What a mess, che casino, quelle pagaille!
Bonjour! Je suis Christian Spillmann et avec David Carretta nous vous proposons la Matinale Européenne, un instrument pour offrir une analyse, un contexte et une perspective à ceux qui s'intéressent à l'UE.
What a mess, che casino, quelle pagaille!
“What a mess!”, disent les Britanniques. La conférence de soutien pour l'Ukraine devait signer le sursaut d’une Union européenne soudée dans sa volonté d’aider l’Ukraine à gagner la guerre lancée par la Russie. Elle se termine en chaos, avec une brouille franco-allemande de très mauvais augure, une énorme bévue du chancelier Olaf Scholz et une nouvelle salve de provocations du président Russe Vladimir Poutine. “L’Europe est-elle prête à la guerre”, nous demandions nous lundi. la réponse est “Non”. Emmanuel Macron a cherché à forcer la main à Olaf Scholz avec ses propos ambiguës sur l'envoi de troupes au sol en Ukraine, après avoir reconnu l’absence de consensus sur une présence militaire européenne. Il a braqué le chancelier. Et c’est non. “Il n’y aura aucune troupe au sol, aucun soldat européen envoyé ni par les Etats membres, ni par l’Otan, sur le territoire ukrainien”, a affirmé Olaf Scholz. L’Allemagne opposera son véto sur ce sujet au Conseil européen et au sein de l’Otan. L'unité de Paris s'est transformée en division. Mais ce n'est pas fini.
Pressé de fournir des missiles longue portée Taurus, le chancelier, dans sa colère, a commis un impair en laissant comprendre que la France et la Grande-Bretagne ont des militaires en Ukraine impliqués dans l’utilisation des missiles Scalp et Storm Shadow fournis à Kiev et que l’Allemagne refuse de faire de même pour les Taurus. “C’est une arme de grande portée. Et ce qui est fait en termes d'accompagnement du ciblage par les Britanniques et les Français ne peut être fait en Allemagne”, a-t-il déclaré. “L’Allemagne est le plus grand soutien militaire de l’Ukraine en Europe. Cela reste ainsi. Mais une chose est claire: nous ne deviendrons pas une partie belligérante, ni directement, ni indirectement. Ces deux principes guident toutes mes décisions”, a ajouté le chancelier.
La présence de “conseillers militaires” en soutien d’un allié sur un théâtre de guerre est un secret de polichinelle. Qu’un dirigeant dénonce publiquement cet engagement pour se démarquer de ses partenaires est inconvenant. “Les commentaires de Scholz sont erronés, irresponsables et sont une gifle pour les alliés”, s’est insurgée la députée conservatrice britannique Alicia Kearns. “Nous avons fourni des Storm Shadow, nous devons donner tout ce que nous pouvons. Scholz devrait donner des Taurus et cesser de compromettre la sécurité de l’Europe”, a-t-elle lancé. “Le Taurus est absolument nécessaire avant l'été. Sinon, lorsque les stocks de missiles Scalp et Storm Shadow s'épuiseront, la Russie pourra déployer à nouveau la flotte de la mer Noire à Sébastopol et réimposer le blocus sur les exportations de céréales de l'Ukraine”, explique François Heisbourg. consultant pour le IISS (The International Institute fot Strategic Studies). “La déclaration du chancelier (...) est totalement irresponsable. Scholz fait preuve d'un manque d'intérêt pour les intérêts de nos alliés et renforce les divisions entre les Européens”, a déploré le député CDU allemand Norbert Rottgen, membre de la commission des Affaires étrangères du Bundestag.
Il y a urgence de réparer les pots cassés. L’Otan ne peut se permettre une brouille entre l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni avant le sommet de son 75e anniversaire en juillet à Washington. Et l’UE risque la paralysie si Paris et Berlin se braquent. “Je ne me souviens pas que la relation ait été aussi mauvaise depuis que je fais de la politique. Est-elle encore réparable avec Scholz et Macron ? Je ne sais pas, mais ils doivent essayer. C'est la guerre en Europe”, a plaidé Norbert Rottgen, un des faucons de la CDU. “La priorité absolue est de produire des équipements et des munitions, pas de spéculer sur des options qui divisent et cela vaut pour le président français comme pour le chancelier allemand”, a insisté l’eurodéputé conservateur (LR) français Arnaud Danjean, spécialiste des question de défense, lors d’un débat au Parlement européen à Strasbourg.
