Soutien à l’Ukraine : l’UE se paie de mots mais se montre avare dans les moyens
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Soutien à l’Ukraine : l’UE se paie de mots mais se montre avare dans les moyens
Les dirigeants de l’Union européenne multiplient les déclarations de soutien au peuple ukrainien, engagé depuis 1.000 jours dans un combat inégal contre la Russie, mais ils se montrent incapables de fournir les armements demandés par le président Zelensky pour défaire l’ennemi et certains sont prêts à vendre l’Ukraine à Vladimir Poutine au nom de la paix et en échange de contreparties économiques.
Volodymyr Zelensky s’est adressé en visio-conférence aux élus européens réunis hier à Bruxelles pour une séance plénière extraordinaire. “Nous continuerons jour après jour à soutenir l’Ukraine et cela aussi longtemps qu’il le faudra”, a affirmé la présidente du parlement, Roberta Metsola. Le président ukrainein a remercié pour cet engagement et a rappelé la nécessité de stopper le financement de l’effort de guerre de la Russie par des “sanctions fermes”, notamment contre les tankers utilisés pour acheminer le pétrole russe et par “des actions militaires contre les bases logistiques, les dépôts et les bases aériennes” utilisés par les forces russes et le contingent nord coréen envoyé en Russie pour lancer leurs attaques contre l’Ukraine. Volodymyr Zelensky a également fustigé les dirigeants européens qui “pensent pouvoir vendre l’Ukraine en échange de contreparties” et a mis en garde contre les divisions créées au sein de l’UE. “Personne ne peut prétendre être dans des eaux calmes quand la tempête gronde”.
Les interventions des présidents des groupes politiques ont donné lieu à un échange assez vif. La vice-présidente du parti d'Extrême droite Les Patriotes pour l'Europe, l’eurodéputée hongroise Kinga Gal, a dit son opposition a l’envoi d’armements à l'Ukraine à cause du risque “d’escalade” et demandé des négociations de paix dans les plus brefs délais. “Avec l’élection de Donald Trump, nous avons une meilleure chance d’y parvenir”, a-t-elle soutenu. Réplique au vitriol de la Française Valérie Hayer, présidente du groupe Renew (Libéraux): “Certains se prétendent pacifistes, mais ils sont les alliés de Vladimir Poutine dans la promotion de la loi du plus fort”, a-t-elle accusé.
Les envolées, les réparties au sein du Parlement ne sont que des mots. Ils cachent mal la réalité. L’Union européenne n’est pas à la hauteur. Deux réunions des ministres des Affaires étrangères puis des ministres de la défense lundi et mardi n’ont débouché sur aucun résultat. L’Union européenne est incapable d’allouer les 6,6 milliards d’euros de dotation de la Facilité Européenne pour la Paix pour financer la fourniture d’armements à l’Ukraine. “La Hongrie bloque et nous sommes dans l’impasse car toutes les solutions que j’ai proposées ont, pour une raison ou une autre, été refusées”, a reconnu le Haut Représentant Josep Borrell à l'issue de ces deux réunions, les dernières de son mandat.
L’ancienne Première ministre de l’Estonie, Kaja Kallas, nommée à ce poste, va hériter de ce cadeau empoisonné par la Hongrie, car la Facilité Européenne pour la Paix est le seul instrument financier dont elle dispose. Cagnotte hors budget financée par des contributions des Etats membres, la FEP échappe à l’emprise de la Commission et du Parlement. Mais l’unanimité est requise pour l'utilisation des fonds.
L’accord donné par le président Biden à l'utilisation des missiles ATACMS pour frapper des cibles sur le territoire de la Russie a donné un élan. Mais leur portée est limitée à 300 km. “Ce n’est pas beaucoup”, a commenté Josep Borrell, “peu impressionné” par la décision américaine, jugée “mieux que rien”. Elle a toutefois relancé la pression sur l’Allemagne pour la fourniture de missiles balistiques Taurus, dont la portée excède 500 km, et pour accélérer la fourniture de missiles franco-britanniques Scalp (Storm Shadow dans leur version britannique) car les ukrainiens ont épuisé leurs stocks.
