Trump - Harris, les deux faces du protectionnisme américain
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Trump - Harris, les deux faces du protectionnisme américain
Les Américains élisent leur président mardi. Ils ont commencé à voter. Les Européens espèrent l’élection de Kamala Harris et, pour la plupart, à l'exception du Hongrois Viktor Orban, désespèrent à l’idée de voir Donald Trump l’emporter le 5 novembre. Il leur faudra danser avec celui qui viendra sur la piste. Ils se disent prêts, mais auront-ils la volonté politique de rester unis pour résister en cas de rapport de force si Donald Trump ouvre le bal avec une volée de taxes, comme il l’a promis ?
Personne ne sait qui de Trump ou Harris va l’emporter le 5 novembre ? Aux Etats-Unis, sept modèles ou plateformes de sondages sur dix dont le New York Times, prédisaient la victoire de Trump une semaine avant le scrutin, souligne le site Le Grand Continent. Mais beaucoup d’enquêtes d’opinions datent et les plus récentes, publiées ce week-end réservent des surprises dans plusieurs états clefs.
L’Europe est dans le brouillard. L’ancien commissaire Français Thierry Breton redoute la victoire de Donald Trump et soutient que “les institutions européennes ne sont pas prêtes” pour le “choc massif” que va représenter une guerre commerciale avec les Etats-Unis. L’Espagnol Josep Borrell, Haut représentant pour la politique extérieure et de sécurité est plus serein. Il pense que “les Américains ne vont pas élire Trump, car il s’est aliéné trop de communautés par ses dérapages pendant la campagne”. Le mépris affiché pour Porto Rico, territoire des Etats-Unis, décrit comme “une île flottante d’ordures” a choqué. Les figures de la communauté portoricaine, comme l’actrice Jennifer Lopez, ont appelé à voter Harris.
Les dirigeants de l’UE seront réunis en sommet à Budapest lors de la promulgation des résultats de la présidentielle américaine et veulent adopter une position commune. Ce sera difficile. Viktor Orban, hôte du sommet, mise sur la victoire de Donald Trump et il est devenu le porte-parole de tous les anti-européens. “Je viens de raccrocher le téléphone avec Donald Trump. Je lui ai souhaité bonne chance pour mardi prochain. Je croise les doigts”, a-t-il annoncé sur le réseau X. Son propriétaire, Elon Musk, est un membre affiché du “Dark Maga”, les partisans les plus radicaux de l’ancien président, prêts à tout pour la victoire de leur chef. La crainte de nombreux analystes est que Trump refuse la défaite et conteste les résultats. Il a commencé à chauffer ses partisans au fil de ses derniers meetings de campagne. “Si je ne gagne pas cette élection, je vais avoir des ennuis”, a-t-il avoué.
“Il faut rester lucide face aux deux”, nous a confié le représentant d’un grand État à Bruxelles. “Harris sera plus lisse, plus urbaine, mais elle est hostile à l'Union européenne. Trump sera plus brutal, mais il peut provoquer un électrochoc”, explique-t-il.
“Les deux candidats partagent les mêmes préoccupations : éviter que la Chine ne devienne la nouvelle superpuissance et protéger l'économie américaine”, rappellent Elvire Fabry et Micol Bertolini dans une note de réflexion (policy paper) rédigée pour Notre Europe, l’institut Jacques Delors. L’analyse intitulée “le bon, le mauvais ou juste l’affreux” rappelle que “America First” (l’Amérique d’abord) est le cap suivi par toutes les administrations américaines, Républicaines comme Démocrates. Donald Trump et Kamala Harris sont les deux faces du protectionnisme américain.
“Sous Trump, la politique commerciale serait probablement plus agressive, axée sur les droits de douane, l'isolationnisme et le protectionnisme (...) . Kamala Harris ne devrait pas accorder la priorité au commerce, du moins au début de sa présidence (...) Mais elle serait également disposée à utiliser les droits de douane de manière sélective, en particulier contre la Chine, afin de préserver les emplois et les industries américains, sans pour autant se conformer aux règles multilatérales”, soulignent les deux analystes.
L’épreuve de vérité arrivera vite, et sur tous les fronts. L’inquiétude est pour l’Ukraine. “Si Trump est élu, il va couper l’aide militaire à l’Ukraine et va déséquilibrer notre sécurité immédiate”, a averti Josep Borrell lors de son entretien avec la Matinale Européenne. L’ancien président s’est vanté de pouvoir arrêter la guerre en 24 heures et pour parvenir à ses fins, il a annoncé son intention de cesser de soutenir militairement les Urkainiens.
“L’Otan s’est préparée à la victoire de Trump. L’Alliance a choisi pour nouveau secrétaire général l’ancien Premier ministre néerlandais Mark Rutte, car il a l’oreille de Trump et sait flatter son égo.
