Ursula 2, autocrate ou vrai leader ?
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Ursula 2, autocrate ou vrai leader ?
La Commission européenne est une somme d’individualités, d'ambitions, de sensibilités politiques. L’Allemande Ursula von der Leyen va-t-elle enfin montrer un leadership pour son second mandat ou continuer à la diriger de manière despotique en divisant son collège pour mieux régner, comme elle n’a fait jusqu’à présent ? Il en va de sa crédibilité et de sa légitimité, surtout en France, pays gagné par l'euroscepticisme, où elle incarne le rejet de l’institution bruxelloise.
Les Européennes en juin ont provoqué une déflagration en France. Les électeurs ont désigné 35 représentants de l'extrême-droite et 9 représentants de l'extrême gauche, soit 44 députés européens sur les 81 élus par l'hexagone, hostiles à l’UE. Et 26 seulement ont voté en faveur d’un second mandat pour Ursula von der Leyen. Les 6 élus Les Républicains du groupe PPE et les 5 eurodéputés français du groupe des Verts ont ajouté leurs suffrages à ceux des élus du Rassemblement national et de la France insoumise pour s'opposer à sa reconduction. Ils sont noyés dans la masse des 720 députés européens, mais la présidente de la Commission va devoir tenir compte de cette donnée.
La France n'est pas devenue anti-européenne, mais ses élites et la majorité des députés français le sont pour marquer leur hostilité à Emmanuel Macron, le plus pro-européen des présidents français. A cela s’ajoute la haine du chef de la France insoumise Jean-Luc Mélenchon pour l'Allemagne, accusée de dominer l’Europe. La défiance des Français pour l’UE s’est ancrée avec le référendum de 2005. Ils ont dit “Non” au projet de constitution européenne, mais leur choix a été ignoré et contourné avec l’adoption du traité de Lisbonne en 2007. Depuis, le ressentiment contre l’Europe gagne. La Commission européenne n’est pas comprise et les Français ont le sentiment que leur pays est sous représenté à Bruxelles, ce qui est faux.
Mais Ursula von der Leyen n’aide pas à démentir cette assertion. Pour son premier mandat, elle s'est entourée de compatriotes qui pour la plupart ne parlaient pas et ne comprenaient pas le français. Elle a rechigné par timidité à s'exprimer dans la langue de Molière qu'elle a pourtant apprise. Elle a refusé de prendre des cours, fui les médias et ânonné quelques phrases dans ses discours officiels, parce qu'elle devait le faire. Une incongruité, car tous ces prédécesseurs à la tête de l’institution parlaient Français et se piquaient de bien le parler. Mais soulever l’argument déclenche des cris d'orfraies dans la bulle européenne. Un sabir d’anglais s’est imposé comme l’idiome de communication dans l’Union et les Français qui osent se plaindre du déclin de leur langue se font vilipender et traiter comme des malpropres arrogants. Alors ils renoncent, se coulent dans le moule, ce qui exacerbe la rancœur en France contre Bruxelle et l'Europe.
Les choix d’Ursula von der Leyen seront importants pour son second mandat. La constitution de son équipe va être disséquée et l’arrivée d’un Français à la tête de son cabinet est annoncée. Les vingt-sept gouvernements de l’Union européenne sont politiquement faibles et divisés. Ils auraient pu choisir une personnalité forte, respectée dans le monde, porteuse d’une vision, d’un projet, pour reprendre la présidence de la Commission européenne. L’Italien Mario Draghi, ancien patron de la Banque Centrale Européenne et ancien président du Conseil italien, aurait été parfait. Mais ils ont eu peur d’être bousculés, dépassés par un ancien dirigeant incontrôlable, et ils ont choisi de reconduire une petite main qu’ils savent pouvoir diriger.
