Ursula fait sa rentrée européenne par les campagnes et promet de voir grand
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Ursula fait sa rentrée européenne par les campagnes et promet de voir grand
Ursula von der Leyen a effectué sa rentrée politique hier avec la présentation d’une série de recommandations porteuses de beaucoup d’attentes pour le monde rural, en colère contre Bruxelles. Leur mise en œuvre va imposer une réforme de la Politique agricole commune et la révision de la négociation des accords commerciaux. La nouvelle Ursula a promis des “mesures ambitieuses” pour créer la confiance avec les agriculteurs. Saura-t-elle proposer ces réformes aux Etats membres et obtiendra-t-elle les moyens financiers ? La présidente n’a rien à perdre au cours de ce second mandat. Elle peut oser.
“C’est la rentrée”. Ursula von der Leyen a ouvert par ces mots une séquence qui va la conduire souvent au pupitre de la salle de presse du Berlaymont, le siège de la Commission, pour expliquer ses actions. Sa venue était motivée par la présentation des recommandations préconisées par les participants du groupe de réflexion constitué dans l’urgence en janvier 2024 pour apaiser les manifestations paysannes contre le Pacte vert. 105 pages dont 70 pages de recommandations, objet d’un “consensus adopté à l'unanimité” par tous les participants à cette réflexion, a précisé son président, Peter Strohschneider.
Et comme l’occasion fait le larron, la présidente a accepté de répondre à la question sur ses difficultés à obtenir la parité au sein de son nouveau collège. Une ligne soigneusement préparée pour rappeler les critères de compétences et d’équilibre qui dictent sa demande aux gouvernements de modifier leur choix et de désigner des femmes. Elle s’est dite “déterminée” et a jugé que “cela vaut la peine d’insister” car sans ses démarches, la nouvelle Commission n’aurait compté que 4 femmes, lorsqu'elles sont “une dizaine” maintenant, la présidente comprise, pour 27 postes.
Ursula von der Leyen s’est gardée de faire des promesses, mais elle s’est engagée à aider les agriculteurs qui ”travaillent avec et pour la nature” par un système d’encouragements et de récompenses; à réduire la bureaucratie et les sanctions liées à la Politique agricole commune pour les petites exploitations de moins de 10 hectares afin de “créer la confiance”. La présidente a souligné que “65% des agriculteurs de l’UE dirigent et vivent sur des exploitations de moins de 10 hectares et que la superficie totale de ces exploitations représente moins de 10% des terres arables de l’UE”. “Mon équipe et moi-même étudierons attentivement le rapport final du dialogue stratégique sur l’avenir de l’agriculture de l’UE. Ces recommandations vont alimenter la vision de l’agriculture et de l’alimentation que je présenterai dans les 100 premiers jours du prochain mandat”.
Le rapport rédigé par 29 organisations majeures représentant les acteurs du secteur – organisations agricoles (Copa-Cogeca, jeunes agriculteurs), organisations de consommateurs (BEUC) et ONG (Greenpeace, Slow Food) - formule quatorze recommandations, dont certaines vont impliquer des décisions difficiles. “Les positions des participants n’ont pas été faciles à concilier. Elles représentaient toute une gamme de positions politiques. Le consensus trouvé a été partagé par tous”, a souligné Peter Strohschneider. “Le paquet ne produira pas d'effet si on choisit telle ou telle mesure. Le dossier est complexe. Il faut accepter toutes actions et toutes les mesures proposées”, a-t-il averti. Ce ne sera pas facile. “La future PAC devrait devrait se concentrer sur ces objectifs centraux: 1) fournir un soutien socio-économique ciblé aux agriculteurs qui en ont le plus besoin; 2) promouvoir des résultats positifs en matière environnementale, sociale et de bien-être animal pour la société; et 3) dynamiser les conditions propices dans les zones rurales”, écrit le rapport.
En clair, “il n’est pas question de dépenser l’argent public pour ceux qui n’en ont pas besoin”, a expliqué Peter Strohschneider. “La PAC devrait accorder une aide au revenu à certains agriculteurs actifs d’une manière beaucoup plus ciblée afin d’empêcher l’abandon des exploitations et contribuer à faire en sorte que les agriculteurs puissent disposer d’un revenu décent, en ciblant ceux qui en ont le plus besoin, en particulier les petites exploitations et les exploitations mixtes, les jeunes agriculteurs, les nouveaux entrants et les agriculteurs installés dans les zones soumises à des contraintes naturelles”, explique le rapport.
La Politique agricole commune, ce sont plus de 300 milliards d’euros jusqu’en 2027, a rappelé Ursula von der Leyen. L'élaboration du prochain budget pluriannuel de l’UE va commencer et les marchandages seront difficiles avec les frugaux, ces pays opposés au dépassement de la ligne de 1% du PIB européen pour le financement des politiques européennes. Ursula von der Leyen a subi les pires humiliations de son premier mandat sur les questions budgétaires. Va-t-elle renoncer à demander plus de contributions pour le prochain budget ? Avec l’élargissement à l’Ukraine, un effort s’impose. Mais “les Européens vont-ils accepter de financer les oligarques ukrainiens ?”, nous a répondu un responsable européen interrogé sur cet enjeu.