Trump n’aime pas les Européens, considérés comme des “profiteurs” et des “mauvais payeurs”. Il juge l'Otan obsolète et onéreuse et il menace de n’ouvrir le parapluie américain que pour les alliés qui contribuent équitablement à la défense collective. Il est allé plus loin. Il a averti qu’il ne bougera pas si la Russie venait à s’attaquer à un “mauvais payeur”. “Nos alliés sont pires que nos soi-disant ennemis (la Russie)”, a-t-il affirmé samedi.
Donald Trump a toujours eu une approche mercantiliste. “La dépendance de l'Europe à l'égard de l'aide à la sécurité des États-Unis serait utilisée pour obtenir des concessions commerciales et pousser l'UE à s'aligner sur son approche vis-à-vis de la Chine sous menace de se désengager de l'Union européenne”, estiment Fabry et Bertolini. “La 'sous-traitance' de la sécurité européenne aux Américains n’est plus soutenable”, soutient l’ancienne ambassadrice de France à l’Otan Muriel Domenach.
Kamala Harris sera moins violente. Mais les Démocrates ne sont pas des philanthropes. Joe Biden n’a pas consulté ses alliés lorsqu'il a décidé de mener à bien le retrait des troupes américaines d’Afghanistan conformément au calendrier négocié par l’équipe de Donald Trump. Il a précipité le départ des autres pays engagés dans la force de l’Otan, incapables de sécuriser l'aéroport de Kaboul sans leur soutien, et a ainsi livré les Afghans aux talibans. Kamal Harris était sa vice-présidente.
Les Démocrates n’ont fait aucun cadeau aux Européens durant la pandémie de la Covid-19 bloquant les exportations nécessaires pour la fabrication des vaccins. Ils ont été tout aussi durs durant la crise provoquée par la flambée des prix de l’énergie, vendant leur gaz au prix du marché. Tous les contentieux commerciaux entre l’UE et les USA ont été suspendus mais pas réglés. Les droits de douane imposés par Trump sur les exportations d’acier et d’aluminium ont été gelés jusqu’au printemps 2025. Et la loi sur la réduction de l'inflation (IRA) signée par Joe Biden en août 2022, sans concertation avec les Européens, a été un coup de poignard dans le dos.
“L’Afghanistan a changé la donne. Le leadership américain n’est plus une garantie absolue pour notre sécurité. Nous devons réaliser un reset total du modèle européen”, a averti Emmanuel Macron lors d’une intervention début octobre à Berlin. Le constat fait par le président français commence à s’imprimer en Europe, mais il passe encore difficilement en Allemagne où beaucoup pleurent la croissance perdue.
L’Union doit se ressaisir. Elle s’est dotée des instruments pour répondre aux manœuvres coercitives. “La plus grande faiblesse de l'UE serait d'être confrontée à un désaccord interne croissant sur la manière d'utiliser ces outils pour faire face à l'agenda protectionniste des États-Unis’, avertissent Fabry et Bertolini. “Harris ou Trump ? Certains prétendent que l’avenir de l’Europe dépend des élections américaines, alors qu’il dépend avant tout de nous. À condition que l’Europe grandisse enfin et croit en sa propre force. Quel que soit le résultat, l’ère de la sous-traitance géopolitique est révolue”, a prévenu le Premier ministre polonais Donald Tusk. L’Union se réveille.
La citation
“L'UE doit être autonome et créer une union de défense. Tout commence avec nous”.
Roberta Metsola, Présidente du parlement européen.
Moldavie
La diaspora moldave décisive pour la réélection de Maia Sandu - Pour la deuxième fois en deux semaines, les électeurs de la diaspora moldave ont été déterminants pour le chemin européen et pro-occidental de la Moldavie. Lors du second tour des élections présidentielles d'hier, la présidente sortante, Maia Sandu, a été confirmée pour un second mandat, dépassant le candidat pro-russe, Alexandr Stoianoglo, grâce aux votes des Moldaves résidant à l'étranger. Sandu a obtenu plus de 50 pour cent contre son adversaire après le dépouillement des votes de la diaspora. Mais à l'intérieur du pays, c'est Stoianoglo qui a prévalu avec environ 51 pour cent des voix. Il en avait été de même il y a deux semaines lors du référendum pour inscrire dans la Constitution l'objectif d'entrer dans l'UE, où les "oui" ont prévalu avec 50,35 pour cent des voix. La Russie avait investi d'importantes ressources pour influencer le résultat des élections présidentielles et du référendum en Moldavie. Selon les autorités moldaves, il y a eu de lourdes interférences et des achats de centaines de milliers de votes. Pour Bruxelles, la victoire de Sandu, bien que de justesse, est un soulagement, après la défaite du camp pro-européen lors des élections législatives contestées en Géorgie le 26 octobre. Mais ce soulagement risque d'être de courte durée. Les élections parlementaires devront avoir lieu au plus tard le 11 juillet 2025. Dans moins d'un an.
