Ukraine: l’Union européenne est incapable de tenir sa parole
Bonjour! Je suis Christian Spillmann et avec David Carretta nous vous proposons la Matinale Européenne, un instrument pour offrir une analyse, un contexte et une perspective à ceux qui s'intéressent à l'UE.
Ukraine: l’Union européenne est incapable de tenir sa parole
Contraindre le président ukrainien à quémander des armes et des munitions pour la défense de son pays est humiliant. Pour les Ukrainiens. Et pour l’Union européenne. Le sentiment se diffuse que l’Ukraine perd la guerre, que l’Amérique a lâché Kiev et l’Europe, que l’Union européenne n’a pas les moyens de tenir ses promesses. Le sommet organisé mercredi et jeudi à Bruxelles doit gommer ce sentiment. Des moyens et des actions sont attendus d’urgence pour permettre aux Ukrainiens de protéger leurs villes contre les missiles russes et de casser l’offensive préparée par le Kremlin.
L’actualité brouille les cartes. L’Iran a lancé près de 300 drones et missiles contre Israël dans la nuit de samedi à dimanche en représailles à la mort de plusieurs de ses commandants militaires tués par une frappe israélienne à Damas, en Syrie. 99% des engins ont été abattus par la défense israélienne aidée par les Etats-Unis, le Royaume Uni, la France et des pays arabes. Dans le même temps, la Russie poursuit ses bombardements en Ukraine et détruit ses infrastructures énergétiques sans que les forces ukrainiennes puissent se défendre, faute de munitions pour ses systèmes de défense antiaérienne.
Le chef de la diplomatie polonaise Radek Sikorski a salué à sa manière cette disparité entre deux pays soutenus par les occidentaux “Bravo, pour avoir repoussé un énorme assaut aérien iranien, coordonné depuis plusieurs directions. Les capacités antimissiles d'Israël devraient être renforcées et des défenses similaires devraient être envoyées en Ukraine”, a-t-il plaidé dans un message sur X, anciennement twitter.
Les dirigeants de l’UE ont inscrit l’Ukraine à l’ordre du jour de leur sommet. Quatre phrases dans le projet de conclusions que nous avons obtenu. Comme tous les compromis trouvés entre les 27, le texte est mollasson. Il insiste sur “la nécessité de fournir d'urgence une défense aérienne à l'Ukraine et d'accélérer et d'intensifier la fourniture de toute l'assistance militaire nécessaire, y compris les munitions d'artillerie”.
L’Allemagne a décidé de passer à l’acte. Berlin va livrer à Kiev un système de défense anti-aérienne Patriot. Le chancelier Olaf Scholz l’a promis samedi. “Nous sommes inébranlablement aux côtés de l’Ukraine”, a-t-il insisté après son annonce. Le coup de gueule de l’ancien Premier ministre belge Guy Verhofstadt a porté. “L’Europe a ouvert sa porte à l’Ukraine et le conseil européen est incapable d’envoyer des systèmes de Défense anti-aériens. Nous en avons cent en Europe. Les Ukrainiens nous en demandent sept, et nous ne sommes pas capables de répondre”, s’est-t-il insurgé jeudi à la tribune du Parlement européen. Respecté, Verhofstadt a obtenu de l’assemblée le gel de la décharge du budget 2022 du Conseil européen, l’instance des Etats membres..
Les sots ont raillé le vieux lion. Ce sont les mêmes qui prédisent la capitulation de l’Ukraine. Verhofstadt n’a que faire de leurs sarcasmes. “Il en reste six à envoyer”, a-t-il commenté après l’annonce d’Olaf Scholz avec un appel à la Grèce, à la Pologne, aux Pays-Bas, à la Roumanie et à l’Espagne d’emboiter le pas à l’Allemagne et de prélever ces systèmes de leurs stocks pour les envoyer en Ukraine. Les Etats-Unis sont également sollicités. Ils n’ont envoyé aucune de leurs batteries de Patriots à l’Ukraine, aucun de leurs avions de combat F-16 et une trentaine de cash Abrams.
Les ukrainiens réclament ces armements depuis des mois. Les Européens s’engagent, promettent, mais ne livrent pas. A quoi rime d’assurer Kiev de son soutien “inébranlable” et de promettre de fournir à ses combattants une assistance militaire “aussi longtemps qu’il le faudra” si on n’est pas en mesure d’honorer la parole donnée ? Les dirigeants européen se paient de mots. Volodymyr Zelensky et ses ministres sont contraints de quémander armes et munitions et ne les obtiennent qu’au compte goutte, trop peu, trop tard. “Les Occidentaux ne peuvent fournir aux Ukrainiens les armes nécessaires pour leur légitime défense, mais ils trouvent le temps de condamner les attaques ukrainiennes contre des raffineries de pétrole en Russie, parce qu'elles menacent le prix de l’essence”, s’est insurgé Julian Roepcke dans un article “coup de colère” publié par le Bild, le plus important quotidien allemand.