Ursula von der Leyen est de droite, membre de la CDU, un parti dans l'opposition en Allemagne. Elle a été reconduite comme représentante de l’Allemagne par les trois formations de la coalition au pouvoir constituée par le SPD, les Verts et les Libéraux. Tous les dirigeants autour de la table du Conseil, à l'exception de l'Italienne Giorgia Meloni et du Hongrois Viktor Orban, et toutes les familles politiques du Parlement européen, sauf les partis de l'extrême droite, de l’extrême gauche et certains de leurs alliés, ont accepté de la reconduire pour un second mandat. Mais ils ne lui ont pas donné un chèque en blanc et attendent qu’elle ne répète pas les erreurs de son premier mandat.
En 2019, sortie du chapeau par Emmanuel Macron pour éviter une crise, l’ancienne ministre de la Défense d’Angela Merkel s'était retrouvée parachutée à la tête de la Commission, flanquée de deux commissaires membres de la Commission Juncker, le Socialiste Néerlandais Frans Timmermans et la Libérale danoise Margrethe Vestager. Tous deux étaient têtes de listes de leur famille politique pour la fonction. Ils lui ont été imposés par le Conseil avec rang de vice-présidents exécutifs.
En 2024, cette humiliation pourrait lui être à nouveau infligée. Le refus du premier ministre luxembourgeois Luc Frieden de reconduire le commissaire Nicolas Schmit, tête de liste des Socialiste européens, pourrait la justifier. Le chancelier Olaf Scholz s’est en effet engagé à ce que les Socialistes soient bien représentés au sein de la Commission. Pour compenser le déséquilibre politique au sein de l’institution –14 PPE sur 27 commissaires– la désignation de vice-président exécutifs pour les familles socialiste et libérale pourrait revenir sur la table.
Ursula von der Leyen n’a pour le moment la main sur rien. Elle n’a pas eu la possibilité de choisir les candidats pour son collège. Elle va devoir composer avec les exigences des gouvernements – tous veulent des responsabilités importantes pour leurs représentants – et avec plusieurs personnalités fortes, comme la socialiste Espagnole Teresa Ribera, le libéral Français Thierry Breton et le conservateur Polonais Piotr Serafin, proche du Premier ministre Donald Tusk dont il a été le chef de cabinet pendant sa présidence du Conseil européen, ainsi qu’avec les candidats du dirigeant nationaliste Hongrois Viktor Orban et de la dirigeante d’extrême droite italienne Giorgia Meloni.
Son autorité est déjà contestée. La présidente avait promis au Parlement européen la parité au sein de son collège. Les gouvernements ont fait la sourde oreille. Même ceux du Parti Populaire Européen, sa famille politique. Un véritable camouflet. Ursula von der Leyen peut refuser les candidatures, à l'exception de celles des commissaires reconduits. Osera-t-elle contrarier ses mandants ? Il lui faudra alors refuser plusieurs candidats du PPE, sa famille politique européenne. Le Parlement européen peut lui venir en aide et recaler certains prétendants. Mais son autorité est déjà battue en brèche au Conseil, siège du pouvoir dans l’UE.
En 2019, elle a fait le choix de s’entourer de fidèles et de s’isoler. Elle a refusé de s’installer en ville et a fait aménager une cellule à son étage, ce qui lui a valu d’être surnommée “la recluse du Berlaymont”. Elle a personnalisé sa fonction et ses relations ont été conflictuelles avec la plupart des commissaires. Certains ont publiquement dénoncé son mode de gestion autocratique et l’absence de collégialité pour les prises de décisions. Thierry Breton est l’un d’eux. Va-t-elle lui en tenir rigueur au cours de son second mandat ? Va-t-elle jouer la carte d’une commission dominée par le PPE avec quatorze commissaires, comme le souhaitent les chefs de la droite, ou composer avec les diverses sensibilités politiques au pouvoir en France, en Allemagne, en Italie, en Espagne, mais sous représentées au sein du collège ? Fera-t-elle preuve de leadership ? Sera-t-elle capable de constituer une équipe et de la mener en encourageant les réussites et en assumant les erreurs en cas d’échec, ou va-t-elle continuer à tirer la couverture à elle, comme elle l'a fait pendant cinq années ?