Mais les alliés de l’Ukraine ne respectent pas leurs engagements. “Nous n’avons pas encore reçu tous les systèmes nécessaires de la part de nos alliés”, a rappelé le président Zelensky dans un message sur X. “L’aide militaire européenne est d’une ampleur sans précédent. Nous avons fourni des armes pour une valeur de 45 milliards d’euros. Mais le niveau de l’aide reste insuffisant pour faire pencher la balance en faveur de l’Ukraine. Nous donnons à l’Ukraine juste ce qu’il faut pour tenir et parfois même moins”, a reconnu Josep Borrell. “L’Ukraine a besoin de davantage de défense aérienne, de munitions, d’armes à longue portée. Elle a également besoin de l'autorisation de frapper des cibles militaires au plus profond du territoire russe”, a-t-il plaidé.
Invité à la réunion des ministres de la Défense, le nouveau secrétaire général de l’Otan, le Néerlandais Mark Rutte a poussé dans le même sens. “Lorsque les alliés livrent des systèmes d’armes, il ne devrait y avoir aucune restriction”. L’Ukraine a tiré hier ses premiers missiles ATACMS contre des objectifs dans la région de Briansk. Cinq ont été abattus et les débris d’un sixième ont causé un incendie dans la zone technique d’une installation militaire”, a annoncé le ministère rfusse des Affaires étrangères. “L'Ukraine dispose de capacités à longue portée. Elle possède ses propres drones à longue portée. Nous avons des Neptune 'longs' et nous en avons plus d'un. Nous avons maintenant les ATACMS et nous les utiliserons tous”, a assuré Zelensky.
Josep Borrell préconise d’aider l'industrie de défense ukrainienne à se financer avec les fonds provenant des revenus des avoirs russes gelés par les sanctions, et d’utiliser également ces actifs, qui se montent à 300 milliards d’euros, pour les affecter à la défense de l’Ukraine “Il est tout à fait normal que l’agression de Poutine ait un coût”, soutient-il.Le débat est engagé au sein de l’UE et il reviendra à Kaja Kallas de le faire aboutir. “On va y arriver”, a-t-elle assuré lors de son audition devant le Parlement européen. “Je suis juriste. C’est possible. Cela aura un effet sur l’issue de la guerre”. Kaja Kallas joue sa crédibilité et celle de l’UE, car seuls comptent les actes.
La citation
"Nous devons garder la tête froide, les idées claires, et ne pas céder à la peur".
Andrii Sybiha, ministre des affaires étrangères ukrainien, sur la révision de la doctrine nucléaire russe, qui élargit la possibilité d’utiliser l’arme atomique.
Commission von der Leyen II
Manfred Weber, Iratxe García et Valérie Hayer célèbrent leurs 18 ans - Le sang ne coulera pas et, comme le demandait ce mardi La Matinale Européenne, les dirigeants politiques ont finalement commencé à se comporter comme des adultes. Les leaders du Parti populaire européen, l’Allemand Manfred Weber, des socialistes, l’Espagnole Iratxe García, et des libéraux, la Française Valérie Hayer, se sont réunis ce mardi pour la première fois en 10 jours pour négocier, au lieu de se lancer des invectives. Weber, García et Hayer cherchent à conclure un double pacte : d’une part, l’approbation du Collège des commissaires présidé par Ursula Von der Leyen, et d’autre part, l’établissement des lignes politiques de la nouvelle législature, qui vise à éloigner le PPE des groupes d’extrême droite. Ce pacte devrait inclure une bonne partie des Verts et au moins les Italiens du groupe ECR, qui sont désormais clairement intégrés dans le cordon sanitaire. Ce double pacte est une exigence des socialistes et des libéraux pour empêcher Weber de continuer à jouer sur deux tableaux, avec eux ou avec les groupes d’extrême droite.
Les contours de l'accord cuisiné au Parlement européen - Mardi matin, un accord semblait avoir été trouvé pour approuver les vice-présidents et le commissaire hongrois, Oliver Varhelyi. En échange du soutien des conservateurs à l’Espagnole Teresa Ribera, numéro deux de facto de la Commission européenne, les socialistes accepteraient de voter pour l’Italien Fitto (ECR) et pour Varhelyi (Patriotes). Pendant la journée et jusqu’à presque minuit, les négociations ont continué sans aboutir, à la clôture de La Matinale ce mercredi, sur les lignes politiques à définir. Des sources proches des dernières négociations se disaient convaincues qu’un accord serait conclu dans les prochains jours, car il existe une volonté politique : “le ragoût est dans le chaudron avec tous les ingrédients, il lui faut juste quelques heures ou quelques jours sur le feu”. Le dernier obstacle semblait être du côté des socialistes. Sans cet accord politique, plus de la moitié de leurs eurodéputés pourraient refuser de voter pour la Commission, tout comme une bonne partie des écologistes. Sauf rebondissement de dernière minute, le vote sur le Collège des commissaires devrait avoir lieu mercredi prochain, le 27, en séance plénière.