La Commission européenne voit toujours grand en début de mandat. Elle est ensuite contrainte d’ajuster ses ambitions aux faibles moyens accordés par ses bailleurs de fonds, les Etats membres. La Commission européenne va également devoir réviser son approche actuelle en matière de conduite sur l’agriculture et l’agroalimentaire dans la négociation des accords commerciaux. Elle doit engager “un réexamen complet de ses stratégies de négociation et revoir sa méthode d’analyse d’impact avant les négociations commerciales”, insiste le rapport.
Sa conclusion est sans fioritures: “À l’heure où la nécessité d’agir se fait plus pressante et où le coût global de l’inaction augmente, il appartient à la Commission européenne, au Parlement européen, aux États membres et aux parties prenantes d’adopter ces recommandations communes et de les traduire en décisions courageuses et rapides”.
La citation
“Certains parlent d'un 'déficit démocratique' et d'une complexité institutionnelle excessive au niveau de l'UE. L'UE est loin d'être parfaite, mais la politique européenne mène à notre ingrédient final - le compromis - et à son tour au centrisme”.
Paschal Donohoe, président de l'Eurogroupe.
Rapport Draghi
Draghi réclame d'urgence des réformes sans précédent - Outre le rapport final du dialogue stratégique sur l'avenir de l'agriculture, Bruxelles hier était en effervescence à cause du rapport sur l'avenir de la compétitivité européenne signé par Mario Draghi. L'ancien président de la BCE et ancien premier ministre italien en a discuté avec les ambassadeurs des vingt-sept États membres, puis avec les chefs des groupes politiques du Parlement européen. M. Draghi n'a pas révélé le contenu du rapport, mais il a appelé à une action “urgente” avec des “réformes sans précédent de la part de tous les acteurs de l'UE” afin de ne pas être écrasés par les Etats-Unis et la Chine. Il considère la compétitivité et les valeurs européennes comme les principales priorités de la législature, selon plusieurs participants. “Nous devons agir très rapidement”, a prévenu M. Draghi.
Les cauchemars de Draghi sur la perte de souveraineté de l'Europe - Devant les ambassadeurs comme devant les leaders des parlementaires, Draghi a mis l'accent sur les maux dont souffre l'Europe. C'est le diagnostic qui figurera dans son rapport. L'UE perd du terrain au niveau mondial et perd la course à la compétitivité avec les Etats-Unis et la Chine. Parmi les causes de cette situation, il y a aussi l'autosatisfaction. M. Draghi a avoué faire des “cauchemars” à propos de l'avenir de l'UE si des mesures ne sont pas prises rapidement. Le danger est de perdre le “mode de vie” de l'Europe - la prospérité, la paix, la cohésion, l'inclusion sociale, la protection du climat - mais pas seulement. Sans une reprise de la compétitivité, “nous perdrons notre autonomie, notre indépendance et notre souveraineté”, a averti M. Draghi, selon l'un des participants. L'ancien président de la BCE a expliqué que le problème n'est pas le coût de la main-d'œuvre, mais le fossé des compétences, de la haute technologie et de l'innovation. Pour M. Draghi, c'est en Europe qu'il faut agir. Si rien n'est fait, dans un contexte de guerres et de tensions mondiales, l'UE deviendra “géopolitiquement vulnérable”.
La structure du rapport Draghi - Le contenu du rapport Draghi sur l'avenir de la compétitivité européenne n'a pas encore été rendu public. L'ancien président de la BCE a présenté hier la structure du document. Le rapport abordera dix sujets, dont les prix de l'énergie, le retard en matière d'innovation, les marchés de capitaux, les aides d'État, la pénurie de main-d'œuvre qualifiée, l'investissement et la défense. Chaque thème fera l'objet de recommandations spécifiques. La présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a déjà utilisé certaines des idées de M. Draghi pour définir les orientations politiques de son second mandat. Mme Von der Leyen a également promis que certaines recommandations seraient intégrées dans les lettres de mission des commissaires désignés. Le rapport Draghi pourrait donc devenir la boussole de la prochaine Commission. Mais pour la mise en œuvre de ses recommandations, les acteurs décisifs seront les chefs d'État et de gouvernement. Le rapport Draghi sera discuté lors du Conseil européen informel de novembre à Budapest. Dans un discours prononcé en février, M. Draghi a lui-même prévenu qu'il y aurait “des discussions difficiles qui obligeront nos institutions et nos gouvernements nationaux à faire des choix difficiles”. En avril, il a de nouveau appelé à des “changements radicaux”.