Le chaos entre les Européens est exploité par le président Russe. Vladimir Poutine a joué sur les peurs exprimées un peu partout en Europe pour menacer les Occidentaux contre un risque “réel” de conflit nucléaire."Nous aussi nous avons des armes capables de frapper des cibles sur votre territoire”, a-t-il averti hier dans son discours à la nation. “Il ne s'agit pas d'une menace nucléaire contre l'Occident. Il s'agit d'une menace de dissuasion contre tout envahisseur du territoire russe, et nous pouvons tout à fait nous en accommoder”, a tempéré Bruno Tertrais, un des spécialiste français des questions stratégiques et de défense.
Mais la pagaille au sein de l’UE irrite et inquiète. ”Nous sommes un livre ouvert pour Poutine, qui s'attend à ce que demain n'apporte ni Taurus, ni ATACMS, ni même des quantités suffisantes de munitions. Il se réveille chaque jour en sachant qu'il n'y aura aucun dilemme stratégique susceptible de modifier ses calculs, que ce soit sur le champ de bataille ou ailleurs”, a déploré le chef de la diplomatie lituanienne Gabrielius Landsbergis. “Si quelqu'un pense que Poutine tient compte de nos gestes de retenue et modifie son comportement en conséquence, il choisit de vivre dans l'illusion. Il perçoit la prudence comme une faiblesse et une invitation à continuer”, met-il en garde. “La Russie conserve l'initiative et poursuit l'escalade. Notre incapacité à répondre à cette stratégie par une réponse suffisante est la raison de l'escalade, et non une voie vers la désescalade. C'est la principale raison pour laquelle le flanc oriental craint que Poutine ne teste l'article 5”, explique le ministre.
Moscou a ravivé les tensions en Moldavie en soutenant les demandes de “mesures de protection” des séparatistes pro-russes de la Transnistrie, une bande de territoire frontalière avec l’Ukraine. “Ce n’est pas un sujet de préoccupation”, ont commenté plusieurs responsables européen à Bruxelles. Un millier de militaires russes sont cantonnés en Transnistrie, mais ils sont peu équipés.
Faut-il balayer cette menace ? Les séparatistes pro-russes de l’Est de l’Ukraine ont lancé un appel à l'aide similaire en février 2022 et donné ainsi un prétexte à Poutine pour déclencher son “opération spéciale”.
La protection de la Moldavie est une des cinq missions approuvées au début de la semaine par les dirigeants alliés durant la Conférence de soutien à l’Ukraine avant que n’éclate la brouille entre Paris et Berlin provoquée par les déclarations d’Emmanuel Macron durant sa conférence de presse. La France commande le groupement tactique multinational de l’Otan basé en Roumanie et a déployé un millier de soldats et d’importants moyens pour assurer cette mission de protection.
La citation
"Nous avons besoin de l'esprit de victoire et nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour aider l'Ukraine à gagner. Nous ne devons pas avoir peur de notre propre puissance ni surestimer celle de la Russie".
Kaja Kallas, Premier ministre de l'Estonie.
Géopolitique
La Suède demande à Borrell un nouvel Magnitsky (ou Navalny) Act de l'Ue - Mercredi 28 février, le ministre suédois des affaires étrangères, Tobias Billstrom, a écrit au Haut représentant, Josep Borrell, pour demander la création d'un régime de sanctions de l'UE spécifiquement dédié à la Russie et à la situation à l'intérieur du pays. La mort d'Alexei Navalny est "un autre signe de la répression systématique croissante en Russie", indique la lettre. "Nous devons redoubler d'efforts pour demander des comptes aux dirigeants politiques et aux autorités russes et leur imposer des coûts supplémentaires pour leurs actions". Si la Suède se félicite de l'inclusion de nouveaux noms dans le régime global de sanctions pour violations des droits de l'homme, elle demande également "un régime de sanctions distinct, spécifique à la Russie". Selon Stockholm, les critères de sanctions devraient inclure "la détérioration de la situation des droits de l'homme, la justice politisée et la répression contre la société civile". Un régime similaire au Magnitsky Act "fournirait une base juridique solide" pour sanctionner les personnes faisant partie de l'appareil répressif, y compris du système judiciaire. La lettre a été signée par sept autres pays (République tchèque, Estonie, Finlande, Lettonie, Lituanie, Pologne et Roumanie) et a été soutenue par quatre États membres (Pays-Bas, France, Irlande et Danemark).
