Un “caucus” ne fait pas le président
Bonjour! Je suis Christian Spillmann et avec David Carretta nous vous proposons la Matinale Européenne, un instrument pour offrir une analyse, un contexte et une perspective à ceux qui s'intéressent à l'UE.
Un “caucus” ne fait pas le président
Donald Trump a remporté le caucus de l’Iowa, première primaire de l’investiture du candidat du parti Républicain pour la présidentielle de novembre, et l’Europe commence à frissonner, de peur ou de joie. Mais un caucus ne fait pas le président, et la politique américaine n’a jamais été bienveillante pour l’Europe, un continent que les Américains connaissent mal et dont tous leurs dirigeants se méfient.
Les anticipations nourrissent les espoirs et les craintes. Viktor Orban, le Premier ministre hongrois dont Donald Trump ne connaît pas la nationalité – il l‘a confondu avec le président de la Turquie – s’est félicité du résultat de l’Iowa. “Une victoire longuement attendue”, a-t-il écrit dans un message sur son compte X, appuyé par deux mains qui applaudissent. Viktor Orban devrait raison garder. 108.000 électeurs ont participé au Caucus républicain de l’Iowa, qui est plus un rassemblement de militants qu’une consultation électorale. Donald Trump a obtenu 56.210 suffrages contre 23.400 à Ron de Santis et 21.076 à l’ambassadrice Nikki Haley, son plus farouche détracteur au sein du parti Républicain.
Comme le rappelle William Reymond, journaliste très suivi sur les démêlées judiciaires de Donald Trump et l’élection présidentielle de 2024 ,”on parle de l’Iowa parce que c’est le premier rendez-vous électoral, mais dans la réalité, ses résultats n’ont quasiment aucune influence comptable. L’Iowa, ce sont 48 délégués en jeu sur un total de 2.429” pour obtenir l’investiture du parti républicain.
“On dirait que Donald Trump vient de gagner l'Iowa. À ce stade, il est le candidat le plus en vue dans l'autre camp”, a ironisé le président sortant Joe Biden. “Mais le fait est que cette élection a toujours été un affrontement entre vous, moi et les Républicains MAGA extrêmes. C'était vrai hier et ce sera vrai demain”, a-t-il ajouté en appelant les républicains opposés à la réélection de Donald Trump a bien choisir leur camp. “Alors, si vous êtes avec nous, participez dès maintenant”, a-t-il conclu avec un appel aux contributions.
Les Européens doivent-ils trembler ? Anticiper ne fait pas de mal. La campagne de Donald Trump n’avait pas été prise aux sérieux en 2016 et l’hypothèse de sa victoire avait fait rire la bulle bruxelloise et les capitales européennes jusqu’à ce qu’il remporte l’investiture du parti Républicain puis la présidentielle.
“Les Primaires de l’Iowa ont confirmé l’ascendant de Trump sur son parti. Certes c’est un triomphe, mais dans un vote qu’il avait transformé en plébiscite sur sa personne,il n’obtient que le moitié des voix”, analyse Gérard Araud, ancien ambassadeur de France aux Etats-Unis. Quelle conclusion en tirer ? ”Il sera le candidat Républicain, sauf accident juridique”, estime-t-il. ”Mais les scores de de Santis et de Haley signifient-ils qu’une minorité de Républicains refuse résolument Trump?”, se demande-t-il en recommandant de suivre les résultats de la primaire du camp Républicain du New Hampshire.
Donald Trump a été rude avec l’UE. Il ignorait ses institutions et méprisait la plupart de ses dirigeants. Mais il a provoqué quelques électrochocs bénéfiques. Ainsi, lors d’un sommet de l’Otan à Bruxelles, il a dénoncé en des termes peu amènes la dépendance de l’Allemagne envers la Russie et sa contribution à l’effort militaire de Poutine avec ses achats de gaz alors que l’Allemagne refusait de prendre sa part du fardeau des dépenses militaires de l’Alliance.
Les Européens ont paru se réveiller. “L’Europe doit maintenant prendre son destin en main”, avait lancé la chancelière Angela Merkel. L’autonomie stratégique, c'est-à-dire la capacité pour les Européens d’agir et de se défendre eux-mêmes pour assurer leur sécurité est devenu le mantra. Puis, comme toutes les bonnes résolutions, elle s’est évanouie avec l’élection de Joe Biden,”l’ami retrouvé”, et peine à se réveiller.
Or la réalité est abrupte. Les Etats-Unis n’ont pas consulté leurs alliés avant d’abandonner l’Afghanistan, Biden a continué à réclamer le partage du fardeau des dépenses de défense, “America First” est demeuré une priorité et la Maison Blanche n’a montré aucun scrupule à lancer un programme massif de subventions, l’IRA (l’Inflation Reduction Act) pour attirer aux Etats-Unis les entreprises européennes de la Tech.