Le rapport de M. Draghi devient le ciment de la majorité von der Leyen, du PPE aux Verts - L'avertissement de M. Draghi et son sentiment d'urgence servent déjà de ciment à la majorité d'Ursula von der Leyen. Hier, après l'audition au Parlement européen, les chefs de groupe du Parti populaire européen et des Verts, Manfred Weber et Bas Eickhout, se sont présentés ensemble devant les journalistes pour commenter les propos de l'ancien président de la BCE. Le premier s'est concentré un peu plus sur l'industrie, le second un peu plus sur le climat, mais tous deux se sont accordés sur l'urgence de la question de la compétitivité. Lors de la réunion à huis clos, le Vert Eickhout a demandé à Draghi de ne pas mâcher ses mots dans son rapport, car il peut se permettre d'être audacieux dans ses recommandations. Le groupe souverainiste Ecr et le groupe anti-européen des Patriotes ont été beaucoup moins constructifs.
Commission von der Leyen II
Réponse peu convaincante de Von der Leyen sur l'égalité des sexes - Ursula von der Leyen a demandé hier au Parlement européen de lui donner un coup de main pour assurer l'égalité des sexes au sein de la prochaine Commission. Sa réponse à la question d'un journaliste n'a pas été convaincante. “Le premier critère pour le choix des commissaires est la compétence. Nous vivons des temps difficiles”, s'est justifiée la présidente. “La Commission a besoin de l'expertise d'anciens premiers ministres, de ministres, de diplomates et de hauts fonctionnaires”. Ensuite, il faut tenir compte des équilibres géographiques, des équilibres politiques et des équilibres entre les portefeuilles. Ce n'est qu'ensuite que Mme von der Leyen a mentionné “l'équilibre dans la représentation de la moitié de la population européenne”. Elle a déclaré que sans sa demande aux Etats membres d'envoyer deux noms de sexe différent (ignorée par tous les gouvernements à l'exception de la Bulgarie), la Commission aurait été composée de 6 femmes et de 21 hommes. “Sans cette lettre, ce serait le collège”. Aujourd'hui, il y a 10 femmes. En fin de compte, “selon le traité, les trois institutions sont responsables de la formation du collège”, a déclaré Mme von der Leyen, citant le rôle du Parlement européen. Cette déclaration peut apparaître comme une invitation à rejeter les candidats commissaires masculins lors des auditions.
Mécontentement au sein du groupe socialiste sur les choix d'Ursula von der Leyen - Le groupe des socialistes et démocrates a eu hier une discussion interne sur les choix d'Ursula von der Leyen pour la prochaine Commission. Selon une source, le débat a été “animé” et plusieurs “mécontentements” sont apparus. Certains socialistes estiment que Mme von der Leyen a favorisé le PPE au détriment du PSE. Le nombre de commissaires de droite serait trop élevé. Par ailleurs, la décision de confier une vice-présidence exécutive à l'Italien Raffaele Fitto, membre du parti Fratelli d'Italia de Giorgia Meloni, suscite l'irritation. Les socialistes craignent que Teresa Ribera ait moins de responsabilités et d'influence. Plusieurs députés ont également mis en cause le manque d'égalité entre les hommes et les femmes.
Plages
La Commission accepte un compromis sur les concessions des plages en Italie - La Commission européenne a accepté hier une solution de compromis avec l'Italie sur un nouveau report de l'application de la directive Bolkestein sur les concessions des plages, malgré une procédure d'infraction en cours depuis des années et des condamnations par la Cour de justice de l'UE. Le gouvernement de Giorgia Meloni a approuvé un décret reportant à 2027 l'obligation d'organiser des appels d'offres pour les concessions de plage, dont les bénéficiaires constituent une part importante de la base électorale du premier ministre. Selon les experts, l'absence d'appels d'offres a un coût important en termes de perte de revenus pour l'État. La raison pour laquelle la Commission a accepté un compromis est liée au calendrier de la procédure d'infraction : une condamnation par la Cour de justice de l'UE n'interviendrait qu'en 2027 ou plus tard. En outre, le gouvernement italien a accepté de maintenir les appels d'offres déjà lancés par certaines municipalités. Toutefois, la procédure d'infraction restera ouverte dans l'attente des décrets d'application.
Cela se passe aujourd'hui
Présidence hongroise de l'UE : réunion informelle des ministres de la Cohésion à Budapest
Parlement européen : audition au sein de la commission de l'agriculture sur le groupe de haut niveau sur la politique vitivinicole
Commission : la vice-présidente Vestager à Florence pour assister à la 28ème Conférence annuelle sur la concurrence de l'International Bar Association
Commission : le commissaire Wojciechowski à Tashkent, Ouzbékistan, participe au Forum international des pays en développement enclavés
Commission : le commissaire Reynders, à Vilnius, Lituanie, participe à la conférence informelle des ministres de la Justice du Conseil de l'Europe
Cour de justice de l'UE : arrêt sur la décision d'un notaire allemand qui a refusé d'authentifier un contrat de vente d'un appartement appartenant à une société russe en raison des sanctions
Cour de justice de l'UE : arrêt sur la liquidation de Novo Banco
Cour de justice de l'UE : conclusions de l'avocat général sur le recours Enel contre Alphabet concernant l'application Juice Pass
Eurostat : Données du commerce de détail de juillet ; prix à l'importation dans l'industrie en juillet