Géopolitique
Le directoire diplomatique européen et le directoire de la défense européenne - Hier, à Varsovie, une réunion restreinte des ministres des Affaires étrangères de Pologne, d'Allemagne, de France, du Royaume-Uni, d'Italie et d'Espagne s'est tenue pour discuter du soutien à l'Ukraine et du renforcement de la défense européenne après la victoire de Donald Trump aux élections présidentielles américaines. Selon la déclaration finale, l’Otan reste le pilier de l’architecture de défense. Les six pays reconnaissent également que, "dans de nombreux cas, pour faire face aux menaces croissantes à la sécurité et répondre aux exigences de dissuasion et de défense dans tous les domaines de la zone euro-atlantique, des dépenses supérieures à 2 % du PIB seront nécessaires". Le texte ouvre également la porte aux eurobonds pour la défense. Les cinq membres de l’UE présents au directoire s’engagent à utiliser "tous les leviers à notre disposition, y compris le pouvoir économique et financier de l’UE", et à discuter de "financements innovants". Après le directoire diplomatique, viendra le directoire de la défense. L’Allemand Boris Pistorius a invité les ministres de la Défense de Pologne, de France, du Royaume-Uni et d’Italie à Berlin la semaine prochaine.
Pistorius dénonce un sabotage des câbles sous-marins dans la Baltique - Les dommages causés à deux câbles de communication en fibre optique sous-marins dans la mer Baltique doivent être considérés comme un sabotage et un acte de guerre hybride, a déclaré hier le ministre allemand de la Défense, Boris Pistorius. Toutefois, il s’est abstenu d’attribuer directement la responsabilité à la Russie. "Personne ne croit que ces câbles aient été coupés accidentellement. De plus, je ne veux pas croire aux versions selon lesquelles des ancres auraient accidentellement causé des dommages à ces câbles", a affirmé Pistorius avant le Conseil de défense de l’UE. "Nous devons donc affirmer, sans savoir précisément par qui cela a été fait, qu’il s’agit d’une action hybride. Et nous devons également supposer, bien que nous n’en ayons pas encore la preuve, qu’il s’agit d’un sabotage", a ajouté Pistorius. Le sabotage des câbles reliant la Finlande à l’Allemagne et la Suède à la Lituanie a été discuté lors de la réunion des ministres de la Défense de l’UE d’hier. Toutefois, le haut représentant Josep Borrell s’est montré très prudent : "Je ne peux pas attribuer cet incident à qui que ce soit. Ce serait irresponsable. Cela reviendrait à jeter de l’huile sur le feu", a déclaré Borrell. Selon la communauté OSINT (Open Source Intelligence), le principal suspect est un navire chinois (le Yi Peng 3) qui est passé au-dessus des deux câbles au moment où ils ont cessé de fonctionner. Un autre navire chinois avait sectionné un câble et un gazoduc entre la Finlande et l’Estonie en 2023.
La Lituanie demande des sanctions pour les câbles sectionnés dans la mer Baltique - "À la lumière des récents incidents, où les câbles de télécommunications dans la mer Baltique ont été endommagés, après l'enquête, l'UE et les États membres doivent tirer pleinement parti de son régime de sanctions le plus récent pour de tels sabotages d'infrastructures critiques", a déclaré hier le ministre de la Défense lituanien, Laurynas Kasčiūnas, dans une déclaration conjointe avec son homologue suédois, Pal Jonson. Les deux ministres se sont dits "profondément préoccupés" par le sabotage d'un câble sous-marin reliant la Lituanie et la Suède. "Des situations comme celles-ci doivent être évaluées dans le contexte de la menace croissante posée par la Russie dans notre voisinage. Cela inclut un nombre croissant d'activités hybrides en Europe", ont déclaré Kasčiūnas et Jonson. Ce n'est pas une attribution directe, mais presque.