Première femme à diriger la Commission européenne, elle a “fait le job”, mais à humainement déçu. Le Conseil, sans enthousiasme, lui accorde une seconde chance. Elle ne doit pas faillir.
La citation
“L'opération à Koursk fait partie d'une opération politico-militaire et diplomatico-militaire. Vous en verrez les résultats à l'avenir”.
Volodymyr Zelensky.
Commission von der Leyen II
Ursula Von der Leyen ignorée par les gouvernements sur les femmes - Le signal est mauvais pour Ursula von der Leyen en termes d'autorité. Aucun gouvernement n'a donné suite à sa demande de présenter deux noms - un homme et une femme - comme candidats au poste de commissaire dans le prochain collège afin de permettre à la présidente de la Commission de respecter l'égalité des sexes. Comme nous l'avons écrit dans la Matinale d'été la semaine dernière, les chiffres masculines ont encore augmentées : 21 pays (en plus de l'Allemagne de Mme von der Leyen) ont officiellement ou officieusement désigné leur commissaire, mais seuls cinq d'entre eux ont jusqu'à présent désigné une femme. Jeudi, le Luxembourg et la Roumanie ont rejoint la liste des Etats membres qui ont choisi un homme pour le prochain collège, avec respectivement Christophe Hansen (PPE) et Victor Negrescu (socialiste). Il ne reste plus que la Belgique, la Bulgarie, le Danemark, l'Italie et le Portugal, mais les favoris pour le poste de commissaire dans ces pays sont majoritairement des hommes.
Ursula von der Leyen face à une épreuve de force avec les gouvernements - Ursula von der Leyen utilisera-t-elle ses pouvoirs pour forcer les gouvernements à nommer plus de femmes au sein de sa Commission ? La question a été posée par le professeur Alberto Alemanno, fondateur de The Good Lobby, sur X. “La nomination d'un candidat commissaire ne relève pas de la compétence exclusive des États membres de l'UE. En vertu de l'article 17 du TUE, il s'agit simplement d'une 'suggestion' au Conseil et au président élu, qui doivent adopter - 'd'un commun accord' - la liste des commissaires à soumettre au Parlement européen”, a expliqué M. Alemanno. “Mme Von der Leyen a donc le droit de rejeter toutes les propositions des États membres, à moins qu'elles ne comprennent un candidat masculin et un candidat féminin, comme elle l'a demandé”. En 2019, devant le Parlement européen, Mme von der Leyen avait assuré qu'elle rejetterait la nomination de commissaires masculins si les gouvernements ne proposaient pas suffisamment de femmes. Cinq ans plus tard, aura-t-elle le courage de le faire ? Ou bien la volonté d'éviter tout conflit avec les chefs d'Etat et de gouvernement l'emportera-t-elle ? Les porte-parole de la Commission se sont refusés à tout commentaire.
Les socialistes à court de commissaires après le départ du Luxembourgeois Schmit - Le commissaire luxembourgeois sortant Nicolas Schmit espérait que son statut de “Spitzenkandidat” du parti socialiste lui permettrait de rester dans la nouvelle Commission d'Ursula von der Leyen. Les socialistes étaient également convaincus qu'ils pourraient obtenir un commissaire supplémentaire grâce à un échange visant à rééquilibrer la composition politique de l'exécutif européen : puisque le gouvernement allemand d'Olaf Scholz a choisi le Spitzenkandidat du PPE, Ursula von der Leyen, renonçant à nommer un commissaire des Verts, le gouvernement luxembourgeois de Luc Frieden, aurait dû confirmer le socialiste Schmit, faisant perdre un commissaire au PPE. Mais le premier ministre luxembourgeois a suivi sa propre voie. Après un appel téléphonique avec Mme von der Leyen le jeudi 22 août, M. Frieden a annoncé la nomination de l'ancien député européen de son parti chrétien-social, Christophe Hansen. La Commission von der Leyen II s'annonce masculine et de droite.