État de droit
La Commission débloque 137 milliards d'euros pour la Pologne - La Commission a officiellement débloqué hier 137 milliards d'euros de fonds européens pour la Pologne, qui avaient été gelés en raison de violations de l'État de droit. Selon la Commission, Varsovie a franchi de manière satisfaisante ses "super milestone" en matière de réforme de la justice, condition préalable à l'octroi des 59,8 milliards d'euros au titre du Fond de relance. L'indépendance du pouvoir judiciaire serait garantie par une loi adoptée en juin 2022 réformant l'une des chambres disciplinaires de la Cour suprême et par une ordonnance du ministre de la justice de ces derniers jours protégeant les juges contre des procédures injustifiées. En outre, le plan d'action présenté par le gouvernement de Donald Tusk contient une déclaration sur le respect de la primauté du droit de l'UE et de la jurisprudence de la Cour de justice de l'UE. La Commission considère également que la Pologne remplit les conditions dites "d'habilitation" relatives à la Charte des droits fondamentaux de l'UE, qui sont un préalable à l'accès aux 76,5 milliards d'euros de la politique de cohésion pour la période 2021-27. Les premiers versements sont attendus dans les semaines à venir : 6,3 milliards d'euros au titre du Fond de relance et 800 millions d'euros de remboursements au titre de la politique de cohésion. Mais la manne viendra plus tard dans l'année. La Commission est prête à débourser au moins 24 milliards en 2024.
La Commission accorde une aide politique à Tusk en croisant les doigts - Certains observateurs ont noté que les réformes de la justice annoncées par le gouvernement Tusk ne sont pas assez solides pour justifier le déblocage de fonds de l'UE. La décision de la Commission est basée sur une ordonnance et une déclaration politique, alors qu'aucune loi n'est en place (à l'exception d'une loi adoptée par le gouvernement précédent) et mise en œuvre. Dans l'ensemble, il s'agit de "mesures ayant des effets concrets", nous a dit une source de la Commission : la protection des juges contre les actions disciplinaires et la reconnaissance de la primauté du droit européen créent "une situation très différente" de celle qui prévalait sous le gouvernement du parti Droit et Justice (PiS). La Commission croise en fait les doigts, espérant que le président polonais Andrzej Duda, proche du PiS, ne bloquera pas les lois promises dans le plan d'action de M. Tusk sur la réforme de la justice avec son veto. "Renforcer l'indépendance du système judiciaire en Pologne est une étape importante, c'est évident, mais cela ne signifie pas que l'Etat de droit est totalement restauré et que tout va bien ", a reconnu une source de la Commission.
Coulisses
Air Ursula - La présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a utilisé un avion privé 23 fois en 2023 pour ses missions officielles, soit plus que les 26 autres commissaires réunis, selon un document obtenu par l'eurodéputé du groupe de La Gauche Martin Schirdewan. La liste comprend trois voyages en avion privé entre Bruxelles et Strasbourg pour des sessions du Parlement européen, malgré le fait qu'il existe une liaison ferroviaire entre les deux villes avec des trajets de moins de cinq heures. Nous avons consulté le registre public de transparence et découvert qu'il y avait également des vols privés avec des capitales européennes bien desservies par des compagnies commerciales, comme Berlin (en janvier 2023 pour une réunion avec Olaf Scholz) et Rome (en juillet 2023 pour un sommet sur l'immigration). "Il est honteux que le président de la Commission continue de voyager en avion privé à la lumière de la crise climatique ", a déclaré M. Schirdewan à Der Spiegel. Le porte-parole de la Commission, Eric Mamer, nous a dit que Mme von der Leyen ne prenait des avions privés que lorsque c'était "strictement nécessaire" pour des raisons d'agenda. "Le nombre d'avions non commerciaux doit être considéré dans le contexte de tous les vols pris, ainsi que de tous les trains et trajets en voiture pris", a ajouté M. Mamer, expliquant qu'il a passé "beaucoup de temps" avec la présidente "dans des avions commerciaux, souvent avec de nombreuses escales pour arriver à la destination finale".
PieperGate
Verts, socialistes, gauches et libéraux interrogent la Commission - Au moins quatorze eurodéputés de quatre groupes politiques, emmenés par le Vert allemand Daniel Freund, ont soumis une question écrite prioritaire à la Commission sur la nomination de Markus Pieper en tant qu'envoyé de l'UE pour les petites et moyennes entreprises, suite aux révélations de la Matinale Européenne. M. Pieper, un eurodéputé de la Cdu allemande, le même parti qu'Ursula von der Leyen, avait été considéré par les comités de sélection comme le pire des candidats présélectionnés. Cette nomination "soulève des questions quant à la transparence du processus et à l'influence de la présidente de la Commission", ont déclaré les députés des groupes Verts, Socialistes et Démocrates, Gauche et Renouveau. Dans la question, il est demandé à la Commission quelles ont été les résultats des évaluations internes et externes de M. Pieper, quelles qualifications supplémentaires ont justifié le choix de l'eurodéputé de la Cdu allemande par rapport à de meilleurs candidats, et si l'affiliation au parti allemand a joué un rôle décisif dans la nomination.