“Si 2024 nous fait revenir à America First, l’Europe sera laissée à elle-même”, a dit Alexander de Croo devant le Parlement Européen. Le premier ministre belge dont le pays exerce la présidence semestrielle du Conseil jusqu’au 1er juillet, a appelé hier les pays de l’UE à ne “pas craindre cette perspective” mais à “l’embrasser en ancrant l’Europe sur des pieds plus solides”.
“Rien ne peut nous préparer à l'Armageddon de Trump”, nous a confié un responsable européen. Très au fait de la réalité des relations transatlantiques, Valdis Dombrovskis, vice-président de la Commission européenne chargé du commerce extérieur, insiste sur l'importance que les puissances démocratiques occidentales telles que l'UE et les États-Unis “continuent à travailler ensemble. Mais il est également évident que l'UE doit se renforcer : résilience économique, sécurité économique, capacités de défense. Nous travaillons dans toutes ces directions et il est clair que la résilience et la sécurité seront des priorités dans les années à venir", soutient-il. Mais l’Europe dépend encore largement des Etats-Unis pour sa sécurité et “le chemin vers l’autonomie stratégique est long”, avertit l’historien britannique Niall Ferguson dans une analyse livrée au Grand Continent.
La citation
"Nous devons montrer que l'unité du monde est plus forte que la haine d'un seul homme".
Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, au Forum économique mondial de Davos.
Davos
Zelensky ne mâche pas ses critiques à Davos - “Nous avons perdu du temps parce qu'on nous a dit "d’éviter l’escalade”. Nombre de nos combattants les plus expérimentés, qui se battaient depuis 2014, ont perdu la vie. Des opportunités ont été perdues. La leçon est claire”. Le Président ukrainien était l’homme du jour hier au Forum Economique Mondial de Davos. Il a donné de son temps à tout le monde, beaucoup remercié, mais durant son intervention, certains des participants ont dû se sentir mal à l’aise, notamment les Etats-Unis et l’Allemagne, deux des partisans de la ligne “il faut éviter l’escalade” avec Moscou, prétexte pour bloquer la fournitures d’armements réclamés par Kiev. La délivrance des chars de combats, des chasseurs bombardiers F-16, des missiles furtifs longue-portée qui auraient pu aider les ukrainiens à faire la différence a été retardée ou est encore bloquée, comme les missiles Taurus allemands, dont la double charge peut permettre de détruire le pont de Kertch entre la Russie et la Crimée. “Nous devons obtenir la supériorité aérienne. Nos partenaires savent ce qu'il faut faire. Cela permettra de progresser sur le terrain”, a conclu Zelenky. "Le soutien à l'Ukraine n'est pas de la charité. C'est un investissement dans notre sécurité", a rappelé le secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg.
Von der Leyen propose des PPP pour la démocratie à Davos - Le discours de la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, devant le Forum économique mondial de Davos était décidément peu inspirant. "Le moment est venu d'instaurer la confiance", a déclaré Mme von der Leyen, faisant écho à la devise de Davos de cette année : "Le moment est venu de promouvoir plus que jamais la collaboration mondiale. Cela nécessite des réponses immédiates et structurelles adaptées à l'ampleur des défis mondiaux. Je crois que c'est possible. Et je crois que l'Europe peut et doit jouer un rôle de premier plan dans l'élaboration de cette réponse mondiale". Quelques mots sur la Russie ("n'a pas atteint ses objectifs stratégiques") et l'Ukraine ("peut l'emporter"). Une mention de l'intelligence artificielle générative et de ses risques. À la fin de son mandat et à court d'idées novatrices, la chose la plus originale qu'ait dite M. Von der Leyen concerne un éventuel partenariat public-privé (PPP) pour gérer les défis et les risques. "Nombre de solutions ne résident pas seulement dans la coopération entre les pays, mais surtout dans la collaboration entre les entreprises et les gouvernements, entre les entreprises et les démocraties", a-t-elle déclaré. A”ucun de ces défis ne respecte les frontières. Chacun d'entre eux nécessite une collaboration pour gérer les risques et tracer la voie à suivre".