Géopolitique
Borrell s'inquiète de la réduction de l'aide militaire allemande à l'Ukraine - Le Haut représentant, Josep Borrell, a qualifié vendredi de “très inquiétante” la décision du gouvernement d'Olaf Scholz de réduire de moitié l'aide militaire à l'Ukraine en 2025, en raison des conflits budgétaires entre les trois partis de la coalition. Cette réduction a été annoncée dans une lettre du ministre des finances, Christian Lindner, au début du mois d'août, ce qui a suscité une controverse à Berlin et parmi les alliés occidentaux de l'Ukraine. M. Borrell a rappelé qu'en termes absolus, l'Allemagne est le pays qui soutient le plus Kiev, “beaucoup, beaucoup plus que la France”, a souligné le haut représentant. Mais la réduction du soutien militaire dans les années à venir “est une très mauvaise nouvelle”, a déclaré M. Borrell.
Allemagne
L'AfD profite d'un attentat terroriste avant les élections dans les Länder de l'Est - Alternative pour l'Allemagne profite d'un attentat terroriste présumé, qui a fait trois morts vendredi dans la ville allemande de Solingen, pour tenter de renforcer son soutien dans deux des Länder de l'Est du pays, où le parti d'extrême droite pourrait arriver en tête lors des élections de dimanche prochain. L'auteur de l'attaque au couteau lors du festival de la diversité à Solingen est un demandeur d'asile syrien qui s'est rendu à la police samedi. Peu après, l'organisation État islamique a revendiqué l'attaque. Dans un message sur X après l'attaque, le chef de file de l'AfD en Thuringe, Björn Höcke, a dénoncé la “multiculturalisation forcée” et a appelé les citoyens à “voter pour le changement”. Outre la Thuringe, la Saxe vote également dimanche. “L'attentat de Solingen est un événement terrible”, a déclaré le chancelier Olaf Scholz. Ursula von der Leyen s'est déclarée “profondément choquée par l'attentat brutal” de Solingen. L'UE est préoccupée par les élections de dimanche en Allemagne en raison des répercussions qu'elles pourraient avoir sur la coalition dirigée par M. Scholz.
Santé
La Commission veut coordonner les dons de vaccins contre la Mpox - La semaine dernière, Stella Kyriakides, commissaire à la santé, a appelé les États membres à faire don de vaccins contre la Mpox aux pays africains, après que le Centre africain de contrôle et de prévention des maladies et l'Organisation mondiale de la santé ont lancé une mise en garde contre l'épidémie en cours. La Commission a déjà convenu avec la société pharmaceutique Bavaria Nordic d'acheter 215 000 vaccins pour les donner à l'Afrique. Mais “les doses nécessaires pour lutter contre l'épidémie actuelle sont évidemment beaucoup plus nombreuses”, a rappelé Mme Kyiriakides. La Commission souhaite coordonner les dons par l'intermédiaire de l'HERA (Health Emergency Preparedness and Response Authority). Elle a souligné qu'il existait déjà un contrat-cadre pour l'achat conjoint de vaccins Mpox destinés à être donnés à des pays tiers. “Je compte sur votre générosité pour communiquer rapidement vos intentions de dons afin de mieux soutenir nos partenaires africains dans la gestion de cette épidémie”, a conclu Mme Kyriakides.
Cela se passe aujourd'hui
Commission : la vice-présidente Vestager participe au forum des ambassadeurs danois à Copenhague
Commission : message vidéo du commissaire Gentiloni à la 5e conférence du Soft Power Club à Venise
Commission : la commissaire Simson participe à la conférence ONS 2024 en Norvège
Eurostat : données sur le commerce international de biens au deuxième trimestre