Dlabajova fait appel contre la nomination de Pieper - Martina Dlabajova a déposé un appel auprès de la direction générale des ressources humaines de la Commission contre la nomination de Markus Pieper en tant que envoyé de l'UE pour les PME. Députée européenne tchèque du groupe Renew, Martina Dlabajova avait été considérée comme la candidate la plus qualifiée et la plus apte à occuper ce poste par les comités de sélection internes et externes. En outre, le commissaire chargé du marché intérieur, Thierry Breton, avait recommandé son nom pour le poste de envoyée de l'UE pour les PME. Mais le choix a eu lieu lors d'une réunion du collège des commissaires le 31 janvier, alors que M. Breton ne pouvait pas être présent car il participait à une réunion informelle du Conseil de défense. Un porte-parole de la Commission a confirmé que la proposition de nommer Mme Pieper avait été avancée par le commissaire chargé de l'administration, Johannes Hahn, en accord avec la présidente von der Leyen.
Antitrust
La Suède mène la rébellion contre l'excès d'aides d'Etat - Le 28 février, la Suède a envoyé une autre lettre signée par plusieurs pays en plus de celle sur les sanctions contre la Russie, cette fois sur la compétitivité, le marché intérieur et les aides d'Etat. Selon le document, il est nécessaire d'adopter une "approche prudente et fondée sur des données probantes en ce qui concerne la modification de l'encadrement des aides d'État". La lettre, qui contient une critique implicite de la Commission pour avoir appliqué les règles sur les aides d'État de manière trop souple pour des raisons politiques, a été signée par la République tchèque, l'Estonie, la Finlande, l'Irlande, la Lettonie, la Pologne et le Portugal (l'Islande est également incluse car elle est soumise aux règles de l'UE en matière de concurrence). Pour renforcer la compétitivité à long terme et revigorer la politique industrielle, "il existe des alternatives à l'assouplissement des règles relatives aux aides d'État", telles que la simplification réglementaire, des autorisations plus rapides, un cadre réglementaire prévisible, une main-d'œuvre qualifiée et moins d'obstacles au marché intérieur, peut-on lire dans la lettre.
Commerce
Le Parlement européen approuve les accords commerciaux avec le Chili et le Kenya - Alors que les agriculteurs manifestent dans toute l'Europe, les accords de libre-échange ne sont pas à la mode en ce moment. La conclusion de l'accord avec le Mercosur a été suspendue, tandis que les négociations avec l'Australie sont au point mort. Les partisans du libre-échange ont reçu une bonne nouvelle hier. Le Parlement a approuvé le nouvel accord commercial avec le Chili et le nouveau partenariat économique avec le Kenya. Pour le Chili, il y a eu 376 voix pour, 114 contre et 56 abstentions. Pour le Kenya, il y a eu 366 voix pour, 86 contre et 56 abstentions. Le premier est particulièrement important pour garantir l'accès de l'UE à des matières premières telles que le lithium, le cuivre et l'hydrogène. Les deux accords comportent des engagements sociaux et environnementaux contraignants. "Ces accords contribuent aux efforts déployés par l'UE pour diversifier les marchés, tant pour les exportations que pour les importations, atténuer les risques et mettre en place des chaînes de valeur plus résistantes", a déclaré Markus Beyrer, directeur général de BusinessEurope, l'organisation représentant les entreprises de l'UE.
Ce qui se passe aujourd'hui
Présidence belge de l'UE : réunion informelle des ministres de l'Éducation
Commission : discours de la vice-présidente Vestager lors de la conférence annuelle du Global Centre on Competition Law à Bruges
Service européen pour l'action extérieure : le Haut représentant Borrell participe au sommet de la CELAC (Communauté des États d'Amérique latine et des Caraïbes) à Saint-Vincent-et-les-Grenadines
Commission : discours du Commissaire Breton au premier Sommet Paris-Saclay
Commission : le commissaire Lenarcic reçoit le secrétaire général de Médecins sans frontières, Chris Lockyear
Commission : visite du commissaire Simson à Bakou en Azerbaïdjan
Commission : visite du Commissaire Sinkevicius à Nairobi au Kenya
Parlement européen : visite du président Metsola en Espagne
Conseil : réunion du Coreper I
Eurostat: estimation flash de l'inflation en février ; données sur le chômage en janvier