissance de la Crimée et des quatre autres oblasts ukrainiens annexés par la Russie, la "démilitarisation" de l'Ukraine, la "levée des sanctions" et la "restitution des biens russes gelés en Occident". La Russie veut en outre imposer une nouvelle architecture de sécurité à l'Europe et à l'OTAN. "Nous chercherons des garanties fiables sur la sécurité de la Fédération de Russie contre les menaces créées par les activités hostiles de l'OTAN, de l'Union européenne et de leurs États membres individuels à nos frontières occidentales". Ce sont toutes les conditions posées par Poutine avant et après l'invasion du 24 février 2022.
Le bloc pro-russe de l'UE opposé à la fin du droit de veto - Le Premier ministre hongrois, Viktor Orban, et son homologue slovaque, Robert Fico, se sont exprimés hier contre la fin de la règle de l'unanimité au sein de l'Union européenne, alors que l'irritation des partenaires face aux vetos de la Hongrie sur le processus d'adhésion de l'Ukraine et les sanctions contre la Russie ne cesse de croître. "Imaginez si l'unanimité n'était pas requise en politique étrangère (...). Nous pourrions être entraînés dans une guerre, ce que ni nos citoyens ni nos gouvernements ne souhaiteraient", a déclaré Orban, accusant l'UE de "nier la souveraineté de nos États". Selon Fico, "l'abolition du veto est une étape vers l'abolition de l'Union". Lors de la rencontre d'hier à Bratislava, les deux dirigeants ont promis de se soutenir mutuellement et ont réaffirmé leurs positions favorables à la Russie dans la guerre d'agression contre l'Ukraine.
Espagne
L’Espagne paralysée par un black-out - Une panne d'électricité massive s'est produite hier vers 12h30 en Espagne et a provoqué un chaos général. La coupure a forcé l’arrêt de tout le trafic ferroviaire, affecté le trafic aérien, provoqué des perturbations dans les transports publics, bloqué les services de paiement, contraint les hôpitaux à basculer sur groupes électrogènes et à différer des interventions et a même éteint les feux de circulation dans de nombreuses zones. Le Portugal et certaines régions frontalières en France ont également été privées d’électricité par cette panne qui n'a duré que quelques minutes dans certaines zones en Espagne et dont la cause est pour l'instant inconnue. La compagnie d'électricité Red Eléctrica enquête. Le gouvernement a convoqué le Conseil de sécurité nationale, l'organe chargé d'assister le Premier ministre dans la direction de la politique de sécurité nationale et du système de sécurité nationale. L’hypothèse d’une cyber attaque a été évoquée, mais n’a pas été confirmée. Red Eléctrica a affirmé que la panne est “exceptionnelle et totalement extraordinaire”. “Nous n’écartons aucune hypothèse”, a déclaré le chef du gouvernement Pedro Sanchez lors d’une conférence de presse. Les centrales nucléaires du pays (cinq avec sept réacteurs en fonctionnement) ont cessé de produire et de fournir de l’électricité au réseau pour des raisons de sécurité, a indiqué le Conseil de sûreté nucléaire (CSN). La France a apporté son aide et a fourni de l’électricité. L'approvisionnement a commencé à se rétablir hier en fin d’après midi dans le nord et le sud de la péninsule, mais plusieurs heures auront été nécessaires pour un retour à la normale.
Allemagne
Merz embauche dans le secteur privé pour les ministères économiques de la CDU - Le futur chancelier Friedrich Merz a annoncé hier les noms des personnes choisies par l'Union CDU-CSU pour occuper les postes de ministres dans son prochain gouvernement. Certains étaient déjà connus. Johann Wadephul de la CDU dirigera le ministère des Affaires étrangères. Alexander Dobrindt de la CSU prendra la tête du ministère de l'Intérieur. Deux autres nominations ont créé la surprise. Katherina Reiche, actuelle directrice générale de Westenergie, une filiale du géant de l'énergie E.ON, deviendra la prochaine ministre de l'Économie. Karsten Wildberger, actuel président du groupe Media Markt/Saturn, avec un passé chez E.ON, Telstra, Vodafone et Deutsche Telekom, sera le nouveau ministre de la Numérisation et de la Modernisation. Les autres personnes choisies par la CDU sont Patrick Schnieder (Transports), Karin Prien (Éducation) et Nina Warken (Santé). Ceux de la CSU sont Dorothee Bär (Recherche et espace) et Alois Rainer (Agriculture). Gunther Krichbaum occupera le poste de secrétaire d'État aux Affaires européennes.