Nombre de dirigeants européens ne semblent pas comprendre que la guerre déclenchée par Vladimir Poutine concerne toute l’Union européenne, et que le front dans le Donbass est leur ligne de front. “Même si l’Ukraine n’est pas encore membre de l’Union européenne, la guerre contre l’Ukraine constitue une menace pour l’Union dans son ensemble”, rappelle Josep Borrell, leur représentant. L’Espagnol les agace avec ses remontrances, mais il ne les lâchera pas. “La possibilité d’une guerre conventionnelle de haute intensité en Europe n’est plus un fantasme”, insiste-t-il. De nombreuses voix se sont élevées ces derniers jours pour mettre l’UE en garde. “L’Ukraine ne peut pas mener ce combat seule”, a insisté le général américain Christopher Cavoli, commandant des forces américaines en Europe.
L'Ukraine “perdra la guerre” si le Congrès américain n'approuve pas une aide militaire pour l'aider à résister à l'invasion russe , a averti dimanche le président Volodymyr Zelensky. Or l’Amérique n’est plus à la hauteur. Elle est en campagne pour la présidentielle de novembre et Donald Trump a fait bloquer par les élus républicains une aide de 61 milliards de dollars à l’Ukraine. S’il est élu il fera cesser toute assistance à Kiev pour contraindre le président Zelensky de négocier une paix avec Vladimir Poutine. Cette “paix russe” est devenue le narratif des “élites” –politiques, journalistes, analystes– passés au service de la Russie par conviction ou par lucre.
La justice belge a ouvert une enquête sur un système de paiements en espèces versés à des hommes politiques de toute l'Europe, y compris au Parlement européen basé à Bruxelles, a annoncé le Premier ministre belge Alexander De Croo. Des membres du Parlement européen ont été payés pour diffuser la propagande russe et des financements ont été versés pour aider des politiciens pro-russes à se faire élire au Parlement européen en juin pour affaiblir le soutien à l’Ukraine dans l’institution, a-t-il expliqué. “L’affaiblissement du soutien européen à l’Ukraine sert la Russie sur le champ de bataille”, a averti le Premier ministre belge.
A court de munitions et de missiles pour leurs batteries anti-missiles Patriot, IrisT et pour les autres systèmes de défense aérienne, les forces ukrainiennes ne peuvent plus protéger leurs villes. Les bombardiers russes sont de retour et larguent leurs bombes contre les défenses ukrainiennes, contraintes de se retirer sur d’autres positions. Les missiles balistiques frappent les infrastructures énergétiques La principale centrale thermique au sud de Kiev a été détruite et le pays est au bord du black out, estime l’expert en risques internationaux Stéphane Audrand. Josep Borrell attend des dirigeants européens des engagements clairs durant leurs sommet afin des actions concrètes puissent être décidées lors de la réunion des ministres des Affaires étrangères avec leurs collègues ministres de la défense le 22 avril “pour augmenter les capacités de défense anti-aérienne afin que l'Ukraine puisse arrêter les missiles russes et leurs bombes planantes qui détruisent les infrastructures urbaines”.
La citation
“Les hauts responsables militaires russes ont fixé à leurs troupes la tâche de s'emparer de Chasiv Yar d'ici au 9 mai”.
Oleksandr Syrsky, commandant en chef des forces armées ukrainiennes.
Géopolitique
L'UE condamne l'Iran (mais avec des distinctions) - "L'UE condamne avec la plus grande fermeté les attaques de drones et de missiles iraniens contre Israël. Il s'agit d'une escalade sans précédent et d'une menace pour la sécurité régionale", a déclaré hier le haut représentant pour la politique étrangère, Josep Borrell, au nom des Vingt-sept, après l'attaque lancée par Téhéran dans la nuit de samedi à dimanche. Mais, bien qu'unanime, la condamnation n'a pas été la même de la part de tous les dirigeants. Alors que l'attaque était en cours et que d'autres chefs de gouvernement s'étaient déjà exprimés contre la République islamique, le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez s'est contenté, samedi soir, sur la plate-forme X, d'exprimer sa "plus grande préoccupation" au sujet des événements au Moyen-Orient et d'appeler à éviter "à tout prix" une escalade régionale. Fait remarquable : M. Sanchez n'a pas mentionné l'Iran. Le premier ministre espagnol s'est quelque peu repris hier matin en écrivant sur X : "Après une nuit longue et pénible au cours de laquelle l'ampleur de l'attaque perpétrée par l'Iran a été confirmée, le gouvernement espagnol la condamne, tout comme il a condamné et condamnera toujours toute forme de violence qui menace la sécurité et le bien-être de civils innocents". Une référence à Gaza ?