Kallas pourrait demander à suivre les Français pour la création de brigades ukrainiennes - La France vient de terminer la formation de la brigade "Anne de Kyiv" de l’armée ukrainienne, entièrement équipée avec des armes françaises. Seul le champ de bataille dira si cette expérience sera un succès. La grande différence avec les formations proposées par l’UE réside dans les armes et équipements fournis, ainsi que dans la cohérence d’une brigade entière prête à combattre. La Matinale Européenne a déjà révélé que l’Ukraine aura besoin de reconstituer 14 brigades pour continuer à combattre efficacement et compenser les pertes. Le président Zelensky a appelé les Européens à former des brigades pour son armée. Le Service européen pour l’action extérieure pourrait proposer une idée au nouveau haut représentant, Kaja Kallas : suivre l’exemple français et former et équiper deux ou trois brigades. Les fonds de l’UE pour la formation sont disponibles. Avec ce mécanisme, il serait possible de contourner les vétos de la Hongrie concernant la fourniture d’armes. Enfin, les brigades ukrainiennes pourraient être équipées d’armements européens.
Cybersécurité
La carte des cyberattaques contre le secteur de l’énergie - Dans un rapport publié hier, Eurelectric a tiré la sonnette d’alarme sur la cybersécurité dans le secteur énergétique, avertissant que les cyberattaques contre les infrastructures de l’UE augmentent rapidement. Depuis 2022, année du début de l’agression russe contre l’Ukraine, le centre de cybersécurité a recensé 48 attaques publiquement connues contre des entreprises énergétiques et des services publics européens, dont 31 attaques de ransomware doublées pour la moitié d’entre-elles de vols de données, et 15 attaques ayant visé la technologie opérationnelle des réseaux. De plus, parmi les cibles géographiques, les attaques contre les pays de l’UE sont passées de 9,8 % à 46,5 % au cours des six premiers mois de 2023. À l’échelle mondiale, 61 % de toutes les cyberattaques recensées en 2023 provenaient de la Russie. Eurelectric, l’association représentant l’industrie de l’électricité, demande à promouvoir une main-d’œuvre qualifiée et à faciliter les investissements contre les cyberattaques, soulignant que l’UE investit moins dans la cybersécurité que l’Amérique du Nord et la région Asie-Pacifique. Eurelectric appelle également à éviter des réglementations supplémentaires, en plus de celles qui viennent d’entrer en vigueur.
Prohibition
L’Italie rejette la recommandation de la Commission sur la fumée et les aérosols - L’Italie et la Roumanie ont exprimé, lors du Conseil, leur opposition à la proposition de recommandation de la Commission européenne concernant les espaces sans fumée et sans aérosols. Selon un document daté du 14 novembre présenté par ces deux pays, "la procédure appliquée pour la discussion et l’approbation de cet acte par le Conseil aurait nécessité des délais et des modalités meilleurs". Rome et Bucarest dénoncent également le fait que "des amendements significatifs proposés par les États membres n’aient pas été adéquatement pris en compte et intégrés dans le texte". Selon eux, la Commission n’a pas fourni "une évaluation d’impact appropriée". Sur le fond, les deux pays estiment que "les mesures généralisées sur les produits émettant des aérosols dans certaines zones extérieures, en particulier les établissements de service et les lieux de travail, manquent de base scientifique solide". En outre, "l’introduction de recommandations concernant des mesures larges et généralisées appliquées à des espaces extérieurs, non clairement identifiés et associés à des concepts tels qu’un trafic piétonnier intense, manque de fondement juridique et génère une incertitude quant à leur signification et leur mise en œuvre correcte". Dans le document, l’Italie et la Roumanie annoncent leur intention de ne pas appliquer cette recommandation.
Cela se passe aujourd'hui
Conseil Commerce
Parlement européen : réunion de la Conférence des présidentes
Commission européenne : participation de la commissaire Kyriakides au European Cancer Summit
Commission européenne : discours de la commissaire McGuinness au Collège d’Europe
Banque centrale européenne : publication de la Financial Stability Review
Banque centrale européenne : discours de la présidente Lagarde lors d’une conférence de la BCE sur la stabilité financière et les politiques macroprudentielles
Comité des régions : 30e anniversaire avec Roberta Metsola, Ursula von der Leyen, António Costa et d’anciens présidents du CdR (Blanca, Bore, Bresos, Markkula, Lambertz et Tzitzikostas)
Comité des régions : session plénière (débat sur la COP29 et les inondations en Espagne)
Cour des comptes de l’UE : Rapport spécial sur la numérisation des soins de santé dans l’UE
Eurostat : données sur la production du secteur de la construction en septembre ; recensement agricole 2020 ; données sur la production de vélos en 2023