PPE
Le Congrès de Valence face au dilemme de la grande coalition en Allemagne – Le Parti populaire européen (PPE) se réunit aujourd'hui à Valence en Espagne pour un Congrès qui consacrera la prise de pouvoir de l'Allemand Manfred Weber sur la plus grande famille politique européenne. Après être sorti renforcé des élections européennes de 2024, Weber achèvera son exploit de fusionner le parti et le groupe parlementaire du PPE. Mais le Congrès de Valence place le PPE face à un dilemme. Au cours des deux dernières années, Weber a poursuivi une politique à géométrie variable, avec des alliances tactiques avec les groupes d'extrême droite au Parlement européen. Le parti polonais Plateforme civique, qui est l'un des membres les plus importants du PPE, conteste ouvertement le choix de Weber. Dans les couloirs de Bruxelles, beaucoup se demandent si le retour de la grande coalition entre la CDU-CSU et le SPD avec Friedrich Merz comme chancelier à Berlin changera les calculs de Weber. Quoi qu'il en soit, Valence est un lieu embarrassant pour le PPE. Le leader régional du Partido Popular, Carlos Mazon, s'est allié au parti d'extrême droite VOX et a lancé une attaque virulente contre le Pacte vert d'Ursula von der Leyen.
Conclave
Un conclave, deux églises - Le conclave pour désigner le successeur du pape François débutera le 7 mai, a annoncé le Vatican. Beaucoup de prétendants et tous ont en tête le dicton: “Qui entre pape au conclave en sort cardinal”. Deux papabili incarnent l’aile la plus conservatrice de l'Eglise et sont opposées à François Le premier est le cardinal guinéen Robert Sarah. Le second est le cardinal hongrois Péter Erdo, qui doit beaucoup à Jean-Paul II. “Si l'un de ces deux devenait pape, il serait l'anti-François”, souligne notre confrère suisse Richard Werly dans Blick. Les 135 électeurs vont devoir faire un choix entre la poursuite de l'héritage de François, qui a fait cardinal 108 d'entre eux et le repli de l’Eglise voulu par l’ultra-conservateur vice-président des Etats-Unis JD Vance, dernier visiteur de François. “La hantise de tous les cardinaux est qu'une partie d'entre eux penche vers l'héritage du pape François et l'autre vers le cardinal Sarah et Vance. C’est la crainte d’une cassure de l’Eglise catholique, parce que là, il y a deux Églises catholiques dans 30 ans”, analyse le vaticaniste Bernard Lecomte. “Je crois que quoi qu'il arrive au conclave, ils finiront pas trouver celui qui sera le plus rassembleur”, assure Lecomte. Les conclaves nourrissent toujours beaucoup de spéculations, de rumeurs, d’attentes. La fumée blanche attendue au Vatican sera le début du suspens. Il faudra en effet attendre un peu pour connaître le nom de l’élu et le choix de son nom de pape.
Migrants
La criminalisation de ceux qui aident les migrants en augmentation dans l'UE – Selon un rapport de la Plateforme pour la coopération internationale sur les migrants irréguliers (PICUM), en 2024, au moins 142 personnes ont fait l'objet de poursuites pénales dans les États membres de l'UE pour avoir porté secours à des migrants. Dans la plupart des cas, l'accusation formulée est de facilitation de l'entrée, du séjour ou du transit ou de trafic de migrants. La tendance est à la hausse (en 2023, 117 personnes avaient été poursuivies contre 102 en 2022) et les données sont sous-estimées en raison du manque de statistiques et de données officielles. Le rapport de PICUM est basé sur le suivi des médias. "C'est la quatrième année consécutive que nous documentons des niveaux croissants de criminalisation à la fois des migrants et de ceux qui les aident. Et ce que nous sommes en mesure de surveiller n'est que la pointe de l'iceberg", explique l'auteure de l'étude Silvia Carta. La majorité des personnes poursuivies se trouvaient en Grèce (62), en Italie (29), en Pologne (17) et en France (17). D'autres cas ont été enregistrés en Bulgarie, à Chypre, à Malte et en Lettonie. Parmi les personnes criminalisées, 88 ont été poursuivies pour avoir secouru ou aidé des migrants en difficulté en mer, 21 pour avoir fourni de la nourriture, de l'eau ou des vêtements, et 17 pour des protestations et des manifestations. En Pologne, cinq personnes qui fournissaient une aide humanitaire à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie risquent des peines allant jusqu'à cinq ans de prison.
Criminaliser les migrants en les accusant d'être des trafiquants – Il y a un cas emblématique cité dans le rapport de PICUM. C'est celui de la militante et réalisatrice kurde iranienne, Maysoon Majidi, qui a passé 302 jours en détention provisoire en Italie pour l'accusation de trafic d'êtres humains. Son crime ? En 2023, elle avait quitté l'Iran pour échapper à la répression. Le 31 décembre de cette année-là, elle était arrivée en Italie sur les côtes de Calabre, où elle a été accusée de facilitation de l'immigration irrégulière et désignée comme passeur. Maysoon Majidi a été acquittée le 5 février 2025. 84 % des cas recensés concernent des personnes accusées d'avoir conduit une embarcation ou un véhicule à travers une frontière. Souvent, la personne en question est simplement un passager ou a distribué de la nourriture et de l'eau, utilisé un téléphone et une carte en mer, ou aidé dans des situations difficiles. PICUM souligne que la plupart de ces poursuites judiciaires se concluent par un acquittement. En 2024, sur 41 des 43 personnes poursuivies ont été acquittées ou les accusations contre elles ont été abandonnées.