L'Allemagne se montre ferme à l'égard de l'Iran, le reste de l'UE croise les doigts - "L'UE réaffirme son engagement en faveur de la sécurité d'Israël. Dans cette situation régionale extrêmement tendue, une nouvelle escalade ne peut être dans l'intérêt de personne. Nous appelons toutes les parties à la plus grande retenue", a déclaré M. Borrell dans son communiqué d'hier. L'appel à éviter l'escalade a été un refrain dans les messages postés sur X ou relayés à la presse par le biais de communiqués de presse. La plupart des pays de l'UE espèrent qu'Israël ne lancera pas une nouvelle attaque en représailles. Les signaux envoyés par l'Iran - notamment par le biais d'un message de sa représentation à l'ONU - sont que son attaque avec des missiles et des drones dans la nuit de vendredi à samedi était ponctuelle, en réponse au bombardement d'une mission diplomatique iranienne en Syrie. De nombreux analystes estiment que la République islamique veut éviter une confrontation directe avec Israël. L'Allemagne s'est distinguée par la clarté de sa condamnation de l'Iran, beaucoup moins ambiguë que celle d'autres pays. "Le régime iranien a clairement conduit le Moyen-Orient au bord du gouffre", a déclaré la ministre allemande des affaires étrangères, Annalena Baerbock.
Michel met le Moyen-Orient à l'ordre du jour du sommet - Le président du Conseil européen, Charles Michel, a annoncé hier que le Moyen-Orient serait à l'ordre du jour du sommet des chefs d'État et de gouvernement de l'UE qui se tiendra mercredi et jeudi. "Nous poursuivrons nos efforts en vue d'une désescalade. Mettre fin à la crise à Gaza dès que possible, notamment par un cessez-le-feu immédiat, fera la différence", a déclaré M. Michel à l'issue d'une réunion des chefs d'État et de gouvernement du G7. "La situation au Moyen-Orient, y compris au Liban, sera discutée au Conseil européen. L'ordre du jour du sommet, qui devait se concentrer uniquement sur la compétitivité économique, se remplit de questions de politique étrangère. Outre le Moyen-Orient, les dirigeants discuteront de la Turquie et de l'Ukraine. Le Haut Représentant, Josep Borrell, a convoqué une réunion extraordinaire des ministres des affaires étrangères de l'UE demain par vidéoconférence.
La Belgique ouvre une enquête sur l'influence russe au Parlement européen - Le Premier ministre belge Alexander De Croo a annoncé vendredi que le parquet fédéral avait ouvert une enquête sur la campagne d'influence russe, qui comprenait des paiements effectués par certains députés européens pour influencer les élections du 6 au 9 juin. La campagne d'influence, menée par l'intermédiaire du site Internet Voice of Europe, avait été révélée par la République tchèque. "L'enquête montre que Moscou a non seulement approché, mais aussi payé des députés européens pour promouvoir la propagande russe ici", a déclaré M. De Croo. "Les services de renseignement belges ont confirmé l'existence d'un réseau d'ingérence pro-russe ayant des activités dans plusieurs pays européens et en Belgique. Selon nos services de renseignement, les objectifs de Moscou sont clairs : contribuer à l'élection d'un plus grand nombre de candidats pro-russes au Parlement européen et renforcer le discours pro-russe au sein de cette institution". Le parquet belge pourrait agir sur la base de sa compétence territoriale. Il n'est pas certain qu'il puisse appliquer une loi sur l'ingérence étrangère adoptée il y a quelques jours. Mais, selon M. De Croo, "nous devons agir au niveau de l'UE". La Belgique a demandé à Eurojust de convoquer une réunion urgente sur la Russie. M. De Croo souhaite également en discuter lors du Conseil européen de mercredi et jeudi. En Europe, nous méritons des élections où les gens font leur choix. Mais ce sont les Européens qui doivent faire leurs propres choix, pas d'autres pays qui essaient de nous influencer", a déclaré le premier ministre belge.