Ukraine
L'Ecofin accélère sur l'utilisation des avoirs russes gelés pour l'Ukraine - Les ministres des finances de l'UE pourraient accélérer les négociations sur la proposition de la Commission d'utiliser pour l'Ukraine les profits générés par les avoirs russes gelés. Lors de la discussion d'hier à l'Ecofin, "il n'y a pas eu d'opposition", nous a dit un diplomate. "La Banque centrale européenne, qui avait été la plus critique à l'égard de l'utilisation des avoirs russes, a déclaré que la construction actuelle pouvait convenir”. La présidence belge de l'UE ne s'attend pas à ce qu'un accord soit déjà conclu lors du sommet extraordinaire du 1er février. Mais un accord pourrait être conclu à la fin du mois de février ou au début du mois de mars. Selon le diplomate, les avoirs gelés de la Banque centrale russe s'élèvent à 180 milliards d'euros.
Axe Orban-Fico au sommet pour l’Ukraine - Le Premier ministre hongrois Viktor Orban et son homologue slovaque Robert Fico ont conclu un pacte d’assistance lors d’une rencontre à Budapest, a annoncé le porte-parole hongrois Zoltan Kovacs. Robert Fico s'est engagé à s’opposer à toute restriction des droits de la Hongrie au sein de l'Union et s’est dit préoccupé par le climat politique qui règne actuellement contre les gouvernements hongrois et slovaque. Viktor Orban a pour sa part réaffirmé sa position sur les enjeux du sommet extraordinaire du 1er février. Il demande de séparer l'aide de 50 milliards d’euros promise à l'Ukraine et la modification du budget commun de l'UE. Il préconise que l'aide financière à l'Ukraine provienne d'une source extérieure au budget de l'UE et a dit la volonté de la Hongrie d'apporter sa contribution à partir du budget national, sans assumer de dette commune ou intégrer la question dans le budget de l'UE.
Espoir d'un accord sur l'aide financière à l'Ukraine - Malgré les menaces de Viktor Orban, après une discussion hier à l'Ecofin, la présidence belge de l'UE est plus optimiste quant à la possibilité de parvenir à un accord lors du Conseil européen du 1er février sur le paquet d'aide financière de 50 milliards d'euros pour l'Ukraine. Un plan B "n'est pas sur la table", a déclaré le ministre belge des finances Vincent Van Peteghem à la fin de l'Ecofin. "Il s'agit maintenant de se concentrer sur le plan A à 27”, a expliqué le vice-président de la Commission, Valdis Dombrovskis. Lors de la discussion à l'Ecofin, la Hongrie a expliqué qu'elle voulait être "constructive", nous a confié une source. “Lors des travaux préparatoires, aucun signal négatif n'a été émis". Toutefois, le représentant hongrois a tenu à rappeler que la décision finale sur l'aide à l'Ukraine "doit être prise par le Conseil européen à l'unanimité". Orban veut bein arriver au sommet du 1er février avec l'arme du droit de veto chargée.
Le PE lance un appel contre la fatigue en Ukraine - Les dirigeants de cinq grands groupes du Parlement européen ont appelé hier le Conseil européen à "prendre des mesures décisives pour accroître la production, l'achat conjoint et la fourniture d'armes et de munitions nécessaires à l'Ukraine". Selon le document - signé par Manfred Weber (PPE), Iratxe García Pérez (S&D), Malik Azmani (Renew), Philippe Lamberts et Terry Reintke (Verts), et Ryszard Antoni Legutko et Nicola Procaccini (ECR) - "il ne peut y avoir fatigue sur l'Ukraine en Europe", car "la sécurité de l'ensemble du continent européen dépend du fait que la Russie ne gagne pas cette guerre". Les cinq groupes appellent à un "accord urgent sur le soutien économique et financier" à Kiev. "L'UE ne doit laisser aucun doute sur le fait qu'elle maintiendra sa détermination à soutenir l'Ukraine dans la libération de son peuple, la libération de ses territoires et le rétablissement d'un contrôle total sur l'ensemble de son territoire à l'intérieur de frontières internationalement reconnues", peut-on lire dans l'appel.
Le coup de gueule de Guy Verhofstadt au PE - “J’en ai assez de ces débats durant lesquels la Commission et le Conseil nous disent 'nous soutiendrons l’Ukraine aussi longtemps qu’il le faudra' Nous ne soutenons pas l’Ukraine militairement”, s’est emporté l’ancien Premier ministre belge, figure des libéraux européens, en écho aux critiques du président Zelensky à Davos. “Nous ne sommes pas capables de produire un million d’obus par an; le chancelier allemand refuse de fournir des missiles longue portée. Et pourquoi cela ? Parce que nous n’avons pas une politique de défense commune. C’est un désastre”, a-t-il tonné. “Je suis en colère parce que nous employons toujours de grands mots, mais nous sommes incapables de fournir des gros canons. Artillerie, missiles, défense aérienne, avions de chasse ... l'Ukraine en a besoin de toute urgence, maintenant”, a-t-il conclu en appelant les dirigeants européens à prendre ces décisions lors du sommet extraordianire pour l’Ukraine le 1er février.