Sommet
Draghi critique les dirigeants pour l'écart entre promesses et faits - L'ancien président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, a confronté les chefs d'État et de gouvernement à leurs contradictions et à l'écart entre les ambitions déclarées et les faits, à l'approche du débat sur son rapport qui aura lieu au sommet informel de Budapest le 8 novembre. Draghi a publié ce week-end une tribune dans le Financial Times, dans lequel il invite les Européens à suivre l'exemple du gouvernement britannique sur la manière de mettre la politique fiscale au service des investissements dans la transition numérique et climatique. Mais l'article semble n'être qu'un prétexte. Draghi souligne que les biens publics tels que l'atténuation climatique, les interconnexions énergétiques, la recherche et la défense sont sous-financés. "La question est de savoir si cet écart persistera à l'avenir." De plus, il n'y a pas de véritable coordination des plans fiscaux nationaux des États membres. Mais l'accusation la plus lourde est contenue dans la phrase finale. “L'UE pourrait avoir une préférence déclarée pour être un leader climatique, un innovateur numérique et un acteur géopolitique. Mais pour l'instant, la préférence révélée de ses membres est différente. Sans utiliser son espace fiscal et réformer ses marchés, il est difficile de voir comment l'Europe réalisera ses ambitions”, a écrit Draghi.
Commission von der Leyen II
Début des auditions des candidats commissaires - À partir de cet après-midi, commencera le marathon des auditions des commissaires désignés pour faire partie de la nouvelle Commission d'Ursula von der Leyen. Le processus se clôturera le 12 novembre avec les auditions des six candidats vice-présidents. Lors de la première journée, il y a déjà le risque d'un premier incident. Si Maros Sefcovic (Commerce), Christophe Hansen (Agriculture) et Apostolos Tzitzikostas (Transports) devraient passer sans problème, le maltais Glenn Micallef pourrait être contesté malgré un portefeuille très marginal (Équité intergénérationnelle, jeunesse, culture et sport).
Euro
Un Eurogroupe ordinaire en attente des procédures pour déficit excessif - Les ministres des Finances de la zone euro se retrouvent aujourd'hui à Bruxelles pour un Eurogroupe qui ne devrait comporter rien d'exceptionnel. Les ministres discuteront de la situation économique, de l'union bancaire et de l'union des marchés des capitaux. L'Eurogroupe espère également adopter une déclaration sur la compétitivité de la zone euro. La réunion de décembre s'annonce plus intéressante. D'ici là, la Commission aura présenté ses nouvelles prévisions économiques d'automne et lancé les premières procédures pour déficit excessif après l'entrée en vigueur du nouveau Pacte de stabilité et de croissance.
Allemagne
La coalition Scholz se divise sur les nouvelles propositions de Lindner - Le ministre allemand des Finances a présenté vendredi une série de nouvelles propositions pour relancer l'économie, y compris des réductions d'impôts et le report de certaines politiques climatiques, provoquant une nouvelle fracture au sein de la coalition dirigée par Olaf Scholz. Le secrétaire général du SPD, Lars Klingbeil, a qualifié les propositions de Lindner de "mauvaise approche". "Je ne vois pas de stratégie, pas de plan de la part de Lindner", a expliqué sa vice-présidente Serpil Midyatli. Les Verts sont également remontés contre le ministre des Finances. Scholz a été contraint de convoquer Lindner et le ministre de l'Économie, le Vert Robert Habeck, pour une série de réunions qui auront lieu cette semaine.
Espagne
Déplacement houleux pour Sanchez et le Roi à Valence - Laissés sans secours depuis le inondations meurtrières de mardi, les habitants de la localité de Paiporta, près de Valence ont conspué aux cris d’assassins et par des jets de boue le Premier ministre Pedro Sanchez et le président conservateur de la région Carlos Mazon, venus hier avec le Roi Felipe et la reine Letizia témoigner leur soutien aux victimes. Sanchez a été rapidement exfiltré par son service de protection, suivi par Mazon, mais le roi et la reine ont affronté la bronca pendant une heure, puis se sont rendus dans une autre localité, Chiva, également durement touchée. Les inondations ont fait 213 morts dans la région de Valence selon un bilan encore provisoire. Une nouvelle alerte rouge pour de fortes pluies a été lancée dimanche dans la région de Valence. Les secours sont en train de s’organiser et des équipes européennes, notamment des pompiers français sont arrivés, surpris d’être les premiers secouristes déployés depuis le drame.
Cela se passe aujourd'hui
Eurogroupe
Parlement européen : auditions des candidats commissaires Maros Sefcovic, Glenn Micallef, Christophe Hansen et Apostolos Tzitzikostas
Service européen d'action extérieure : le haut représentant Borrell en Corée du Sud
Commission : la commissaire Ferreira à Rome participe à la réunion ministérielle du G7 sur le développement urbain durable
Commission : la commissaire Simson participe à la cérémonie de signature des accords pour les projets de réseaux PCI Co2
OTAN : le secrétaire général Stoltenberg à Berlin rencontre le chancelier Olaf Scholz
Eurostat : données sur la santé des migrants en 2023