Géoéconomie
Birol fustige l'Ue (et l'Allemagne) sur les choix énergétique - Le chef de l’Agence internationale de l’énergie Fatih Birol a fustigé l’Europe pour avoir commis “deux erreurs historiques monumentales” en matière de politique énergétique: s’appuyer sur le gaz russe et se détourner de l’énergie nucléaire. L'industrie européenne paie désormais le prix de ces erreurs et le bloc aura besoin d'un ”nouveau plan directeur industriel” pour se relever, a soutenu M. Birol dans un entretien au Financial Times. Un pavé dans la mare de l’UE quelques jours avant un sommet européen consacré à un débat sur la compétitivité économique.
Demi-présidence
La Belgique surprise par le bilan de sa demi-présidence - Arrivé à mi-parcours de sa présidence semestrielle du Conseil de l'UE, le Premier ministre belge, Alexander De Croo, a dressé vendredi un premier bilan et s'est dit surpris par les résultats obtenus. "Les équipes de notre présidence ont obtenu plus que ce que nous pensions possible", a déclaré M. De Croo lors d'une conférence de presse, soulignant les plus de 60 accords législatifs conclus au cours du premier trimestre de l'année entre le Conseil et le Parlement européen. Un document de synthèse de la présidence belge énumère les 67 règlements et directives finalisés. Certaines mesures n'ont toutefois pas encore reçu l'approbation finale des deux législateurs.
PieperGate
Von der Leyen place la nomination de Pieper au centre de la campagne du PPE malgré le rejet du Parlement - Ursula von der Leyen a l'intention d'agir comme si le Parlement européen n'avait pas voté à la majorité absolue pour exiger la révocation de la nomination qu'elle a imposée de l'eurodéputé Cdu Markus Pieper en tant qu'envoyé de l'UE pour les petites et moyennes entreprises. Non seulement M. Pieper prendra effectivement ses fonctions demain, mais Mme von der Leyen souhaitait faire du poste de représentant de l'UE pour les PME l'une des priorités de la prochaine législature. "Nous devons imposer moins (aux entreprises) et leur faire davantage confiance", c'est-à-dire "moins de bureaucratie, des procédures plus simples et des décisions plus rapides", a déclaré Mme von der Leyen lors d'un discours de campagne à Hildesheim, en Allemagne. "Pour s'assurer que quelqu'un vérifie cela, nous avons maintenant un nouveau représentant européen pour les PME". En fait, il existe déjà un commissaire chargé des PME. Il s'agit du Français Thierry Breton. Un autre passage du discours de Mme von der Leyen risque d'irriter Breton, mais aussi plusieurs capitales. La Spitzenkandidat du PPE a répété qu'elle souhaitait "un commissaire à la défense lors de la prochaine législature".
La campagne d'Ursula von der Leyen commence mal en Lettonie - Ursula von der Leyen sera aujourd'hui en Lettonie pour une série de réunions institutionnelles et un événement de campagne en tant que Spitzenkandidat du Parti Populaire Européen. Cependant, une réunion à l'université Stradina de Riga a été annulée à la suite d'une série de controverses sur l'"invitation" que les étudiants avaient reçue. En fait, les étudiants avaient été informés que leur présence était obligatoire. "Chers étudiants, le lundi 15 avril de 10h00 à 11h00, dans la salle RSU, nous vous invitons à un entretien avec la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen (...). La présence est obligatoire". Conférence institutionnelle ou réunion électorale ? Finalement, l'université a annoncé que la conférence était annulée. "Nous nous excusons auprès des étudiants pour les informations inexactes. L'événement est organisé par (le parti) Unité et le Parti Populaire Européen", a annoncé l'université Stradins de Riga via X.
Ce qui se passe aujourd'hui
Présidence belge de l'UE : réunion informelle des ministres de l'énergie
European External Action Service : le Haut Représentant Borrell participe à la Conférence humanitaire internationale pour le Soudan à Paris
Parlement européen : visite de la Présidente Metsola à Malte
Commission : le vice-président Maros Sefcovic s'exprime lors du lancement du rapport Espas Global Trends
Commission : le commissaire Schmit participe à une conférence de haut niveau sur le pilier social européen
Commission : le commissaire Gentiloni rencontre Aldo Bisio, PDG de Vodafone, par vidéoconférence
Commission : le commissaire Breton visite le centre d'explosifs des forces de défense à Haapajarvi, en Finlande
Commission : le commissaire Sinkevicius en visite à Chypre
Commission : le commissaire McGuinness en visite à San Francisco
Banque centrale européenne : discours de Philip Lane à l'University College Dublin Economics Society
Eurostat : données sur la production industrielle en février