Parlement européen
Une lombalgie éloigne Michel du PE - Charles Michel ne sera pas à Strasbourg aujourd'hui pour le débat du Parlement européen sur le Conseil européen de décembre et le sommet extraordinaire du 1er février. "Pour des raisons médicales (une lombalgie aiguë) et sur instruction du médecin, le président doit limiter ses déplacements", a expliqué la porte-parole du Conseil européen. "C'est pourquoi (Michel) présentera les conclusions des Conseils européens de décembre et de février au Parlement européen au début du mois de février”. En effet, les deux sommets tournent autour du même sujet : les vetos de Viktor Orban à l'aide financière à l'Ukraine. Mais lors du débat de ce matin au Parlement européen, Michel risquait d'être confronté à des questions embarrassantes et à des critiques acerbes sur sa décision de quitter son poste plus tôt que prévu pour se présenter aux élections européennes. Plus le temps passe, plus le mécontentement des députés européens est destiné à s'estomper.
Le Parlement européen élit un nouveau vice-président - Le député allemand Jan-Christoph Oetjen, membre du groupe Renew, a été élu hier vice-président du Parlement européen. Le vote n'a pas eu lieu. Aucun autre candidat ne s'étant présenté, M. Oetjen a été élu par acclamation par les autres députés. Il remplace une autre député européenne allemand, Nicola Beer, qui est devenue vice-président de la Banque européenne d'investissement.
Migrants
Les entrées irrégulières au plus haut niveau depuis 2016 - Selon les données préliminaires de Frontex, le nombre de franchissements irréguliers des frontières extérieures de l'UE en 2023 a atteint un total d'environ 380 000, soit le niveau le plus élevé depuis 2016. L'augmentation n'est pas spectaculaire : plus 17 % par rapport aux chiffres de 2022. Toutefois, selon Frontex, elle indique une tendance à la hausse constante au cours des trois dernières années. La Méditerranée centrale menant à l'Italie a été la route migratoire la plus active, représentant 41 % des entrées irrégulières dans l'UE, suivie par les Balkans occidentaux (26 %) et la Méditerranée orientale (16 %). L'augmentation la plus importante a été enregistrée sur la route de l'Afrique de l'Est vers les îles espagnoles des Canaries, avec 40 000 entrées, soit 161 % de plus qu'en 2022. En revanche, la route des Balkans occidentaux a enregistré une baisse de 31 % des franchissements de frontières. La principale nationalité - plus de 100 000 - reste la nationalité syrienne. Frontex a révélé une augmentation significative du nombre de migrants africains, en particulier d'Afrique de l'Ouest, qui représentent désormais près de la moitié (47 %) de l'ensemble des migrants irréguliers. Le nombre de mineurs non accompagnés a augmenté de 28 %, pour atteindre un total de plus de 20 000 en 2023. Il convient également de noter les mouvements de sortie vers le Royaume-Uni : plus de 62 000 tentatives et traversées réussies ont été enregistrées dans la Manche.
Ce qui se passe aujourd'hui
Parlement européen : session plénière à Strasbourg (débats sur le Conseil européen des 14 et 15 décembre et le sommet extraordinaire du 1er février ; la situation en Hongrie et les fonds européens gelés ; la révision de la gouvernance économique ; les emplois de qualité ; les droits fondamentaux dans l'UE en 2022 et 2023 ; l'État de droit et la liberté des médias en Grèce ; l'énergie géothermique ; le coût de la vie et l'impact de la crise énergétique ; le manque de compétences et de talents ; la persécution du Falun Gong en Chine ; la menace de famine dans le conflit au Soudan ; la répression contre les médias au Tadjikistan)
Commission : le président von der Leyen en visite à Forlì ; conférence de presse avec le premier ministre Giorgia Meloni
Commission : visite du vice-président Schinas en Ouzbékistan et au Turkménistan
Parlement européen : réunion de la Conférence des présidents
Parlement européen : conférence de presse de Biljana Borzan sur l'écoblanchiment
Parlement européen : conférence de presse de Zeljana Zovki sur la diplomatie préventive dans les conflits gelés
Conseil : réunion du Coreper I
Conseil : réunion du Comité politique et de sécurité
Banque centrale européenne : discours de la présidente Lagarde au Forum économique mondial de Davos
Banque centrale européenne : discours de Piero Cipollone à l'Euro Cyber Resilience Board à Francfort
Comité économique et social : session plénière
Eurostat : inflation à décembre
OTAN : réunion du Comité militaire