La balle est dans le camp du Parlement européen - "La criminalisation de la solidarité avec les migrants est profondément liée à la criminalisation de la migration elle-même. Il ne s'agit pas de deux questions séparées, mais d'un continuum de politiques migratoires restrictives qui rendent dangereux le franchissement des frontières et créent un environnement hostile à l'égard de ceux qui sont considérés comme étant entrés irrégulièrement", explique Silvia Carta de PICUM. Et les choses risquent de s'aggraver avec la proposition présentée en novembre 2023 par la Commission de réviser la directive sur le trafic de migrants. Le texte a été soutenu par les gouvernements au Conseil de l'UE en décembre 2023, introduisant des mesures supplémentaires qui conduiront à la criminalisation de ceux qui assistent les migrants en danger. Dans la version adoptée par le Conseil, il n'y a pas d'exemption claire pour les ONG, les membres des familles ou les migrants eux-mêmes qui sont accusés à tort d'être des trafiquants. C'est maintenant au Parlement européen de prendre position. "Le Parlement européen doit pousser pour des garanties plus fortes afin que personne ne se retrouve face à des procédures pénales simplement parce qu'il a traversé une frontière ou aidé des personnes en difficulté", déclare Silvia Carta.
État de droit
Le Parquet européen porte la Cour des comptes devant la Cour de justice – Le Bureau du procureur européen a annoncé hier avoir déposé un recours devant la Cour de justice de l'Union européenne contre la décision de la Cour des comptes de rejeter une demande d'autoriser certains de ses fonctionnaires à témoigner dans une enquête pénale en cours. L'enquête a été ouverte à la fin de 2022 à la suite d'un rapport de l'Office européen de lutte antifraude. En novembre 2021, notre collègue de Libération, Jean Quatremer, avait révélé des cas de fraude parmi les membres de la Cour des comptes, à commencer par son ancien président, l'ancien eurodéputé allemand du PPE Klaus-Heiner Lehne. Le parquet européen a demandé à plusieurs reprises à la Cour des comptes d'autoriser des interrogatoires, la consultation des archives électroniques et la levée de l'immunité de son personnel. Bon nombre de ces demandes ont été rejetées. "Ce manque répété de coopération de la part de la Cour des comptes européenne a empêché le Bureau du procureur européen de progresser dans ses enquêtes, pour atteindre l'objectif de déterminer si les accusations sont fondées ou non et si elles doivent être poursuivies ou non devant le tribunal pénal compétent", a expliqué le Parquet.
Numérique
Les doutes de la Cour des comptes sur les objectifs de puces de von der Leyen – La présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, avait été très ambitieuse lorsqu'elle avait annoncé le Chips Act : atteindre 20 % de la production mondiale de micropuces d'ici 2030. Trop ambitieuse ? Selon un nouveau rapport de la Cour des comptes, il est "très improbable que l'UE atteigne l'objectif". Le Chips Act a donné un nouvel élan au secteur européen des micropuces, mais entre ambition et réalité, il y a un fossé à combler. La Commission ne dispose pas de mandat pour coordonner les investissements nationaux au niveau de l'UE. De plus, le Chips Act n'est pas assez clair concernant les objectifs et le suivi, et il est difficile de déterminer s'il tient suffisamment compte des niveaux actuels de demande de micropuces traditionnels du secteur. La Cour des comptes souligne que, selon les propres prévisions de la Commission, la part globale de l'UE dans la chaîne de valeur des micropuces n'augmenterait que légèrement, passant de 9,8 % en 2022 à seulement 11,7 % d'ici 2030.
Cela se passe aujourd'hui
Conseil européen : le président Costa en visite en Bulgarie
Présidence polonaise de l'UE : réunion informelle des ministres de l'Environnement à Varsovie
Parti populaire européen : Congrès à Valence avec la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et la présidente du Parlement européen, Roberta Metsola
Commission : les commissaires Sikela et Dombrovskis à New York rencontrent Michael Bloomberg et Larry Fink
Commission : le commissaire Sefcovic à Londres rencontre le ministre britannique des Relations avec l'UE, Nick Thomas-Symonds, et le ministre des Affaires étrangères, David Lammy
Comité économique et social : session plénière (débat avec le vice-président Fitto sur la révision à moyen terme de la cohésion)
Parlement européen : cérémonie de remise du prix Lux
Cour de justice de l'UE : jugement sur les passeports dorés à Malte ; jugement sur l'attribution de la gestion des bornes de recharge sur les autoroutes en Allemagne ; jugement sur l'indépendance des juges en Pologne
Eurostat : données sur la sécurité des transports routiers en 2023 ; données sur la numérisation en Europe ; données sur le tourisme en 2023